Quand on suit ce conflit depuis bientôt quatre ans, on finit par reconnaître les moments où la température monte d’un cran. Hier, ce fut l’un de ces moments. Emmanuel Macron, droit dans ses bottes, a balancé une phrase qui claque : il n’y a, à ce jour, aucune volonté russe d’arrêter les combats. Pas de cessez-le-feu en vue, pas même l’ombre d’une discussion sérieuse. Et derrière cette affirmation, tout un échiquier diplomatique qui se redessine à toute vitesse.
J’étais en train de boire mon café quand la dépêche est tombée. Franchement, ça fait un choc. On avait tous espéré, peut-être naïvement, que l’arrivée d’une nouvelle administration à Washington allait débloquer quelque chose. Raté. Ou plutôt : pas encore.
Une phrase qui change tout
Reprenons depuis le début. Mardi après-midi, après une visioconférence rassemblant plus de trente pays – la fameuse « coalition des volontaires » –, le président français a été clair comme rarement. Moscou ne veut ni cessez-le-feu ni même discuter du projet de plan américain qui circule depuis quelques semaines.
« Il n’y a aujourd’hui clairement pas de volonté russe d’avoir un cessez-le-feu. »
Emmanuel Macron, 25 novembre 2025
Cette phrase, elle ne sort pas de nulle part. Elle arrive après des jours de tractations discrètes, de réunions à Genève, d’allers-retours entre Européens, Américains et Ukrainiens. Et surtout, elle tombe au moment où certains commençaient à croire que la porte était entrouverte.
Le plan américain passé au crible
Petit retour en arrière nécessaire. Il y a quelques semaines, une première version d’un projet de paix made in USA avait fuité. Dedans, des points qui avaient fait bondir tout le monde à Kiev et dans les capitales européennes : cession de territoires, réduction drastique de l’armée ukrainienne, neutralité imposée… Autant dire un diktat déguisé.
Depuis, le texte a été largement amendé. Et là, Macron l’a redit hier : plus aucune limitation à l’armée ukrainienne. C’est non négociable. L’idée ? Que l’Ukraine reste capable de se défendre seule, même en cas d’accord. Parce que signer la paix avec une armée casquée, c’est signer pour la prochaine guerre dans cinq ans.
- Armée ukrainienne forte et sans plafond d’effectifs ou d’équipements
- Garanties de sécurité européennes et, pour la première fois, américaines
- Mécanisme de surveillance d’un éventuel cessez-le-feu (déjà en discussion avec l’OTAN)
- Forces de « réassurance » en second rideau, pilotées par Paris et Londres
C’est du concret. Et ça change profondément la donne.
Une coalition qui prend forme
Ce qui m’a marqué, c’est l’implication nouvelle des États-Unis. Hier, le secrétaire d’État américain était dans la boucle – chose rare ces derniers mois. Un groupe de travail franco-britannique démarre dès aujourd’hui, avec la Turquie en partenaire clé sur la mer Noire et, surtout, Washington à la table. Ça, c’est du jamais-vu depuis longtemps.
On sent que l’Europe ne veut plus attendre. Elle construit son propre filet de sécurité, au cas où. Et elle le fait vite.
Les avoirs russes, l’arme financière
Autre dossier brûlant : les centaines de milliards d’avoirs russes gelés en Europe. Macron a été clair : une décision arrive « dans les prochains jours ». L’idée ? Utiliser ces fonds pour financer à la fois la défense et la reconstruction ukrainienne, tout en maintenant la pression maximale sur Moscou.
Parce que oui, l’argent reste une arme. Et une arme redoutable. Quand vous bloquez les réserves de change d’un pays, vous touchez son cœur économique. Et là, on parle de montants colossaux.
Ces actifs gelés sont « extrêmement importants » et « aussi un moyen de pression ».
Traduction : tant que la Russie refuse de négocier sérieusement, elle continuera à payer. Littéralement.
Et la Russie dans tout ça ?
De l’autre côté, le silence est assourdissant. Ou plutôt non : il y a du bruit, mais pas celui qu’on espérait. Redéploiement de bombardiers stratégiques Tu-22M3, menaces de frappes massives, envoi d’émissaires à Moscou… Tout indique que le Kremlin joue la montre et la surenchère.
On peut se poser la question : est-ce que Poutine croit vraiment pouvoir gagner militairement ? Ou est-ce qu’il mise tout sur une fatigue occidentale ? Les deux sans doute. Mais plus le temps passe, plus cette stratégie devient risquée.
Pourquoi cette fermeté change la donne
Ce qui est nouveau, c’est le ton. On est loin des appels timides à la « désescalade » des premiers mois. Là, on parle d’une Ukraine qui doit rester une forteresse. D’une Europe qui se réarme idéologiquement. D’une coalition qui se structure pour durer.
Et ça, c’est peut-être le plus important. Parce que tant que la Russie croira pouvoir attendre que l’Occident se lasse, elle continuera. Mais si elle comprend que l’Occident est prêt à tenir dix ans s’il le faut… là, la donne change.
Et maintenant ?
Les prochains jours vont être décisifs. Décision sur les avoirs gelés. Finalisation des contributions de chaque pays à la coalition. Discussions OTAN sur la surveillance d’un éventuel cessez-le-feu. Et surtout, les échanges entre Américains et Russes qui se poursuivent en coulisses.
On le sait tous : la paix, quand elle viendra, ne ressemblera à aucune autre. Elle sera armée, surveillée, garantie par des dizaines de pays. Elle ne sera pas la fin de la tension, mais le début d’une nouvelle ère de dissuasion.
En attendant, une chose est sûre : l’Europe a décidé de ne plus être spectatrice. Elle est entrée dans le match. Et elle compte bien y rester.
Quatre ans de guerre, et on a parfois l’impression que c’était hier. Et en même temps, une éternité. Ce qui se joue aujourd’hui, ce n’est pas seulement l’avenir de l’Ukraine. C’est celui de toute l’architecture de sécurité européenne. Et peut-être bien plus.
On continue de suivre ça de très près. Parce que, franchement, on n’a pas le choix.
