Vous est-il déjà arrivé de sentir que le pays tourne un peu en rond, comme une voiture coincée dans les embouteillages un vendredi soir ? Ces derniers temps, j’ai cette impression tenace. Et quand un haut responsable de la banque centrale ouvre la bouche pour dire que l’incertitude politique nous coûte déjà de l’argent – du vrai, du quantifiable –, on tend l’oreille. Ce matin-là, la phrase a claqué : au minimum 0,2 point de croissance perdu rien qu’à cause du brouillard français. Autant dire plusieurs milliards d’euros qui ne tomberont jamais dans les caisses.
Franchement, on pouvait s’y attendre. Mais l’entendre noir sur blanc, avec des chiffres, ça fait tout de même quelque chose.
L’incertitude a un prix, et il est salé
Quand les entreprises ne savent pas à quelle sauce elles vont être mangées dans six mois, elles freinent. Elles reportent les investissements, gèlent les embauches, serrent les cordons de la bourse. C’est humain. Et en ce moment, entre les débats budgétaires qui s’enlisent et les motions de censure qui planent comme des orages d’été, l’ambiance n’incite guère à l’optimisme.
Le gouverneur de la Banque de France l’a dit sans détour : cette incertitude française, politique et budgétaire nous coûte au moins 0,2 point de croissance pour 2025. Ce n’est pas une hypothèse farfelue, c’est une estimation raisonnable, presque prudente.
« L’incertitude française, politique et budgétaire nous coûte au moins 0,2 point de croissance »
François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France
Et ce n’est que la partie hexagonale du problème.
Quand le monde entier nous tire aussi vers le bas
Ajoutez à cela deux gros cailloux dans la chaussure : la guerre en Ukraine qui n’en finit pas et le retour annoncé du protectionnisme américain, quel que soit le locataire de la Maison Blanche en janvier. Résultat ? Le cocktail complet pourrait nous amputer de 0,5 point de croissance au total. Presque un tiers de ce que l’on espérait encore il y a quelques mois.
Concrètement, au lieu d’espérer 1,2 ou 1,3 % de croissance l’an prochain – ce qui aurait déjà été modeste –, on se retrouve à viser 0,7 % minimum. C’est maigre. Très maigre même pour une économie qui a besoin d’air pour respirer, investir, innover.
- 0,2 point perdu à cause de l’incertitude française
- 0,3 point supplémentaire lié aux chocs externes (Ukraine + États-Unis)
- Total : 0,5 point de croissance qui s’envole
On parle là de milliards d’euros qui ne seront ni investis, ni consommés, ni redistribués. C’est l’équivalent de plusieurs années de budget pour l’éducation ou la transition écologique qui s’évapore en fumée.
La dette qui nous étouffe doucement mais sûrement
Ce qui m’a le plus marqué dans l’intervention, c’est cette expression : l’étouffement progressif. Elle est forte. Presque angoissante. Parce qu’elle décrit exactement ce qui se passe.
En 2020, la France payait 30 milliards d’euros de charges d’intérêts sur sa dette. À la fin de la décennie, ce sera plus de 100 milliards. Soit 70 milliards de plus chaque année. Pour vous donner une idée, c’est à peu près le budget de l’Éducation nationale. Chaque année. Rien que pour payer les intérêts.
« Ces 70 milliards supplémentaires, c’est autant que nous ne pouvons pas consacrer à l’éducation, à la lutte contre le changement climatique ou à la défense. »
Lisez bien ça. On parle d’argent qui part directement dans les poches des créanciers au lieu de servir aux écoles, aux hôpitaux, à l’armée ou à la transition énergétique. C’est une spirale. Plus on tarde à redresser les comptes, plus la dette grossit, plus les intérêts grimpent, et moins on a de marge de manœuvre.
C’est le serpent qui se mord la queue, version finances publiques.
Le chaos budgétaire : un spectacle qui coûte cher
Et pendant ce temps-là, à l’Assemblée, on assiste à un véritable feuilleton. Le budget de la Sécurité sociale rejeté en commission mixte paritaire, renvoyé dans l’arène, les compromis qui tardent à venir… On dirait presque une série Netflix, sauf que là, ça concerne notre porte-monnaie à tous.
Le mot est lâché : chaos supplémentaire. Et chaque jour de flottement, chaque semaine sans visibilité, c’est du temps perdu pour les entreprises, pour les ménages, pour les investisseurs étrangers qui nous regardent avec des yeux ronds.
Je ne vais pas vous refaire l’historique des dernières semaines – vous le vivez comme moi –, mais force est de constater que le débat budgétaire 2026 s’annonce déjà comme un chemin de croix. Et plus il dure, plus l’addition grimpe.
Y a-t-il encore de l’espoir pour 2025 ?
Oui, bien sûr. La Banque de France maintient une prévision de 0,7 % minimum. Ce n’est pas la catastrophe absolue. Et les chiffres précis tomberont mi-décembre. Peut-être y aura-t-il une petite bonne surprise.
Mais soyons honnêtes : on joue petit bras. On pourrait faire beaucoup mieux si on sortait enfin de cette nasse politique. Si on trouvait des compromis durables. Si on arrêtait de se tirer dans les pattes pour le plaisir du spectacle.
Parce que pendant qu’on se chamaile sur les virgules d’un amendement, l’économie, elle, continue de tourner. Et elle n’attend pas.
Et nous, dans tout ça ?
On pourrait se dire que c’est loin, que c’est technique, que ça ne nous concerne pas directement. Sauf que si. Chaque dixième de point de croissance en moins, c’est des emplois qui ne se créent pas, des salaires qui augmentent moins vite, des services publics qui peinent à suivre.
C’est aussi des factures d’énergie plus lourdes si la France perd en crédibilité et que les taux d’intérêt remontent. C’est tout un écosystème qui souffre quand la confiance s’effrite.
Alors oui, on peut hausser les épaules et se dire « c’est la politique ». Mais à un moment, il faut bien regarder la réalité en face : on paie tous la note.
Personnellement, ce qui me frappe le plus, c’est cette sensation que l’on vit une forme de déclassement en temps réel. Pas brutal, pas spectaculaire. Juste lent, insidieux. Comme une fuite d’eau qu’on entend goutter la nuit mais qu’on n’a jamais le courage de réparer. Jusqu’au jour où la facture tombe.
2025 pourrait être l’année où l’on décide enfin de prendre le problème à bras-le-corps. Ou celle où l’on continue de regarder ailleurs.
Le choix nous appartient. Collectivement.
Et vous, qu’en pensez-vous ? Les commentaires sont ouverts.
