Vous est-il déjà arrivé d’imaginer le pire au milieu du plus grand bonheur collectif ?
Le 26 mai dernier, Liverpool vivait probablement l’une des plus belles journées de son histoire récente. Après trente longues années d’attente, les Reds venaient de remporter la Premier League. La ville entière était rouge. Des centaines de milliers de supporters dans les rues, des bus découverts, des joueurs en transe, des écharpes au vent… Et puis, en quelques secondes, tout a basculé.
Une voiture a foncé dans la foule. 134 personnes blessées, certaines gravement. Un cauchemar au milieu de la fête.
Un revirement aussi soudain qu’émouvant au tribunal
Ce mercredi 26 novembre 2025, six mois presque jour pour jour après les faits, l’homme au volant a complètement changé de position. Lui qui avait d’abord plaidé non coupable en septembre a reconnu, la voix brisée et les larmes aux yeux, les 31 chefs d’accusation qui pesaient contre lui.
Les journalistes présents dans la salle d’audience décrivent un homme de 54 ans méconnaissable, tremblant, qui a littéralement craqué au moment de répondre aux questions du juge. Un moment d’une intensité rare dans un tribunal britannique, d’habitude si froid.
« Je suis désolé… je suis tellement désolé… »
a-t-il répété plusieurs fois entre deux sanglots, selon les témoins.
Ce plaider coupable met fin à un procès qui s’annonçait long et douloureux pour tout le monde : victimes, familles, ville de Liverpool entière.
Que s’est-il passé exactement ce soir-là ?
Revenons aux faits, parce qu’ils restent encore flous pour beaucoup.
La parade victorieuse avait commencé en fin d’après-midi. Deux bus à impériale transportaient les joueurs le long d’un parcours de plusieurs kilomètres, du centre-ville jusqu’aux abords d’Anfield. Les estimations parlent de 750 000 à 1 million de personnes dans les rues – un record absolu pour ce genre d’événement au Royaume-Uni.
Vers 19 h 30, alors que le cortège approchait du quartier de Strand Road, une Ford grise a soudain accéléré et traversé les barrières de sécurité. Le conducteur a parcouru plusieurs dizaines de mètres en zigzaguant dans la foule compacte avant de s’immobiliser.
- 12 personnes ont subi des blessures graves (fractures multiples, traumatismes crâniens)
- 17 autres ont été désignées comme victimes de tentative d’homicide involontaire
- Au total, 134 blessés recensés par les services hospitaliers
- Heureusement, aucun décès
Les images tournées par les supporters sont insoutenables : des corps projetés, des poussettes renversées, des cris, la panique totale.
Qui est cet homme de 54 ans ?
Sans entrer dans son identité précise – la justice britannique protège encore certains éléments – on sait qu’il s’agit d’un habitant de la banlieue de Liverpool, père de famille, sans antécédents judiciaires majeurs. Certains médias locaux le décrivent comme un supporter… des Reds lui-même. Ce qui rend l’affaire encore plus incompréhensible.
Alcool ? Drogue ? Geste désespéré ? Maladie soudaine ? Les spéculations ont été nombreuses. L’accusation a retenu la conduite dangereuse causant des blessures et blessures volontaires, ce qui laisse entendre qu’il n’y aurait pas eu intention homicide, mais une forme de perte de contrôle délibérée ou non.
Son revirement soudain ce mercredi laisse penser que la pression psychologique est devenue trop forte. Voir les victimes à la barre, entendre les témoignages, affronter le regard de la ville qu’il a traumatisée… Parfois, la réalité rattrape même les murs les plus solides.
Liverpool, une ville encore sous le choc
À Liverpool, on n’a pas vraiment fêté ce titre comme on l’aurait rêvé.
Oui, il y a eu la remise du trophée, les feux d’artifice, les chansons sur les Kop, mais cette parade restera à jamais associée à la peur. Beaucoup de supporters n’ont pas voulu y participer après l’accident. D’autres ont pleuré en repensant à Hillsborough, ce drame de 1989 qui hante encore la ville.
Les joueurs eux-mêmes, pourtant habitués à garder la tête froide, avaient le visage fermé lors de la fin du parcours. On se souvient de Virgil van Dijk descendant du bus pour aller voir les blessés. Mohamed Salah, en larmes, postant un simple « I have no words » sur ses réseaux.
Et maintenant ?
Avec ce plaider coupable, la peine sera prononcée dans les prochaines semaines. Les chefs d’accusation les plus lourds encourent jusqu’à la prison à perpétuité théoriquement, mais les experts estiment qu’il risque entre 10 et 15 ans ferme, compte tenu de l’absence d’antécédents et du regret affiché.
Beaucoup de victimes ont déjà fait savoir qu’elles ne demandaient pas la peine maximale. « On veut juste comprendre pourquoi », a confié l’une d’elles à la presse locale. Comprendre. C’est peut-être le mot qui résume tout.
Parce qu’au fond, personne n’arrive encore à rationaliser comment, au milieu de la plus pure allégresse populaire, un seul homme a pu transformer la joie en cauchemar.
Le football anglais a connu des drames bien plus graves par le passé. Heysel, Hillsborough, Bradford… Mais celui-ci a quelque chose d’unique : il n’est pas lié à une défaillance structurelle ou à une bagarre entre supporters. Il est l’œuvre d’un seul individu, au milieu d’un million de personnes en liesse.
Et c’est peut-être ça qui rend l’histoire si difficile à accepter.
Alors oui, Liverpool a son 19e titre de champion. Mais il portera toujours, quelque part, cette cicatrice du 26 mai.
Et nous, supporters ou simples observateurs, on se souviendra longtemps de cet homme de 54 ans qui a pleuré devant un tribunal, six mois après avoir brisé la fête d’une ville entière.
Le football, parfois, dépasse largement le terrain.
