Vous avez déjà eu cette petite boule au ventre en ouvrant votre avis de taxe foncière ? Moi oui. Et je vous avoue que, ces derniers temps, j’ai l’impression qu’elle grossit d’année en année. Alors quand on apprend que 7,4 millions de logements vont subir une augmentation quasi-automatique en 2026, on se dit que la pilule risque d’être particulièrement amère pour beaucoup de monde.
Pourtant, du côté du ministère de l’Économie, on reste d’un calme olympien. On nous assure même que les contestations seront « minimes ». Vraiment ? Permettez-moi d’en douter un peu. Laissez-moi vous expliquer pourquoi cette annonce, aussi technique soit-elle, pourrait bien déclencher une vague de mécontentement qu’on n’a pas vue depuis longtemps.
Une mise à jour attendue depuis… 50 ans
Revenons aux bases – littéralement. Les valeurs locatives cadastrales, ce chiffre magique qui sert à calculer votre taxe foncière, n’ont pas été revues depuis les années 1970 pour la grande majorité des biens concernés. À l’époque, Giscard était président, les téléphones avaient des fils et beaucoup portaient des pattes d’eph. Autant dire une éternité en matière d’immobilier.
Depuis, les logements ont été rénovés, agrandis, équipés de double vitrage, de salles de bains supplémentaires, de cuisines aménagées… Bref, ils valent objectivement plus cher à la location qu’à l’époque. Mais les bases fiscales, elles, étaient restées figées dans le temps. Résultat : certaines communes touchaient moins que ce qu’elles auraient dû, tandis que d’autres (celles avec beaucoup de logements anciens logements modestes) se retrouvaient pénalisées.
La réforme vise donc à corriger cette distorsion. Jusque-là, on peut comprendre la logique. Le problème, c’est la méthode et surtout le calendrier.
Comment ça va se passer concrètement ?
L’administration fiscale va automatiquement mettre à jour les caractéristiques de 7,4 millions de logements en se basant sur les déclarations que les propriétaires ont faites ces dernières années (vous savez, ces formulaires qu’on remplissait en grognant en se demandant à quoi ça servait…).
Et là, surprise : votre maison des années 70 qui n’avait pas de salle de bains complète à l’époque, mais qui en a maintenant deux ? Hop, la base augmente. Votre appartement qui n’était pas raccordé au tout-à-l’égout en 1970 mais qui l’est depuis 1995 ? Re-hop, augmentation. Cuisine équipée, parking couvert, balcon fermé… tout y passe.
- Présence d’une salle d’eau ou salle de bains
- Raccordement à l’électricité et au réseau d’eau potable
- Chauffage central ou individuel
- Ascenseur (pour les appartements)
- Parking ou garage
- Surface réelle du bien
Tous ces éléments, qui sont aujourd’hui la norme dans 99 % des logements français, vont faire grimper la note. Et parfois de façon très significative.
Pourquoi Bercy pense que personne ne va râler
L’argument principal du ministère est simple : « Qui aujourd’hui possède encore un logement sans lavabo ou non raccordé à l’électricité ? » Sous-entendu : presque plus personne. Donc presque personne ne pourra contester utilement.
« Les contentieux seront minimes. Quand des mises à jour similaires ont été réalisées récemment dans certaines communes à la demande des maires, les recours ont été infinitésimaux. »
Une source haut placée au ministère de l’Économie
Sur le papier, c’est vrai. Très peu de Français vivent encore dans des logements aussi rudimentaires. Mais dans la réalité, c’est un peu plus compliqué que ça.
Déjà, il y a tous ceux qui ont fait des travaux mais qui, pour X ou Y raison, n’ont pas déclaré correctement les nouvelles caractéristiques. Ensuite, il y a la question de l’équité : pourquoi ceux qui ont amélioré leur logement (souvent à grands frais) seraient pénalisés plus que ceux qui n’ont rien fait ? Et enfin, il y a le timing : en pleine inflation, avec un pouvoir d’achat déjà fragilisé, cette hausse tombe particulièrement mal.
Combien ça va coûter vraiment ?
L’estimation officielle parle d’au moins 466 millions d’euros supplémentaires pour les collectivités locales. Ce qui veut dire, en moyenne, un peu plus de 60 € par logement concerné. Mais attention, c’est une moyenne.
Dans certaines communes, notamment en zone rurale ou dans les petites villes où les bases étaient particulièrement sous-évaluées, l’augmentation pourrait atteindre plusieurs centaines d’euros. À l’inverse, dans certaines grandes villes où les valeurs étaient déjà élevées, l’impact sera plus modéré.
Et n’oublions pas que cette hausse s’ajoute aux augmentations décidées chaque année par les collectivités elles-mêmes. Autant dire que l’addition risque d’être salée pour certains.
Et si je pense que c’est injuste ?
Vous recevrez un courrier (ou un message dans votre espace personnel sur le site des impôts) début 2026 vous informant de la nouvelle évaluation de votre bien. Vous aurez alors un délai pour contester si vous pensez que l’administration s’est trompée sur les caractéristiques de votre logement.
Mais attention : il faudra prouver que votre logement ne dispose pas de certains éléments de confort. Ce qui, soyons honnêtes, sera très difficile pour la grande majorité d’entre nous.
J’ai discuté avec plusieurs fiscalistes ces derniers jours, et ils sont unanimes : les possibilités de recours seront extrêmement limitées. À moins d’habiter dans une maison vraiment très ancienne et jamais rénovée (et encore), il sera presque impossible de faire baisser la note.
Ce que ça dit de notre système fiscal
Au-delà du montant, ce qui me frappe dans cette affaire, c’est la méthode. On nous présente une mesure technique, presque administrative, comme si elle n’allait avoir aucun impact sur le quotidien des Français. Alors qu’en réalité, elle touche directement au porte-monnaie de millions de propriétaires.
Et le pire, c’est qu’elle arrive dans un contexte où la pression fiscale locale est déjà à son maximum dans beaucoup de communes. Entre la suppression progressive de la taxe d’habitation (compensée… ou pas) et les besoins croissants des collectivités, on a l’impression que l’État se défausse sur les impôts locaux pour équilibrer ses comptes.
Parce que soyons clairs : ces 466 millions d’euros supplémentaires, ce n’est pas Bercy qui les touche l’argent. Ce sont les communes, les intercommunalités, les départements. Mais c’est l’État qui prend la décision et qui communique dessus. Pratique.
Alors, faut-il s’inquiéter ou pas ?
Honnêtement ? Oui et non.
Oui, parce que cette hausse va toucher beaucoup de monde et que, cumulée avec les autres augmentations, elle va peser sur le budget de nombreux ménages. Non, parce que dans l’absolu, payer une taxe foncière en adéquation avec la réalité de son logement, ce n’est pas forcément scandaleux.
Ce qui me gêne le plus, c’est le sentiment qu’on nous prend un peu pour des idiots. Présenter cette mesure comme indolore alors qu’elle va manifestement faire mal à certains, minimiser les risques de contestation alors qu’on sait très bien que beaucoup vont essayer… Ça donne l’impression qu’on nous cache la réalité.
Et vous, qu’en pensez-vous ? Votre taxe foncière a déjà augmenté ces dernières années ? Vous attendez-vous à une mauvaise surprise en 2026 ?
Parce qu’une chose est sûre : cette histoire de mise à jour des bases locatives, ce n’est que le début. D’autres réformes fiscales se profilent à l’horizon, et elles risquent d’être encore moins bien accueillies que celle-ci…
