Il y a des nouvelles qui vous tombent dessus comme une masse. Mercredi 26 novembre, en fin d’après-midi, dans une petite résidence calme de Guérande, une femme de 78 ans gît sur le carrelage de son salon, le corps couvert de blessures à l’arme blanche. Cette femme, c’était Catherine Bailhache, ancienne proviseure, artiste peintre reconnue, et surtout conseillère municipale d’opposition très investie. Et l’homme soupçonné de l’avoir tuée ? Celui-là même qu’elle hébergeait depuis dix jours par pure générosité.
On reste sonné. Parce que derrière les faits bruts, il y a cette question qui brûle : comment la solidarité la plus sincère peut-elle tourner au cauchemar absolu ?
Un geste d’humanité qui vire au drame
Catherine Bailhache n’était pas du genre à rester les bras croisés. Retraitée de l’Éducation nationale, elle avait gardé cette fibre pédagogique, ce besoin d’aider. C’est dans ce cadre qu’elle accepte, mi-novembre, d’ouvrir sa maison à un jeune homme de 34 ans. Rien de bien officiel, plutôt une démarche associative, le genre d’initiative qu’on salue habituellement comme un bel exemple de solidarité locale.
Dix jours plus tard, tout bascule.
Des proches, inquiets de ne plus avoir de nouvelles, alertent les gendarmes. Il est un peu avant 17 heures quand les militaires poussent la porte du domicile, situé dans le secteur tranquille du parc de la Achelais. Ce qu’ils découvrent les fige : la maîtresse de maison est étendue au sol, inerte, grièvement blessée. Les secours arriveront trop tard. Catherine Bailhache décède sur place.
L’intervention qui tourne à l’affrontement
Les gendarmes, accompagnés du PSIG de Saint-Nazaire, décident de fouiller la maison pièce par pièce. On imagine l’ambiance : tension maximale, armes sorties, chacun sait qu’un agresseur peut encore être là.
Et puis, soudain, le placard de la salle de bains s’ouvre violemment. Un homme en jaillit, hurlant, un couteau à la main. Il fonce droit sur le premier militaire. Réflexe de survie : un gendarme ouvre le feu. Une balle dans l’épaule stoppe net l’élan. L’individu, malgré la blessure, continue de se débattre. Il faudra plusieurs hommes pour le maîtriser et le désarmer.
Une scène digne d’un film, mais bien réelle, et qui aurait pu très mal finir pour les forces de l’ordre.
L’homme, 34 ans, est transporté en urgence à l’hôpital. Son état est sérieux. Dès qu’il sera opérable et auditionnable, il sera placé en garde à vue pour homicide volontaire et tentative d’homicide sur personne dépositaire de l’autorité publique.
Qui était vraiment cet homme hébergé ?
À ce stade, c’est le grand flou. Les premiers éléments indiquent qu’il n’était connu ni de la police ni de la justice. Pas de casier, pas d’antécédents psychiatriques officiels signalés. Juste un parcours chaotique, semble-t-il, qui l’avait conduit à frapper à la porte d’associations pour trouver un toit temporaire.
Alors, rupture brutale ? Crise de folie passagère ? Conflit qui dégénère ? L’enquête de la brigade de recherches de Saint-Nazaire va devoir démêler tout ça. L’autopsie, prévue dans les prochains jours à Nantes, apportera peut-être des réponses sur le nombre de coups, leur violence, le déroulé exact.
- Depuis quand la tension montait-elle dans la maison ?
- Y a-t-il eu des signaux d’alerte ignorés ?
- Le dispositif d’hébergement était-il suffisamment encadré ?
Autant de questions qui, pour l’instant, restent sans réponse.
Guérande sous le choc
Dans la cité médiévale, c’est l’incompréhension totale. Catherine Bailhache, c’était une figure. Une femme élégante, cultivée, toujours prête à défendre ses idées au conseil municipal – souvent dans l’opposition, mais toujours avec panache. Une artiste aussi : ses toiles voyageaient dans toute la France.
« Un séisme », lâche un ancien collègue du milieu artistique local. « On n’arrive pas à y croire. »
Sur les réseaux, les hommages pleuvent. « Tu as été une vraie battante pour Guérande », écrit une ex-colistière. D’autres parlent d’une femme « lumineuse », « généreuse jusqu’à l’excès ». Le mot qui revient le plus ? Choc.
Et derrière le chagrin, une pointe d’angoisse. Parce que cette histoire touche tout le monde. Qui n’a jamais eu envie d’aider quelqu’un dans la galère ? Qui n’a jamais pensé que, finalement, ouvrir sa porte, c’était le minimum de la décence humaine ? Ce drame vient rappeler, brutalement, que la générosité a parfois un prix terrible.
L’hébergement solidaire : une générosité à risque ?
Je ne vais pas vous faire le couplet moralisateur. Mais quand même. Ces dernières années, on a vu fleurir des initiatives formidables : familles d’accueil pour migrants, hébergements citoyens pour SDF, colocations solidaires avec des jeunes en insertion… Des gestes qui font chaud au cœur.
Mais il y a l’envers du décor. Quand on accueille quelqu’un chez soi, on n’a pas de dossier psy sous la main. Pas de contrôle judiciaire. Juste la confiance. Et parfois, ça suffit. Souvent, même. Mais quand ça dérape…
Catherine Bailhache n’est malheureusement pas la première. On se souvient de cette retraitée de l’Oise, tuée en 2018 par un jeune qu’elle hébergeait. Ou de cette autre dame dans le Var, en 2022. Des cas rares, certes. Mais qui marquent.
Est-ce qu’on va, après ce drame, revoir tout le système ? Probablement pas. Parce qu’on ne peut pas demander à chaque citoyen de se transformer en enquêteur avant d’ouvrir sa porte. Mais peut-être qu’on va, collectivement, se poser plus de questions. Sur l’accompagnement, sur le suivi, sur les signaux faibles.
Et maintenant ?
L’enquête ne fait que commencer. Il faudra attendre les résultats de l’autopsie, les premières auditions (quand l’état de santé du suspect le permettra), les analyses de téléphonie, les témoignages des voisins. Peut-être que des éléments psychiatriques lourds vont émerger. Ou peut-être pas.
Ce qui est sûr, c’est que Guérande portera longtemps cette cicatrice. Une élue respectée, assassinée dans sa propre maison, par celui qu’elle voulait sauver. Il y a quelque chose de tragiquement shakespearien là-dedans.
En attendant les réponses, on pense à la famille, aux amis, aux collègues. À tous ceux qui, ce soir, doivent se demander comment on en arrive là. Et on se dit que, parfois, la bonté humaine a un visage bien cruel.
Repose en paix, Catherine. Tu mérites qu’on se souvienne de toi pour bien plus que ce terrible épilogue.
