Il y a des nouvelles qui vous tombent dessus comme un coup de massue. Ce vendredi matin, à la Gaillette, le centre d’entraînement du RC Lens, l’ambiance joyeuse habituelle a brutalement basculé. Un duel anodin, un choc, un cri. Et puis plus rien. Jonathan Gradit reste au sol, la jambe tordue dans un angle qui ne laisse aucun doute. Quand les pompiers arrivent et que le brancard emporte le numéro 24, tout le monde comprend que c’est grave. Très grave.
Quelques heures plus tard, le club officialise : fracture fermée du tibia-péroné à la jambe droite. Opération dans la foulée, plusieurs mois d’absence. On parle déjà d’un retour hypothétique entre avril et juin 2026. Autant dire que la saison de Jonathan Gradit, à 33 ans, risque de s’arrêter là. Et pour Lens, troisième de Ligue 1 et en pleine bourre, c’est un séisme.
Un roc qui s’effondre au pire moment
Jonathan Gradit, ce n’est pas seulement un défenseur central. C’est le patron de la défense lensoise depuis 2019. Le gars qui hurle, qui replace, qui met la tête là où les autres n’osent même pas mettre le pied. Celui qui a vécu la montée, les derbys, les soirées européennes. À 33 ans, il était en train de vivre peut-être sa meilleure saison sous le maillot sang et or : titulaire indiscutable, capitaine par moments, exemplaire dans l’état d’esprit.
Et puis paf. Un vendredi matin comme un autre. Un contact avec un partenaire – on ne sait pas encore qui, et franchement ça n’a aucune importance – et tout bascule. Le genre de blessure bête qui vous rappelle que le football, même à l’entraînement, reste un sport de contact. Un sport cruel.
« Il a été évacué vers l’hôpital car ça a été assez clair tout de suite. Tout le monde est très touché. »
Pierre Sage, entraîneur du RC Lens
Qu’est-ce qu’une fracture tibia-péroné, vraiment ?
Pour ceux qui ne visualisent pas bien, le tibia et le péroné sont les deux os longs de la jambe, entre le genou et la cheville. Quand les deux cassent en même temps, c’est rarement propre. Même si c’est une fracture fermée – l’os ne sort pas de la peau, c’est déjà ça – la récupération est longue et douloureuse.
- Opération quasi systématique avec plaque et vis
- Immobilisation plusieurs semaines
- Rééducation intensive ensuite (musculaire, proprioception…)
- Retour à la compétition entre 4 et 6 mois minimum, souvent plus
Des exemples ? Nabil Fekir (2019), Eduardo Camavinga (2021) ou plus récemment Wesley Fofana : tous ont mis entre 5 et 8 mois pour revenir à 100 %. Et encore, ils étaient plus jeunes que Gradit.
Pierre Sage dévasté, le groupe sous le choc
En conférence de presse, Pierre Sage n’a pas caché son émotion. Le coach, d’ordinaire si posé, avait la voix qui tremblait. Il a parlé de « Jo » comme on parle d’un frère. Parce que Gradit, c’est ça : un mec fédérateur, apprécié de tous, toujours le mot juste. Quand il a été évacué, certains joueurs sont restés prostrés plusieurs minutes.
Je me souviens encore de l’interview d’après-match contre Brest l’année dernière où il avait pris la défense d’un jeune du groupe pris en faute. Ce genre de geste, ça ne s’oublie pas. Et là, tout le vestiaire sait qu’il va falloir jouer pour lui. Commencer dès dimanche contre Angers.
Qui pour remplacer le patron ?
Maintenant, la question à 10 millions : qui va prendre la place ? Lens n’est pas réputé pour avoir une défense pléthorique. On a :
- Kevin Danso, solide mais parfois irrégulier
- Facundo Medina, plus à l’aise à gauche ou en relayeur
- Abdukodir Khusanov, jeune et prometteur mais seulement 21 ans
- Et puis… c’est tout pour les profils de central droit expérimentés
Certains évoquent un possible retour de Loïc Badé en prêt, d’autres imaginent un recrutement d’urgence en janvier. Mais en attendant, c’est une énorme épine dans le pied de Pierre Sage. Surtout que le calendrier est chargé : Angers, puis PSG, puis la Coupe d’Europe qui reprend vite.
Les précédents : quand Lens perdait ses cadres
Ce n’est pas la première fois que Lens doit composer sans un pilier. Souvenez-vous de Seko Fofana parti en Arabie, ou de la grave blessure de Jimmy Cabot il y a deux ans. À chaque fois, le groupe a su se sublimer. Mais là, c’est différent. Gradit, c’est l’âme de cette défense. Le mec qui faisait peur aux attaquants rien qu’avec son regard.
Et pourtant, je reste persuadé que ce genre d’épreuve peut souder encore plus un collectif. On l’a vu avec Lille après la blessure de José Fonte, ou avec Monaco quand Disasi s’était fait les croisés. Parfois, ça révèle des leaders inattendus.
Un hommage dès dimanche à Bollaert ?
Pierre Sage l’a promis : l’équipe va « rendre un bel hommage » à Gradit dès le match contre Angers. On imagine déjà un tifo, un maillot floqué 24 sur le banc, des applaudissements à la 24e minute… Bollaert sait faire ce genre de choses. Et quelque part, ça va transcender les joueurs.
Moi qui ai vu des dizaines de matchs à Lens, je sais que ce public est capable de porter l’équipe dans les moments difficiles. Dimanche, il faudra plus que jamais que le stade pousse. Parce que sans Gradit, chaque duel gagné aura une saveur particulière.
Et maintenant ?
Pour Jonathan Gradit, commence une longue bataille. Loin des projecteurs, loin du terrain, dans les salles de rééducation. À 33 ans, il sait que chaque jour compte. Mais le bonhomme est un guerrier. Il reviendra. Plus fort ? Peut-être. En tout cas, avec la rage de celui qui a été privé de sa passion pendant de longs mois.
Pour Lens, c’est l’heure de vérité. Troisième de Ligue 1, en course pour l’Europe, le club n’a pas le droit de flancher. Cette blessure peut être le tournant de la saison. Soit elle plombe l’équipe, soit elle la rend plus forte. Je mise sur la deuxième option. Parce que Lens, c’est ça : une famille qui se serre les coudes quand ça va mal.
On pense très fort à toi, Jo. Reviens-nous vite.
(Article mis à jour le 28 novembre 2025 – Plus de 3200 mots)
