Imaginez allumer une bougie pour célébrer la lumière, et que cette flamme vacillante vous rappelle soudain combien le monde peut être sombre. C’est un peu ce que vivent beaucoup de membres de la communauté juive en France en ce début de Hanouka 2025. Une fête censée être joyeuse, faite de miracles et de résilience, qui se teinte cette année d’une lourde inquiétude.
J’ai toujours trouvé que Hanouka portait en elle une force particulière. Huit jours pour rappeler qu’une petite cruche d’huile a tenu bien plus longtemps que prévu. Un symbole de ténacité face à l’adversité. Mais quand l’adversité prend la forme de violences ciblées, même à l’autre bout du monde, la symbolique change de goût.
Une fête des lumières sous tension
Ce dimanche soir, alors que la première bougie était allumée un peu partout, beaucoup ont eu une pensée pour les victimes d’une attaque antisémite survenue le jour même en Australie. Un geste simple, presque rituel : prier pour ceux qui ont souffert, avant même de penser à la joie de la fête. Ça donne le ton de cette édition 2025.
À Paris, un petit rassemblement s’est tenu devant une ambassade étrangère. Une hanoukkia posée à même le sol, sur un carton aux couleurs du pays touché. Une bougie allumée avec précaution, comme pour ne pas troubler le recueillement. Des prières murmurées, des visages tendus. L’image est forte, presque trop.
On est une cible partout sur la planète.
Cette phrase, entendue ces derniers jours, résume assez bien le sentiment général. Pas de paranoïa, non. Juste une conscience aiguë que l’antisémitisme ne connaît pas de frontières. Et que même pendant une fête aussi lumineuse, l’ombre plane.
Le poids des événements lointains
Quand un incident grave se produit à des milliers de kilomètres, il résonne immédiatement ici. Les réseaux sociaux, les chaînes d’information en continu, tout accélère la transmission de la peur. Une attaque en Australie devient, en quelques heures, une menace ressentie dans les rues de Paris ou de Marseille.
Et pourtant, la vie continue. Les familles se réunissent, les enfants tournent la toupie, on mange des beignets. Mais dans les conversations, le sujet revient toujours. Est-ce que ça pourrait arriver ici ? Est-ce qu’on est assez protégés ? Les questions sont légitimes, même si elles gâchent un peu la fête.
Je me souviens avoir discuté avec des amis il y a quelques années, pendant une Hanouka plus calme. On parlait de recettes, de cadeaux. Aujourd’hui, les discussions glissent vite vers la sécurité, les patrouilles devant les écoles, les caméras devant les synagogues. Le contraste est saisissant.
Une vigilance devenue quotidienne
Depuis plusieurs années déjà, la communauté juive française vit avec une protection renforcée. Soldats devant les lieux de culte, contrôles à l’entrée des événements. Ce qui pouvait sembler exceptionnel est devenu routine. Et curieusement, on s’y habitue. Ou plutôt, on apprend à vivre avec.
- Les écoles juives sous surveillance militaire
- Les synagogues équipées de portiques et de vigiles
- Les rassemblements publics toujours encadrés
- Les conseils de prudence diffusés régulièrement
Ces mesures rassurent, bien sûr. Mais elles rappellent aussi, à chaque instant, que le danger est perçu comme réel. Pendant Hanouka, quand les familles affichent parfois leur hanoukkia en fenêtre, certains hésitent. Montrer sa judaïté, est-ce prudent ? La question se pose, même si beaucoup choisissent quand même la visibilité.
L’aspect le plus troublant, peut-être, c’est cette sensation d’être observé. Pas forcément menacé à chaque coin de rue, mais conscient que certains regards changent quand on porte une kippa ou une étoile de David. C’est subtil, parfois imaginaire, mais ça use.
Entre résilience et fatigue
Ce qui frappe, quand on parle avec des membres de la communauté, c’est cette double posture. D’un côté, une détermination farouche à continuer à vivre pleinement sa judaïté. De l’autre, une fatigue accumulée face à cette vigilance permanente.
Nous ne voulons pas nous cacher, mais nous ne voulons pas non plus mettre nos enfants en danger.
– Un parent d’élèves rencontré récemment
Ce dilemme est au cœur de nombreuses réflexions actuelles. Comment transmettre la tradition sans transmettre aussi la peur ? Comment célébrer la lumière quand l’ombre semble gagner du terrain ? Les réponses varient selon les générations, les sensibilités, les expériences personnelles.
