Dimanche dernier, l’Argentine a vibré au rythme d’une élection provinciale dans la région de Buenos Aires, un scrutin qui avait tout d’un test grandeur nature pour le président Javier Milei. Alors que les résultats tombaient, une question me trottait dans la tête : comment un leader aussi clivant, porté par une vague ultralibérale en 2023, pouvait-il encaisser un tel revers sans vaciller ? Eh bien, contre toute attente, Milei a non seulement reconnu sa défaite, mais il a aussi juré d’accélérer ses réformes. Ce paradoxe mérite qu’on s’y attarde.
Un revers électoral qui secoue l’Argentine
Dans la province de Buenos Aires, qui pèse lourd avec plus d’un tiers des électeurs argentins, le parti de Milei, La Libertad Avanza, a mordu la poussière. Avec environ 34 % des voix, il s’est fait distancer par l’opposition péroniste, Fuerza Patria, qui a raflé plus de 47 %. Un écart de 13 points, c’est rude, surtout quand les sondages laissaient espérer un coude-à-coude. Ce scrutin, le premier grand test depuis l’arrivée au pouvoir de Milei en décembre 2023, a révélé une fracture : l’enthousiasme initial pour ses idées libertariennes semble s’essouffler face à une réalité économique brutale.
Pourtant, tout n’est pas noir pour Milei. Son alliance avec le parti PRO, héritage de l’ex-président Mauricio Macri, devrait lui permettre de doubler ses sièges à l’assemblée provinciale, passant de 12 à environ 24 sur 92. Pas mal pour un parti encore jeune, mais loin d’être une victoire éclatante. Alors, qu’est-ce qui a coincé ?
Une province fidèle au péronisme
Buenos Aires, c’est un bastion historique du péronisme, ce mouvement populiste de centre-gauche qui domine la politique argentine depuis des décennies. Gagner ici, c’était comme vouloir escalader l’Everest en tongs pour Milei. Les électeurs ont plébiscité Axel Kicillof, le gouverneur local, qui s’impose comme une figure montante. À 53 ans, il a galvanisé la foule avec un discours percutant, lançant un défi direct à Milei : gouverner pour le peuple, pas pour les idéaux.
Le peuple vient de parler, et il a donné un ordre clair : gouverne pour nous !
– Un leader de l’opposition argentine
Cette ferveur péroniste n’est pas qu’une question de tradition. Les habitants de la province, souvent touchés par la précarité, ont peut-être vu en Kicillof une alternative plus rassurante face aux coupes budgétaires drastiques de Milei. Ce dernier, avec son programme de réduction des dépenses publiques, a bousculé des acquis sociaux, ce qui passe mal dans une région où la solidarité reste une valeur forte.
Milei : l’entêtement d’un visionnaire ?
Face à la défaite, Milei n’a pas fait dans la demi-mesure. Lors d’un discours dans son QG à La Plata, il a reconnu le revers, mais sans plier. « Le cap reste inchangé, on va même accélérer », a-t-il martelé. Une déclaration qui m’a fait tiquer : jusqu’où peut-il pousser son agenda ultralibéral sans perdre davantage de terrain ? Car son projet, ambitieux, divise autant qu’il fascine.
Depuis son élection, Milei s’attaque à une économie argentine en lambeaux. Inflation chronique, endettement massif, peso en chute libre : le tableau était sombre. Et il faut lui rendre justice, les chiffres montrent du progrès. L’inflation, par exemple, est passée de 87 % sur les sept premiers mois de 2024 à 17,3 % en 2025. Un exploit, mais à quel prix ? Les coupes dans les dépenses publiques ont durement touché les classes populaires, et les tensions sociales s’amplifient.
- Réduction des subventions publiques, impactant les services de base.
- Chômage en hausse dans certains secteurs dépendants de l’État.
- Mécontentement croissant face à l’austérité imposée.
Ce qui m’interpelle, c’est cette obstination à maintenir le cap malgré les signaux d’alerte. Milei semble convaincu que son modèle, inspiré des théories libertariennes, finira par payer. Mais en politique, ignorer le mécontentement populaire, c’est jouer avec le feu.
