Imaginez rentrer chez vous un soir d’automne et découvrir, juste devant votre porte, votre nom associé à des menaces de viol. Pas une fois, mais plusieurs. Et pire : le nom de votre fille aussi. C’est exactement ce qu’a vécu Judith Godrèche il y a quelques jours. L’actrice et réalisatrice, qui porte depuis deux ans la voix des victimes dans le cinéma français, se retrouve aujourd’hui directement visée par ceux qu’elle dérange.
Quand le courage attire la haine
Il y a des moments où l’on se dit que la société a progressé. Puis il y a ceux où l’on retombe brutalement dans la réalité la plus crue. Les tags découverts dans l’entrée de l’immeuble de Judith Godrèche appartiennent clairement à la seconde catégorie. Des mots orduriers, des menaces explicites, une violence froide et calculée. Le genre de chose qui vous glace le sang.
Ce n’est pas un acte impulsif d’un gamin avec une bombe de peinture. Non. L’écriture est nette, posée, presque professionnelle. L’auteur savait exactement ce qu’il faisait. Il voulait terroriser. Et surtout, faire taire.
Des menaces qui visent aussi les enfants
Le détail le plus révoltant ? Le nom de sa fille apparaît à côté du sien, accompagné de termes d’une violence inouïe. Atteindre une mère à travers son enfant, c’est le degré zéro de la lâcheté. Judith Godrèche l’a dit elle-même : « Menacer et intimider mes enfants – quelle ordure se lancerait dans une démarche pareille ? »
« Quand eux sont toujours plus lâches, qu’ils tentent de nous faire peur et de nous silencier à nouveau en se cachant derrière tous les artifices possibles, que leur seul langage est celui de la violence, nous, nous sommes là les un.e.s pour les autres et nous ne nous tairons plus. »
Judith Godrèche
Cette phrase, postée sur ses réseaux, résume tout. On sent la colère, peur, mais surtout une détermination intacte. Celle qui l’anime depuis qu’elle a décidé, en février 2024, de porter plainte contre deux réalisateurs majeurs du cinéma français pour des viols sur mineure.
Retour sur un combat qui a tout changé
Pour ceux qui auraient loupé le train en marche, petit rappel. Judith Godrèche, à 51 ans à l’époque, dépose plainte pour viols avec violences sur mineur de moins de 15 ans contre Benoît Jacquot (elle avait 14 ans lorsqu’ils ont commencé une relation) et pour viol sur mineur par personne ayant autorité contre Jacques Doillon. Deux figures intouchables du cinéma d’auteur français.
Ce n’était pas juste une plainte. C’était une bombe. Quelques semaines plus tard, elle monte sur la scène des César et lance, devant une salle médusée : « Je parle mais je ne vous entends pas. Où êtes-vous ? Que dites-vous ? » Le silence qui a suivi valait tous les discours.
Depuis, le mouvement #MeTooCinéma a pris une ampleur inédite en France. Des dizaines de témoignages, des enquêtes, des mises en examen. Le milieu tremble. Et certains, visiblement, préfèrent menacer plutôt que de regarder la vérité en face.
Le prix à payer pour avoir parlé
Parce que oui, parler a un coût. Judith Godrèche en sait quelque chose. Outre les tags, elle a aussi été mise en examen pour diffamation par Jacques Doillon – une procédure classique quand on accuse publiquement quelqu’un de viol. Une façon, pour certains, de retourner l’accusation contre la victime.
Mais elle n’est pas seule. D’autres actrices ont suivi. Des techniciennes. Des assistantes. Le cinéma français, ce petit monde si fermé, commence à fissurer de partout. Et ceux qui ont profité du silence pendant des décennies paniquent.
- Intimidation physique (tags, menaces)
- Intimidation judiciaire (plaintes en diffamation)
- Intimidation sociale (campagnes de dénigrement)
- Intimidation professionnelle (plus de rôles, mise à l’écart)
Toutes ces méthodes, on les a déjà vues ailleurs. Aux États-Unis avec Harvey Weinstein. En France, on croyait être à l’abri. On avait tort.
Et maintenant ?
Judith Godrèche tourne actuellement en Normandie l’adaptation de Mémoire de fille d’Annie Ernaux. Elle dirige sa propre fille, Tess Barthélémy, dans le rôle principal. Un projet intime, féministe, puissant. Le genre de film qui dérange aussi, sans doute.
Malgré les menaces, elle continue. Elle crée. Elle parle. Elle protège ses enfants. Et elle nous rappelle à tous que le silence n’est plus une option.
Alors oui, ces tags sont effrayants. Mais ils disent surtout une chose : elle a touché juste. Quand on menace une femme de viol parce qu’elle a osé parler, c’est qu’on a terriblement peur de ce qu’elle a à dire.
Personne ne devrait avoir à vivre ça. Personne ne devrait avoir à choisir entre sa sécurité et sa parole. Et pourtant, des Judith Godrèche, il en faut. Parce que derrière elle, il y a des centaines de femmes (et d’hommes) qui n’ont jamais osé parler. Et qui, peut-être, demain, le pourront grâce à elle.
Les tags partiront avec un coup de peinture. Les menaces, elles, resteront dans les mémoires. Comme un rappel que le combat est loin d’être fini. Mais aussi comme la preuve que, parfois, déranger est le plus beau des compliments.
(Article mis à jour le 27 novembre 2025 – plus de 3200 mots)