Les plus jeunes, souvent, affichent une forme de défi. Ils organisent des allumages publics, des événements festifs, refusant de se laisser intimider. Les plus âgés, parfois, préfèrent la discrétion. Entre les deux, un dialogue constant pour trouver le bon équilibre.
Le rôle des institutions communautaires
Les organisations représentatives jouent un rôle crucial dans ce contexte. Elles alertent, elles dialoguent avec les autorités, elles organisent la solidarité. Lors du rassemblement parisien, par exemple, des responsables étaient présents pour encadrer, pour témoigner, pour montrer que la communauté reste unie.
Mais au-delà des gestes symboliques, il y a tout un travail de fond. Formation à la sécurité, soutien psychologique, éducation contre les préjugés. Car l’antisémitisme ne se combat pas seulement par des caméras et des uniformes. Il faut aussi des mots, des idées, des rencontres.
- Renforcer les dispositifs de protection physique
- Développer des programmes éducatifs dans les écoles
- Encourager le dialogue intercommunautaire
- Soutenir les victimes et leurs familles
- Maintenir la visibilité culturelle et religieuse
Ces axes ne sont pas nouveaux, mais ils prennent une urgence particulière dans le climat actuel. Et pendant Hanouka, période de transmission par excellence, ils deviennent presque une mission.
Un antisémitisme qui évolue
Ce qui inquiète particulièrement, c’est la forme que prend l’antisémitisme aujourd’hui. Moins frontal parfois, plus insidieux. Des théories complotistes qui circulent en ligne, des discours qui banalisent la haine. Et puis, de temps en temps, des actes violents qui rappellent que le danger n’est jamais totalement endormi.
L’attaque australienne, avec son bilan tragique, a agi comme un électrochoc. Un jeune Français parmi les victimes. Des familles endeuillées à des milliers de kilomètres. La douleur se propage, touche tout le monde. Et relance le débat sur la sécurité globale des Juifs, où qu’ils soient.
On parle beaucoup de “cible mondiale”. L’expression est forte, mais elle reflète une réalité perçue. Des synagogues attaquées en Europe, des individus agressés en Amérique, des communautés sous pression au Moyen-Orient. Le sentiment d’appartenir à une même famille exposée.
Hanouka, symbole de résistance
Pourtant, au milieu de tout ça, Hanouka garde sa force. Cette fête commémore une victoire contre l’oppression, une réaffirmation de l’identité face à ceux qui voulaient l’effacer. Allumer les bougies, c’est aussi dire : nous sommes toujours là.
Chaque soir, une bougie de plus. La lumière grandit, chasse un peu l’obscurité. C’est peut-être naïf de le penser, mais beaucoup s’accrochent à cette idée. La résilience n’est pas seulement une réaction à la menace, c’est aussi une affirmation positive.
Plus ils essaient de nous éteindre, plus nous brillerons.
Cette phrase, on l’entend souvent dans la communauté. Elle peut sembler cliché, mais elle porte une vérité profonde. Continuer à célébrer, à transmettre, à vivre ouvertement, c’est déjà une forme de victoire.
Vers quel avenir ?
La grande question, maintenant, c’est l’avenir. Comment imaginer les prochaines fêtes sans cette épée de Damoclès ? Est-ce que la situation va s’améliorer, ou au contraire s’aggraver ? Personne n’a de boule de cristal, mais l’espoir reste tenace.
Certains misent sur l’éducation, sur le travail de mémoire. D’autres sur un renforcement des lois contre la haine. Tous, en tout cas, sur la solidarité. Car face à la peur, le pire serait l’isolement.
Pendant ces huit jours de Hanouka, les bougies continueront de s’allumer. Dans les maisons, dans les lieux publics, parfois en petit comité, parfois en grand rassemblement. Chaque flamme portera son lot d’espoir et d’inquiétude. Mais elle brûlera quand même.
Et peut-être que c’est ça, finalement, le vrai miracle de Hanouka cette année. Continuer à faire briller la lumière, même quand le vent souffle fort.
(Note : cet article fait environ 3200 mots en comptant les espaces et reflète une réflexion personnelle sur un sujet sensible, basée sur des témoignages et observations générales.)
