Vous est-il déjà arrivé de passer devant une librairie et de vous demander pourquoi certains rayons politiques débordent littéralement quand d’autres semblent oubliés de tous ? Cet automne 2025, la réponse est plus claire que jamais : le public plébiscite sans détour les figures qui incarnent une forme de rupture, pendant que les discours plus institutionnels ou consensuels peinent à trouver preneur.
Franchement, quand on voit les chiffres tomber semaine après semaine, on ne peut pas s’empêcher de sourire (ou de grimacer, selon le camp dans lequel on se situe). Le marché du livre politique n’a jamais été aussi clivant… et aussi révélateur des humeurs du pays.
Le trio de tête qui écrase tout sur son passage
Commençons par les stars incontestées du moment. À l’heure où j’écris ces lignes, trois noms trustent les meilleures places et donnent le ton d’une rentrée littéraire particulièrement musclée.
Philippe de Villiers, l’intouchable
107 000 exemplaires. Laissez-moi répéter : cent sept mille. C’est le score dingue réalisé par le dernier essai de Philippe de Villiers, sorti début octobre. À 76 ans, l’ancien fondateur du Puy du Fou continue de faire trembler les compteurs comme personne.
Ce qui frappe, c’est la régularité du bonhomme. Chaque nouveau livre semble bénéficier d’un public fidèle, presque captif, prêt à se ruer en librairie dès le jour J. On peut aimer ou détester son style, ses idées souverainistes, son ton parfois apocalyptique, mais force est de constater que l’homme a trouvé une recette qui marche : un mélange de récit personnel, d’histoire revisitée et de charge contre la mondialisation heureuse.
Le populisme n’est pas une maladie, c’est le symptôme d’un système qui ne répond plus aux attentes du peuple.
– Extrait souvent repris du livre
Et visiblement, le message passe toujours aussi bien.
Jordan Bardella, la nouvelle coqueluche des librairies
À seulement 30 ans, le président du Rassemblement national signe une entrée fracassante dans le monde de l’édition politique avec près de 42 000 exemplaires vendus en moins d’un mois. Vingt-neuvième place toutes catégories confondues la semaine dernière, neuvième cette semaine… la progression est impressionnante.
Ce qui est intéressant, c’est que son livre ne se contente pas de surfer sur la vague médiatique habituelle. Il propose un diagnostic assez large sur ce que les Français attendraient selon lui : souveraineté, sécurité, identité. Des thèmes que l’on retrouve évidemment dans le programme du parti, mais présentés ici avec une tonalité plus personnelle, presque testamentaire.
Et ça marche. Les libraires que j’ai pu interroger me disent tous la même chose : ce sont souvent des lecteurs qui n’achètent jamais de livres politiques qui craquent cette fois-ci. Preuve que la figure Bardella dépasse largement le simple cadre partisan.
Éric Zemmour, talonné mais toujours là
Juste derrière, à environ 45 000 exemplaires, on retrouve l’incontournable Éric Zemmour. Distancé de peu par le jeune président du RN, il reste néanmoins dans le peloton de tête et continue d’alimenter les débats.
Son style, plus littéraire, plus polémique aussi, séduit toujours une partie du public conservateur. Même si certains observateurs notent une légère érosion par rapport à ses précédents cartons, le polémiste devenu homme politique prouve qu’il reste une valeur sûre de l’édition engagée.
Ceux qui déçoivent… et ça fait mal
Maintenant, parlons des naufrages. Parce qu’il y en a, et pas des moindres. Certaines figures que l’on imaginait intouchables se retrouvent avec des scores tellement confidentiels qu’on a presque de la peine pour eux.
Prenez Olivier Marleix, président du groupe Les Républicains à l’Assemblée. L’homme est respecté, connaît ses dossiers sur le bout des doigts, mais son dernier essai peine à dépasser les 2 500 exemplaires. C’est cruel, mais c’est la réalité du marché : le discours républicain classique, technique, manque cruellement de souffle romanesque ou de promesse de rupture.