Un contexte politique tendu
Le scrutin arrive à un moment où Milei jongle avec plusieurs crises. En août, un scandale a éclaboussé son entourage, impliquant des soupçons de corruption dans une agence nationale. Bien que sa sœur, figure clé de son administration, ne soit pas directement visée, l’affaire a terni son image. Ajoutez à cela un revers législatif majeur : le Parlement a annulé un veto présidentiel sur une loi augmentant les financements pour les personnes handicapées. Une première depuis son arrivée au pouvoir.
Chaque revers est une leçon, mais il faut savoir l’écouter.
– Un analyste politique argentin
Ce veto, justifié par Milei au nom de l’équilibre budgétaire, illustre son intransigeance. Mais cette rigidité pourrait lui coûter cher, surtout avec les législatives d’octobre 2025 en ligne de mire. Les sondages montrent qu’il conserve un socle solide d’environ 40 % d’opinions favorables, mais l’écart avec l’opposition se resserre.
L’économie sous pression
Sur le plan économique, Milei a surpris cette semaine en intervenant sur le marché des changes pour freiner la dégringolade du peso. Un virage inattendu pour un président qui prône le laisser-faire. Cette décision, prise dans un climat de nervosité pré-électorale, montre que même un idéologue comme lui doit parfois plier face aux réalités. Les marchés financiers, eux, attendent lundi avec appréhension, craignant que la défaite électorale ne fragilise encore le peso.
| Indicateur | 2024 | 2025 |
| Inflation (janv-juil) | 87 % | 17,3 % |
| Dépréciation du peso | Importante | Accélérée récemment |
| Chômage | Stable | En hausse |
Ce tableau résume bien le paradoxe : des avancées indéniables, mais un coût social qui pèse lourd. J’ai l’impression que Milei marche sur une corde raide, entre ses promesses de révolution économique et la grogne d’une population épuisée par les sacrifices.
Vers les législatives : un tournant décisif
Les élections provinciales ne sont qu’un avant-goût des législatives d’octobre, qui renouvelleront une partie du Parlement. Si le résultat de Buenos Aires ne présage pas forcément un raz-de-marée péroniste au niveau national, il sonne comme un avertissement. Milei devra-t-il ajuster sa stratégie ? Ou, au contraire, va-t-il doubler la mise sur ses réformes, au risque de s’aliéner davantage d’électeurs ?
Pour moi, l’aspect le plus fascinant est cette tension entre idéologie et pragmatisme. Milei, avec son style flamboyant et ses convictions ancrées, incarne une rupture. Mais en face, des figures comme Kicillof capitalisent sur un discours plus inclusif, surfant sur la nostalgie du péronisme. Les mois à venir seront cruciaux pour jauger si l’Argentine est prête à suivre Milei dans sa croisade libertarienne ou si elle préfère un retour à des valeurs plus traditionnelles.
- Consolider son socle : Milei doit rassurer ses partisans tout en élargissant sa base.
- Gérer les crises : Les scandales et revers législatifs exigent une communication habile.
- Anticiper les marchés : La stabilité du peso sera déterminante pour sa crédibilité.
Et après ? Un avenir incertain
À l’approche de 2027, année de la prochaine présidentielle, les projecteurs se tournent déjà vers Axel Kicillof. Avec l’ancienne présidente Cristina Kirchner hors jeu, il pourrait devenir le fer de lance du péronisme. Mais Milei, lui, n’a pas dit son dernier mot. Son pari ? Que les résultats économiques finissent par convaincre, même au prix d’une impopularité temporaire. Reste à savoir si les Argentins auront la patience d’attendre.
Ce qui me frappe, c’est cette polarisation qui rappelle d’autres clivages mondiaux. Partout, des leaders disruptifs bousculent les codes, mais se heurtent à des résistances ancrées. Milei est-il un visionnaire incompris ou un idéaliste déconnecté ? L’histoire nous le dira, mais une chose est sûre : l’Argentine n’a pas fini de faire parler d’elle.
L’Argentine est à un carrefour : entre audace et prudence, entre rupture et continuité.
– Un observateur de la politique sud-américaine
En attendant, les marchés, les électeurs et les observateurs internationaux gardent les yeux rivés sur Buenos Aires. Et vous, que pensez-vous de ce bras de fer politique ? Milei peut-il rebondir, ou est-ce le début de la fin pour son projet ? Une chose est certaine : l’Argentine reste un laboratoire politique fascinant, où chaque scrutin redessine les contours de l’avenir.
