Vous savez cette sensation quand vous regardez un match et que, dès les premières minutes, vous sentez que ça va être une longue soirée pour l’une des deux équipes ? Hier soir à Dublin, l’Irlande a vécu ça. Quatre-vingts minutes de combat acharné, une pelouse trempée, des chocs qui font grincer des dents… et au final, les Springboks qui repartent avec une victoire nette 13-24. Encore une fois.
Franchement, on commence à être à court de superlatifs avec cette équipe sud-africaine.
Une entame qui donne le ton
Imaginez la scène : l’Ireland’s Call résonne, le public pousse, l’ambiance est électrique. Et puis, quatrième minute, un lancement limpide : Cobus Reinach fixe, Cheslin Kolbe accélère, Pieter-Steph du Toit attire deux défenseurs et Damian Willemse plonge en coin. Essai. 0-5. Le genre d’action qui vous fait dire « ah ouais, ils sont déjà là ».
Et le pire (ou le meilleur, selon le camp), Willemse se relève et fait « chut » au public. Classe ou provoc’ ? Les deux, mon capitaine.
Cinq cartons, un record qui fait mal
Ce qui a suivi ? Une avalanche disciplinaire côté irlandais. James Ryan prend un carton rouge bunker à la 19e (déblayage dangereux à l’épaule), Sam Prendergast écope d’un jaune, Jack Crowley se fait sanctionner pour cynisme, Andrew Porter sort juste avant la pause… et Joe McCarthy complète la collection en deuxième période.
Cinq cartons en un seul match. Du jamais-vu à ce niveau.
« On ne peut pas gagner un test-match à 14, encore moins à 13 ou 12. »
– Un observateur aguerri après le match
Et pourtant, pendant un moment, on y a cru. Dan Sheehan aplatit juste avant la mi-temps sur une belle séquence, 7-12. L’Aviva explose. Mais l’arbitre accorde un essai de pénalité aux Boks juste après la sirène (7-19). Le coup derrière la nuque.
La machine physique sud-africaine
Parlons-en, de cette fameuse supériorité physique. On l’entend à chaque fois, mais là, c’était presque obscène. Les avants irlandais, pourtant réputés parmi les plus costauds du monde, ont pris l’eau dans les impacts.
- Ox Nché qui défonce les mêlées comme si c’était un jeu vidéo
- Eben Etzebeth qui plaque à hauteur d’épaule et fait voler les corps
- Malcolm Marx qui gratte des ballons comme s’il avait des ventouses aux mains
- Kolbe qui slalome entre trois défenseurs comme s’ils étaient des plots
C’est pas juste de la puissance brute. C’est de l’intelligence dans la brutalité. Ils savent exactement où mettre le curseur : juste en-dessous de la ligne rouge, mais assez haut pour faire mal.
J’ai revu certaines séquences au ralenti : quand Du Toit charge, il baisse l’épaule au dernier moment, juste assez pour être légal mais dévastateur. C’est chirurgical.
L’Irlande a craqué, mais n’a jamais lâché
Il faut rendre hommage aux Irlandais. À 12 contre 15 pendant plusieurs minutes, ils ont tenu. Vraiment tenu. Ils ont même campé dans les 22 mètres adverses pendant les dix dernières minutes, enchaînant les pick and go. Mais la muraille verte n’a pas cédé.
C’est ça qui impressionne le plus avec ces Springboks : leur défense est devenue une religion. Chaque joueur court en arrière comme si sa vie en dépendait. Et quand il faut gratter un ballon au sol, il y a toujours quelqu’un pour arriver en premier.
11 victoires de suite contre l’Europe : un exploit historique
Avec ce succès, l’Afrique du Sud porte à 11 son nombre de victoires consécutives contre des nations européennes. La dernière défaite ? Contre l’Irlande, justement, en 2017. Depuis, c’est une moissonneuse-batteuse.
Et le plus fou, c’est qu’ils ne sont même pas au complet. Pas de Handré Pollard, pas de Lukhanyo Am, pas de Canan Moodie… et pourtant, ils gagnent tranquillement à Dublin.
Et maintenant ? Le pays de Galles dans le viseur
Prochain rendez-vous : Cardiff, le week-end prochain. Les Gallois viennent de perdre contre les Fidji. Autant dire que les Boks partent avec la pancarte « favoris écrasants ».
Mais attention. On a vu des équipes se relâcher après une telle performance. Rassie Erasmus, lui, ne relâche jamais rien. Son mantra ? « Respecter chaque adversaire comme si c’était une finale de Coupe du monde. »
Pourquoi les Springboks semblent imbattables
Je me pose la question depuis des mois : comment font-ils ? Voici, selon moi, les ingrédients du cocktail gagnant :
- Une profondeur de banc hallucinante (ils changent 8 joueurs à la mi-temps et c’est encore plus fort)
- Un système défensif ultra-rodé (le « blitz » de Jacques Nienaber, même s’il est parti, reste dans l’ADN)
- Une culture de la gagne absolue (perdre n’est tout simplement pas une option)
- Un staff qui anticipe tout (remplacement tactique, gestion du banc, lecture du jeu)
- Et surtout… une génération dorée au sommet de son art
Quand vous réunissez tout ça, vous obtenez une équipe qui gagne même quand elle joue « mal ». Hier, ils n’ont pas été exceptionnels en touche, ils ont perdu quelques ballons en attaque… et ils gagnent de 11 points à l’extérieur contre la numéro 1 mondiale.
C’est effrayant.
Ce que ça dit du rugby mondial en 2025
On entre dans une ère où l’Afrique du Sud est clairement l’équipe à abattre. L’Irlande reste immense, la France progresse, les All Blacks se reconstruisent, mais aujourd’hui, il y a un patron. Et il porte du vert et or.
La Coupe du monde 2027 en Australie ? Elle semble déjà promise à un duel Afrique du Sud – France en finale. Et franchement, je ne miserais pas un centime contre les Boks.
Le rugby mondial a trouvé son nouveau roi. Et pour l’instant, personne n’a la recette pour le détrôner.
Alors oui, l’Irlande a perdu. Mais elle a surtout montré qu’elle restait une immense équipe. L’Afrique du Sud, elle, a juste rappelé au monde entier qu’elle est, pour l’instant, simplement la meilleure.
Et ça, ça fait plaisir à voir. Même quand on supporte les Verts.
