Imaginez une petite ville côtière où l’odeur des citrons se mêle à celle de la poudre. Menton, 30 000 habitants, frontalière avec l’Italie, habituellement paisible hors saison, est en train de devenir l’un des champs de bataille les plus chauds des prochaines municipales. Et au centre de l’arène : Louis Sarkozy, 28 ans, le plus jeune fils de l’ancien président de la République, qui a décidé de transformer la « perle de la France » en tremplin politique.
Franchement, quand on m’a parlé de sa candidature pour la première fois, j’ai souri. Un Sarkozy de plus ? Encore un parachutage ? Et puis j’ai plongé dans le dossier mentonnais. Là, j’ai compris : ce n’est pas une simple opération people. C’est une partie d’échecs grandeur nature où tous les coups (ou presque) sont permis.
Menton 2026 : pourquoi tout le monde veut ce citron
Commençons par le décor. Menton, c’est la carte postale parfaite : vieux Menton aux ruelles pastel, jardins exotiques, festival du citron, plage à deux pas de Monaco. Mais derrière la douceur de vivre, la ville est un joyau politique. Droite historique depuis des décennies, elle a pourtant basculé très fort vers le Rassemblement National lors des dernières législatives : plus de 56 % dès le premier tour dans la circonscription. Un score qui fait saliver.
Ajoutez à cela un maire sortant, Yves Juhel, 80 ans, empêtré dans une procédure judiciaire pour détournement de fonds publics et blanchiment. Sa majorité a implosé, ses adjoints se déchirent publiquement. Bref, la place est à prendre. Et quand une ville comme Menton vacille, les appétits s’aiguisent à Paris, à Nice et même à l’extrême droite.
Louis Sarkozy : l’outsider qui veut devenir local
Il est arrivé des États-Unis il y a peine dix-huit mois. Costume impeccable, sourire facile, accent légèrement américain. Louis Sarkozy n’a jamais fait de politique active avant. Son CV ? Études de philosophie à New York University, un passage dans l’armée israélienne comme volontaire, quelques chroniques dans des médias conservateurs américains. Rien qui crie « maire de Menton » à première vue.
Pourtant, il a choisi cette ville. Pourquoi ? Il répète à l’envi qu’il s’y sent « chez lui ». Sa grand-mère y avait une maison, il y passait des vacances enfant. Il parle des pêcheurs, du marché du vendredi, du carnaval. Il a ouvert sa permanence en plein centre-ville et multiplie les cafés-citoyens. Stratégie claire : gommer l’image du Parisien (ou pire, de l’Américain) parachuté.
« Je ne suis pas là pour faire de la figuration ou pour plaire à qui que ce soit à Paris. Je veux être le maire de tous les Mentonnais. Point. »
Louis Sarkozy, lors de l’inauguration de sa permanence
Est-ce que ça prend ? Sur le terrain, les avis sont partagés. Les seniors le trouvent « poli et bien élevé ». Les commerçants apprécient qu’il parle anglais couramment (utile avec la clientèle monégasque). Mais une partie de la droite locale grince des dents : beaucoup auraient préféré un enfant du pays.
Le RN sent le fruit mûr
De l’autre côté, le Rassemblement National avance en ordre de bataille. La députée sortante Alexandra Masson, élue en 2022 avec un score fleuve, est déjà en campagne. Elle connaît chaque rue, chaque association. Son argument massue : « Les Mentonnais ont déjà voté massivement pour nous. Pourquoi changeraient-ils d’avis en 2026 ? »
Et elle n’est pas seule. Derrière elle, toute la machine RN se met en marche. Meetings réguliers, porte-à-porte intensif, réseaux sociaux ultra-efficaces. Leur discours : insécurité (même si les chiffres restent bas), immigration, coût de la vie. Des thèmes qui parlent dans une ville où le tourisme de luxe côtoie des quartiers plus populaires.
La droite traditionnelle explosée en trois morceaux
Et puis il y a les Républicains… ou plutôt ce qu’il en reste. Trois courants s’affrontent :
- Le camp du maire sortant Yves Juhel, affaibli mais toujours influent chez les anciens.
- Les ciottistes, fidèles à Éric Ciotti, qui rêvent d’une alliance avec le RN pour conserver le pouvoir local.
- Les « modérés » ou « estrosistes » (du nom de Christian Estrosi, maire de Nice) qui soutiennent discrètement Louis Sarkozy pour barrer la route à l’extrême droite.
Résultat ? Des démissions en cascade, des cartes LR déchirées en public, des accusations de trahison qui volent bas. Une adjointe a même annoncé qu’elle quittait le parti en dénonçant « le parachutage d’un gamin de 28 ans qui n’a jamais payé ses impôts locaux ici ».
Les vrais enjeux derrière les étiquettes
Mais au-delà des noms, qu’est-ce qui se joue vraiment ? Trois grands dossiers vont dominer la campagne :
- Le tourisme et l’économie locale – Comment préserver le standing tout en aidant les habitants face à l’explosion des prix ?
- La sécurité et la frontière – Menton est à vingt minutes de Vintimille. Les questions migratoires sont dans toutes les têtes.
- Le projet urbain – Le front de mer, le vieux Menton, les parkings… Tout le monde a son idée sur la ville de demain.
Louis Sarkozy mise sur un discours libéral-conservateur à l’américaine : moins de règles, plus d’entreprises, embellissement de la ville. Le RN promet plus de police municipale et une ligne dure sur l’immigration. Les sortants, eux, défendent leur bilan (parfois avec difficulté).
2026 ou le laboratoire de la droite française
Ce qui rend cette élection passionnante, c’est qu’elle dépasse largement Menton. Tout le monde regarde :
- À Paris, on observe si le « sarkozysme » peut encore exister sans Nicolas.
- À Nice, Christian Estrosi joue son va-tout : perdre Menton serait un camouflet.
- Au RN, on rêve d’un effet domino sur toute la Côte d’Azur.
- Chez Ciotti, on espère montrer qu’une droite « décomplexée » peut l’emporter.
En clair, Menton 2026 sera un test grandeur nature pour la recomposition de la droite française. Et Louis Sarkozy, qu’on le veuille ou non, en est devenu le symbole inattendu.
Et les Mentonnais dans tout ça ?
La vraie question, c’est ce qu’en pensent ceux qui vivent là toute l’année. Beaucoup sont fatigués des querelles nationales. « On veut juste quelqu’un qui s’occupe des trottoirs, des écoles et des impôts », m’a dit une commerçante du vieux Menton. Une autre, plus âgée : « Moi, le nom Sarkozy, ça me rappelle de bons souvenirs… mais est-ce qu’il connaît vraiment nos problèmes ? »
Le défi de Louis Sarkozy est là : transformer son nom en atout sans en devenir prisonnier. Celui du RN : dépasser le vote protestataire pour convaincre qu’il peut gérer une ville aussi complexe. Celui des sortants : survivre à la tempête judiciaire.
Une chose est sûre : entre les citrons amers et les ambitions dévorantes, la campagne mentonnaise promet d’être l’une des plus explosives de France. Et quelque part, ça fait du bien de voir qu’en 2026, la politique locale peut encore passionner.
Alors, qui succédera à Yves Juhel ? Le jeune héritier, la députée RN ou un outsider de dernière minute ? Réponse dans seize mois. En attendant, à Menton, l’air sent le citron… et la poudre.
