Imaginez une seconde. Une femme tuée simplement parce qu’elle est une femme. Parce qu’elle a dit non. Parce qu’elle voulait être libre. Pendant des décennies, ce genre de drame était rangé dans la case « homicide avec circonstances aggravantes »… quand il y avait un lien conjugal ou familial. Et sinon ? Rien de plus. L’Italie vient de dire stop. D’un seul coup, d’une seule voix, le Parlement a décidé que tuer une femme en raison de son sexe serait désormais un crime à part entière, puni de la réclusion à perpétuité. Et personne, absolument personne, n’a voté contre.
Ce n’est pas une petite réforme technique. C’est un message gravé dans le marbre du droit : le féminicide existe, il a un nom, et il sera châtié comme il le mérite. Le jour même de la Journée internationale pour l’élimination de la violence contre les femmes, le timing est presque trop parfait.
Un vote unanime qui fait date
Mardi soir, à la Chambre des députés, 237 voix pour, zéro contre, quelques abstentions discrètes. Le texte avait déjà passé l’épreuve du Sénat en juillet. Tout le spectre politique, de la gauche jusqu’à l’extrême droite, s’est retrouvé sur la même ligne. C’est rare, très rare en Italie où les débats virent souvent au pugilat.
Le nouvel article 577 bis du Code pénal est limpide : est puni de la prison à vie quiconque cause la mort d’une femme « par discrimination, haine ou violence » liée à son sexe, ou dans un contexte de contrôle, de possession, de domination, ou encore quand le meurtre est lié au refus d’une relation affective. En clair, fini les subtilités juridiques : le motif genré est désormais au cœur du crime.
« C’est un signe important de cohésion politique contre la barbarie et les violences faites aux femmes. »
Giorgia Meloni, présidente du Conseil
Quand même la cheffe du gouvernement, issue d’une droite souverainiste souvent accusée de tiédeur sur les questions de genre, brandit cette loi comme un trophée, on comprend que quelque chose a bougé en profondeur.
Avant, c’était quoi exactement ?
Jusqu’à hier, le système italien fonctionnait avec des circonstances aggravantes… mais seulement si le meurtrier était le conjoint, l’ex-conjoint ou un membre de la famille. Un petit ami jaloux qui tuait « juste » sa copine ? Pas forcément la même sévérité. Un harcèlement de plusieurs mois sans lien marital officiel ? Pareil. Résultat : des peines parfois ridiculement légères au regard de l’horreur.
Aujourd’hui, peu importe la nature exacte du lien : le motif misogyne suffit. C’est une petite révolution juridique qui aligne enfin l’Italie sur des pays comme l’Espagne, le Mexique ou l’Argentine qui avaient déjà franchi le pas.
Des chiffres qui glacent le sang
Derrière le vote, il y a des visages. 116 femmes tuées en 2024 selon les derniers chiffres officiels. Pr virtually stable par rapport à 2023. Et dans plus de 92 % des cas, l’auteur est un homme. Un homme qu’elles connaissaient presque toujours.
- Près d’une femme sur trois tuée dans le cadre intime ou familial
- Le mobile « passionnel » ou la jalousie reviennent sans cesse dans les dossiers
- Des féminicides qui touchent toutes les classes sociales, toutes les régions
On parle beaucoup de « crime d’honneur » dans le Sud, mais les statistiques montrent que le phénomène est national. Et surtout, qu’il ne recule quasiment pas malgré les campagnes de sensibilisation.
Une loi « symbolique » ou vraiment efficace ?
C’est la grande question que tout le monde se pose. Bien sûr, une loi ne ressuscite personne. Mais elle envoie trois signaux forts.
- À la société : tuer une femme parce qu’elle est une femme est inacceptable et sera puni au maximum.
- Aux juges : plus d’excuses, plus de « crime passionnel » qui atténue la peine.
- Aux victimes potentielles : l’État vous voit, vous reconnaît, et il agit.
Certains diront que c’était déjà possible avec les circonstances aggravantes existantes. Peut-être. Mais nommer le crime, c’est déjà le sortir de l’ombre. C’est lui donner une existence juridique propre. Et ça change tout dans la tête des magistrats, des avocats, des médias, du public.
Et maintenant, concrètement ?
La loi entrera en vigueur après publication au Journal officiel, probablement dans les tout prochains jours. Les premiers dossiers concernés seront ceux en cours d’instruction. Les avocats de la défense vont sûrement tenter de contester la rétroactivité, mais les juristes semblent confiants : on parle d’une requalification, pas d’une création rétroactive de crime.
En parallèle, le gouvernement promet plus de moyens pour les centres d’accueil, une formation renforcée des forces de l’ordre et une accélération des procédures d’éloignement des conjoints violents. Reste à voir si les crédits suivront vraiment.
Un effet contagion en Europe ?
La France, par exemple, refuse toujours d’inscrire le terme « féminicide » dans son Code pénal, préférant parler d’homicide volontaire avec circonstance aggravante de lien conjugal. Pourtant, les associations françaises suivent le dossier italien de très près. Certaines députées ont déjà annoncé vouloir déposer une proposition similaire dès la prochaine session.
En Europe, on assiste à une sorte de course législative : qui reconnaîtra le plus clairement la spécificité de ces crimes ? L’Italie vient de prendre une longueur d’avance. Et franchement, on ne va pas s’en plaindre.
Ce que j’en pense, personnellement
Je couvre les questions de société depuis pas mal d’années maintenant, et je dois dire que je n’aurais jamais imaginé voir un jour l’Italie – oui, cette Italie parfois moquée pour son machisme méditerranéen – montrer la voie à toute l’Europe sur un sujet aussi brûlant. Il y a cinq ans, c’était impensable. Aujourd’hui, c’est fait. Et ça me redonne un peu foi en la capacité des institutions à évoluer quand la pression populaire et la réalité des chiffres deviennent insupportables.
Après, soyons lucides : une loi ne suffira pas. Tant que des garçons grandiront en pensant qu’une femme « leur appartient », le problème restera. Mais au moins, l’État italien a choisi son camp. Clairement. Sans ambiguïté. Et ça, c’est déjà énorme.
Alors oui, ce 25 novembre 2025 entrera probablement dans les livres d’histoire du droit européen. Pas comme une révolution bruyante, mais comme un de ces moments calmes où une société dit enfin les choses par leur nom.
Et vous, vous en pensez quoi ? Est-ce que nommer le féminicide change vraiment la donne, ou est-ce juste du symbolique bien emballé ? Les commentaires sont ouverts, je lirai tout.
