Vous êtes assis dans un amphi, vous prenez des notes sur les infections urinaires – sujet pas franchement glamour, mais bon, c’est la médecine – et d’un seul coup, l’écran géant qui devait afficher les réponses anonymes des étudiants se met à cracher des horreurs. Une croix gammée. Le mot « Hitler ». Des insultes racistes à la chaîne. Vous vous frottez les yeux, vous pensez à une blague de très mauvais goût… mais non, c’est bien réel. C’est ce qu’ont vécu, il y a quelques jours à peine, une centaine d’étudiants et plusieurs enseignantes à la faculté de médecine de la Sorbonne.
Franchement, ça glace le sang.
Quand l’outil pédagogique devient arme de haine massive
Le cours se déroulait normalement. L’enseignante utilisait Wooclap, cet outil interactif que tout le monde adore parce qu’il rend les cours magistraux un peu moins soporifiques. Les étudiants répondent en direct via leur smartphone, les réponses s’affichent en temps réel, c’est ludique, c’est moderne. Sauf que cette fois, certains ont décidé d’en faire une tribune nauséabonde.
En quelques minutes, l’écran s’est transformé en mur de la honte : « Hitler », « Juifs », une croix gammée bien noire, des slogans sur Maurice Papon, des insultes contre les Kurdes, les Noirs, les femmes… Tout y passait. L’amphi entier a été exposé à cette boue numérique sans aucun filtre.
« Outre l’apologie du nazisme (dont certains diront que c’est de l’humour), il y en a pour tout le monde : juifs, noirs, musulmans, kurdes, femmes… »
– Un observateur révolté sur les réseaux
L’enseignante a immédiatement arrêté le cours, fait évacuer la salle, et la direction a réagi dans l’heure : signalement au procureur de la République, suspension de l’outil interactif, saisine du référent laïcité et lutte contre le racisme de l’établissement. Bref, la totale.
Un simple « troll » ou symptôme d’un mal plus profond ?
On pourrait se dire : « Des abrutis qui font mumuse sur Internet, classique. » Sauf que non. Projeter une croix gammée devant cent personnes, dans un amphithéâtre de médecine, ce n’est pas du trolling de comptoir, c’est un acte qui relève clairement de l’apologie de crimes contre l’humanité. Et ça ne sort pas de nulle part.
Depuis deux ans, les signalements pour antisémitisme, racisme ou apologie du terrorisme se multiplient dans les universités françaises, particulièrement à Paris. On se souvient des groupes WhatsApp où l’on votait « pour ou contre les juifs », des étudiants exclus de discussions parce que leur nom « sonnait sioniste », ou encore de comités étudiants qui qualifiaient le 7 octobre de « glorieux ». Chaque fois, on se dit « c’est un cas isolé ». Et chaque fois, un nouveau cas surgit.
Alors oui, il y a un effet loupe depuis les événements au Proche-Orient, mais il serait trop facile de tout mettre sur le dos de la géopolitique. Ce qui s’est passé dans cet amphi est le reflet d’une haine qui circule désormais sans retenue, y compris chez des étudiants censés devenir médecins – donc, en théorie, des gens qui sauvent des vies, pas qui les méprisent selon leur origine.
Wooclap, victime collatérale d’une faille trop humaine
L’outil en lui-même n’est pas en cause – il est utilisé par des milliers d’enseignants sans problème. Mais il repose sur un postulat : l’anonymat rendrait les étudiants plus honnêtes, plus participatifs. Sauf que l’anonymat, c’est aussi la porte ouverte à tous les lâches. Quand on sait qu’on ne sera pas identifié, certains se lâchent. Et là, ils se sont carrément déchaînés.
- Pas de modération en temps réel sur les réponses ouvertes
- Accès libre via un simple code ou QR code
- Possibilité de répondre depuis n’importe quel appareil, y compris hors de l’amphi
Résultat ? N’importe qui a pu participer, même sans être présent physiquement. D’ailleurs, l’enquête le dira : étaient-ce vraiment des étudiants de la promo, ou des intrus externes qui ont eu vent du code ? Peu importe, au final. Le mal est fait.
Et maintenant ? Les universités face à un dilemme
Après cet incident, plusieurs facs réfléchissent à suspendre les outils interactifs non modérés. C’est compréhensible, mais c’est aussi un peu triste : on pénalise tout le monde à cause d’une minorité toxique. D’autres proposent des solutions techniques : validation manuelle des réponses, identification obligatoire, filtrage automatique de mots-clés… Mais aucune solution n’est parfaite.
Le vrai problème, c’est l’éducation. Comment en est-on arrivé là ? Comment des jeunes, souvent issus de milieux favorisés, qui ont bossé comme des fous pour entrer en médecine, en viennent à trouver ça drôle ou « edgy » de balancer des croix gammées ? Il y a quelque chose qui dysfonctionne en amont, bien avant la fac.
Une hausse des actes antisémites… mais nuancée
Officiellement, les statistiques montrent une baisse de 24 % des actes antisémites sur les cinq premiers mois de 2025 par rapport à 2024. Soulagement ? Pas vraiment. On reste sur des niveaux historiquement très élevés. Et surtout, les actes dans les universités, eux, ne baissent pas. Ils se déplacent, se cachent derrière l’anonymat des écrans, mais ils sont toujours là.
Ce qui est nouveau, c’est l’audace. Avant, c’était des tags la nuit ou des messages privés. Aujourd’hui, c’est en plein jour, devant tout le monde, sans même chercher à se cacher. C’est presque une forme de fierté mal placée.
Ce que ça dit de notre société
Je ne vais pas vous refaire le couplet « c’était mieux avant ». Mais force est de constater que les digues sautent les unes après les autres. L’anonymat des réseaux a désinhibé tout le monde, le pire comme le meilleur. Et quand le pire prend le dessus dans un amphithéâtre de médecine, on est en droit de se poser des questions sur l’état de notre vivre-ensemble.
Il ne s’agit pas de tomber dans la panique morale, mais de regarder les choses en face. Ces étudiants – ou ces individus – qui ont projeté ces horreurs seront peut-être identifiés, sanctionnés, exclus. Tant mieux. Mais ils ne sont que la partie visible d’un iceberg. Lutter contre l’antisémitisme, le racisme, la haine en ligne, ça ne passe pas que par la répression. Ça passe aussi par l’éducation, le dialogue, et parfois par le courage de dire stop quand on voit dériver un pote, un collègue, un voisin.
Parce que si même les futurs médecins se mettent à trouver ça drôle, on est mal barrés.
En attendant les conclusions de l’enquête, une chose est sûre : cet incident ne sera pas oublié de sitôt par ceux qui étaient dans l’amphi ce jour-là. Et peut-être que c’est précisément ça, le plus grave. Pas seulement les mots affichés, mais le traumatisme laissé chez ceux qui les ont vus s’étaler en grand, en pleine lumière.
La Sorbonne a réagi vite et fermement. Espérons que ce soit le début d’une prise de conscience collective. Parce que non, ce n’est pas « juste une blague ». Ce n’est jamais « juste une blague » quand on parle de croix gammée.
