Imaginez-vous installer votre famille dans un appartement tout neuf, avec cette fierté un peu naïve de penser que, enfin, vous allez être tranquilles pour des décennies. Et puis, quelques mois plus tard, vous découvrez des champignons qui poussent sur le mur de la chambre de votre enfant. Ce n’est pas un cauchemar. C’est la réalité quotidienne de dizaines de familles dans un immeuble HLM de Bezons, dans le Val-d’Oise, livré en juillet 2020. Cinq ans à peine, et c’est déjà la cata.
Un immeuble flambant neuf… qui tombe déjà en ruine
Quand on pense « logement social neuf », on s’imagine des normes strictes, des contrôles à tous les étages, une garantie décennale qui protège vraiment les habitants. Eh bien dans ce bâtiment de l’avenue Gabriel-Péri, la réalité rattrape brutalement la fiction. Les locataires parlent de fuites dès les premières pluies, de chauffage qui ne fonctionne qu’à moitié l’hiver, de moisissures qui s’étendent comme une gangrène sur les murs.
Ce qui choque le plus ? Tout était censé être aux normes. Pourtant, dès l’automne 2020, les problèmes ont commencé à s’accumuler. Et cinq ans plus tard, la situation est devenue carrément invivable pour beaucoup.
Des champignons dans la chambre des enfants
Une mère de famille me confiait récemment, la voix tremblante : ses deux enfants dorment depuis des années sous des plafonds où poussent littéralement des champignons. Elle a beau nettoyer, gratter, peindre par-dessus, ça revient toujours. Pire, les taches noires s’étendent maintenant jusqu’au sol.
« On vit comme des rats. Franchement, parfois je me demande si on ne ferait pas mieux de dormir dans la rue. Au moins, on respirerait un air sain. »
Une locataire excédée, mère de deux enfants
Ce n’est pas une phrase en l’air. Plusieurs familles témoignent de problèmes respiratoires récurrents, d’allergies qui empirent, d’asthme chez les plus jeunes. Les médecins établissent parfois le lien avec l’humidité permanente. Mais quand on vit en HLM avec des revenus modestes, déménager n’est pas une option qui se décide comme ça.
Des malfaçons visibles à l’œil nu
Dans les couloirs, c’est le même tableau. Les peintures cloquent, les plinthes se soulèvent, des fissures courent le long des murs porteurs. Un locataire du troisième étage montre du doigt une lézarde large comme un doigt : « Regardez, ça s’agrandit d’année en année. On a peur que le plafond nous tombe sur la tête un jour. »
- Fuites récurrentes dès qu’il pleut un peu fort
- Absence de ventilation correcte dans les salles de bains
- Chauffage collectif qui lâche régulièrement en plein hiver
- Papier peint qui se décolle en larges bandes
- Moisissures noires dans les angles et sous les fenêtres
- Champignons qui poussent directement sur les murs
Cette liste, ce sont les locataires eux-mêmes qui l’ont dressée au fil des années. Et à chaque fois qu’ils signalent un problème, la réponse est souvent la même : un coup de peinture rapide, un joint refait à la va-vite, et on leur dit que « c’est normal dans un bâtiment qui travaille ».
Le bailleur social dépassé… ou négligent ?
Le gestionnaire de l’immeuble, un grand bailleur social du département, est évidemment au courant. Les locataires ont envoyé des dizaines de courriers recommandés, organisé des réunions, alerté la mairie. Résultat ? Des travaux par-ci par-là, mais jamais de solution définitive.
Certains habitants ont même porté plainte. D’autres ont contacté les associations de défense des locataires. Mais entre les délais administratifs et la complexité des responsabilités (constructeur, architecte, entreprises, bailleur…), tout le monde se renvoie la balle.
Ce que je trouve personnellement révoltant, c’est que ce genre d’histoire n’est pas isolé. On entend régulièrement parler de résidences neuves qui vieillissent mal, très mal. Sauf que là, on parle d’un bâtiment qui n’a même pas dix ans. C’est aberrant.
L’impact sur la santé : le sujet qu’on évite de regarder en face
Derrière les murs moisis, il y a des vies abîmées. Des enfants qui toussent la nuit. Des parents qui n’osent plus inviter personne chez eux de honte. Une grand-mère qui a dû être hospitalisée plusieurs fois pour des crises d’asthme sévères.
Les médecins sont clairs : vivre dans un logement humide et moisi augmente fortement les risques de maladies respiratoires, d’allergies, voire de troubles plus graves à long terme. Et quand on sait que les familles modestes sont déjà plus exposées aux problèmes de santé, on mesure l’injustice.
« Ma fille de 6 ans a développé un asthme depuis qu’on habite ici. Le pneumologue m’a demandé si on vivait dans une cave. J’ai eu honte. »
Et la garantie décennale, elle sert à quoi alors ?
Théoriquement, un bâtiment neuf est couvert pendant dix ans pour les gros défauts de construction. En pratique ? C’est un parcours du combattant. Il faut prouver que le problème vient bien d’une malfaçon initiale, pas de l’usage ou de l’entretien. Et pendant ce temps, les locataires continuent de vivre dans la moisissure.
Certains experts indépendants qui ont visité l’immeuble parlent d’un défaut majeur d’étanchéité et de ventilation. En clair : dès la conception ou la réalisation, quelque chose a été bâclé. Mais identifier précisément qui est responsable, c’est une autre paire de manches.
Que faire quand on est locataire et que tout s’écroule ?
Beaucoup se sentent totalement démunis. Payer un loyer tous les mois pour vivre dans ces conditions, ça laisse un goût amer. Quelques familles ont obtenu un relogement provisoire, mais la plupart attendent toujours.
- Signaler par écrit tous les problèmes (photos à l’appui)
- Faire constater par un huissier si le bailleur traîne
- Contacter les associations type CLCV ou UFC-Que Choisir
- Alerter la mairie et les services d’hygiène
- Envisager une action collective avec les autres locataires
Même si ça prend du temps, c’est souvent la seule façon d’obtenir des résultats concrets. L’union fait la force, surtout face à des structures aussi puissantes que les grands bailleurs sociaux.
Un problème plus large que Bezons
Ce qui se passe dans cet immeuble n’est malheureusement pas une exception. Partout en France, des témoignages similaires émergent : résidences neuves qui se dégradent à vitesse grand V, locataires laissés pour compte, travaux qui traînent pendant des années.
Est-ce qu’on construit trop vite ? Est-ce qu’on rogne sur les matériaux pour faire des économies ? Est-ce que les contrôles sont vraiment efficaces ? Les questions sont nombreuses, et les réponses dérangeantes.
Ce qui est sûr, c’est que derrière les discours sur le « logement pour tous » et les belles opérations de construction, il y a des familles qui paient le prix fort. Et ça, ça ne devrait plus arriver en 2025.
En écrivant ces lignes, je repense à cette mère qui m’a montré la chambre de ses enfants. Elle avait accroché une guirlande de Noël pour essayer de rendre l’endroit un peu joyeux. Mais à côté des lumières clignotantes, les traînées d’humidité et les champignons sur le mur faisaient peine à voir.
On ne devrait jamais avoir à choisir entre décorer son intérieur et respirer un air sain. Jamais.
Si vous vivez la même chose, parlez-en. Partagez votre histoire. Plus on sera nombreux à dénoncer ces situations, plus on aura de chances que les choses changent enfin. Parce que vivre dans un logement décent, ce n’est pas un luxe. C’est un droit fondamental.