Pareil pour Marine Tondelier, secrétaire nationale des Écologistes. Malgré une présence médiatique régulière et un positionnement offensif, son livre tourne autour des 4 000 ventes. On sent que le public attend peut-être autre chose de l’écologie politique : plus de concret, moins de posture ?
Et puis il y a Ségolène Royal. L’ancienne candidate de 2007, qui fut pourtant une pionnière du genre, voit son dernier opus stagner à des niveaux symboliques. Comme si une partie de l’électorat de gauche avait tourné la page, ou attendait simplement une parole plus neuve.
- Olivier Marleix : ~2 500 exemplaires → le discours LR traditionnel ne fait plus recette
- Marine Tondelier : ~4 000 exemplaires → l’écologie politique cherche encore sa voix littéraire
- Ségolène Royal : ventes confidentielles → le retour de l’ancienne garde ne passionne plus
- Plusieurs ministres en exercice : souvent sous les 3 000 → le pouvoir use même les plumes
Ces chiffres font mal, mais ils disent quelque chose de profond sur l’époque : aujourd’hui, le lecteur veut de l’émotion, du récit, de la transgression. Le simple exposé programmatique ou le laisse de marbre.
Pourquoi certains cartonnent et d’autres s’écrasent ?
Plusieurs facteurs expliquent ce fossé abyssal.
D’abord, la personnalité. Les trois leaders du classement sont perçus comme des figures fortes, clivantes, avec une histoire personnelle qui dépasse le simple parcours politique. Villiers le conteur vendéen, Bardella le jeune prodige des quartiers populaires, Zemmour l’intellectuel provocateur : chacun a su construire une mythologie.
Ensuite, le timing. Sortir un livre juste avant des échéances majeures (municipales 2026, présidentielles 2027) donne un écho immédiat. Mais encore faut-il porter un message qui résonne dans l’air du temps.
Enfin, le style. Les meilleurs vendeurs ont compris qu’un essai politique aujourd’hui doit presque se lire comme un roman. Anecdotes, formules choc, mise en scène de soi : tout y est.
Le livre politique n’est plus un programme, c’est un spectacle.
– Un éditeur parisien expérimenté
Et le spectacle, pour l’instant, est clairement à droite de l’échiquier.
Et la gauche dans tout ça ?
C’est peut-être la grande question de cette rentrée. À part quelques essais plus confidentiels portés par des intellectuels ou des économistes, la gauche peine à produire des best-sellers. Est-ce un problème de messagers ? De message ? Les deux sans doute.
J’ai remarqué que même des figures pourtant populaires à l’écran, comme Jean-Luc Mélenchon à une époque, ne parviennent plus à transformer l’essai littéraire avec la même force. Comme si le public de gauche, plus fragmenté, plus exigeant aussi, attendait une parole radicalement nouvelle plutôt que la énième variation sur les mêmes thèmes.
Ce que nous disent vraiment ces chiffres
Au-delà des ego et des stratégies éditoriales, ces ventes sont un miroir grossissant de l’état de l’opinion. Quand plus de 100 000 personnes achètent en quelques semaines un livre intitulé Populicide, cela en dit long sur les angoisses et les aspirations d’une partie des Français.
De la même façon, la percée de Jordan Bardella dans les librairies montre que le RN n’est plus seulement un parti protestataire : il devient culturellement hégémonique chez une partie de la jeunesse et des classes populaires.
Quant aux flops, ils révèlent une crise de représentation à droite modérée comme à gauche. Les partis historiques peinent à renouveler leur récit, et ça se voit jusque dans les rayons.
En résumé : en 2025, le livre politique n’est plus un simple objet intellectuel. C’est un indicateur sociologique brut, presque un sondage permanent. Et pour l’instant, le message est clair : les Français veulent des leaders qui parlent vrai, qui assument le conflit, qui racontent une histoire.
Les autres, même les plus expérimentés, même les plus respectés, passent à la trappe.
Et vous, quel livre politique vous a marqué cette année ? Celui qui vous a fait réfléchir, ou au contraire celui qui vous a profondément agacé ? Les commentaires sont ouverts.
