Vous vous souvenez de ce gamin qui faisait lever les foules l’an dernier avec ses accélérations fulgurantes et ses passes laser ? Ce même joueur qui, du jour au lendemain, s’est retrouvé en équipe de France et a même marqué en sélection ? Eh bien aujourd’hui, quand on regarde certains matchs de Monaco, on a parfois l’impression qu’il joue avec le frein à main. Maghnes Akliouche, 23 ans à peine, est devenu l’incarnation parfaite du paradoxe du jeune crack : plus on attend de toi, plus c’est dur de confirmer à chaque sortie.
Un début de saison qui promettait pourtant la lune
Revenons quelques mois en arrière. L’été 2025, Akliouche sort d’une saison 2024-2025 déjà très convaincante. Il est l’un des rares joueurs du championnat à combiner volume de jeu, qualité technique et créativité. Les observateurs le placent parmi les plus grands espoirs français au poste de milieu offensif voire d’ailier droit. Manchester City, Paris, et d’autres mastodontes le suivent de très près. À Monaco, il est clairement identifié comme le successeur spirituel de certains grands anciens passés par le Rocher.
Puis arrive la nouvelle saison. Les premières journées sont plutôt rassurantes : des éclairs de génie contre Strasbourg, un match solide face à Tottenham en Ligue des Champions, une victoire probante à Nantes. On se dit que le garçon a passé un cap. Et pourtant, très vite, les doutes s’installent.
Des statistiques qui parlent… ou plutôt qui crient
Regardez froidement les chiffres et vous comprendrez tout de suite le problème. Sur les douze dernières journées de Ligue 1 au moment où j’écris ces lignes, Akliouche n’a été impliqué directement (but ou passe décisive) que lors d’un seul match. Un seul. Pour un joueur censé être le moteur créatif de son équipe, c’est évidemment trop peu.
En Ligue des Champions c’est un peu mieux – deux passes décisives – mais on reste loin du rendement attendu d’un joueur de son standing. Et surtout, on sent que ses fulgurances sont devenues plus rares, comme s’il gardait ses meilleurs moments pour des matchs spécifiques plutôt que de les distiller régulièrement.
- 6e joueur de champ le plus utilisé de Ligue 1 toutes compétitions confondues
- Plus de 1500 minutes jouées dès le mois de décembre
- Seul Monégasque à avoir franchi ce cap
- Un ratio minutes/jours de repos parmi les plus faibles du championnat
Quand tu alignes ces données, une première explication saute aux yeux : le garçon est épuisé.
La fatigue, cette ennemie qu’on voit arriver trop tard
J’ai échangé avec plusieurs personnes proches du vestiaire monégasque ces dernières semaines et le mot qui revient le plus souvent, c’est « lassitude ». Pas démotivation, attention. Lassitude physique pure et dure. Le corps dit stop même quand la tête veut continuer à envoyer du caviar.
Akliouche n’a quasiment jamais été mis au repos depuis le début de saison. Ni par l’ancien coach, ni par le nouveau. Résultat ? Il arrive parfois sur le terrain avec les jambes lourdes, les appuis moins vifs, les prises de risque moins naturelles. Et quand tu es un joueur de percussion et d’élimination, c’est la mort assurée.
« Un crack a besoin d’être stimulé footballiquement ou de se fondre dans un collectif qui tourne à plein régime. Là, autour de lui, c’est compliqué en ce moment. »
– Un ancien joueur passé par Monaco
Et il a raison. Quand tes partenaires devant peinent à convertir les occasions que tu crées, tu finis par te frustrer. Et la frustration, chez un jeune joueur, ça se traduit souvent par une légère baisse d’intensité.
Le choc du changement d’entraîneur
L’autre gros facteur, et on en parle peut-être moins, c’est l’arrivée de Sébastien Pocognoli. Attention, je ne critique pas le nouvel entraîneur – il a hérité d’un groupe en pleine crise de résultats. Mais passer du 4-4-2 losange ou du 4-2-3-1 très structuré d’Adi Hütter à des schémas parfois expérimentaux (3-4-2-1 pendant plusieurs semaines), ça demande une adaptation.
Akliouche, lui, a été déplacé plusieurs fois : ailier droit, meneur de jeu reculé, deuxième attaquant dans un 3-4-2-1, piston offensif par moments… Difficile de trouver ses repères quand on te demande de changer de rôle tous les quinze jours.
Je me souviens du match à Brest, où il a porté le brassard pour la première fois. On l’a vu chercher ses coéquipiers, lever la tête, et finalement garder le ballon un peu trop longtemps parce qu’il ne savait plus trop où se placer. Ce n’était pas un manque d’envie. C’était un manque de automatismes dans un système encore en construction.
Le poids des attentes : quand on te demande d’être Messi à 23 ans
Et puis il y a ça, peut-être le plus difficile à gérer : l’attente démesurée. À Monaco, quand l’équipe va mal, tous les regards se tournent vers lui. « Où est Akliouche ? Pourquoi il ne nous sort pas de là ? » Comme si un gamin de 23 ans devait porter seul un collectif de 25 joueurs.
En conférence de presse, Pocognoli l’a dit sans détour : on demande plus de constance aux leaders techniques. Traduction ? On lui met une pression énorme sur les épaules. Et quand tu es jeune, cette pression peut te paralyser autant qu’elle peut te transcender.
« On en demande à tous les joueurs, mais oui, peut-être plus à certains qu’à d’autres, notamment au capitaine. »
– Sébastien Pocognoli
Le brassard à Brest, c’était à la fois une marque de confiance et un énorme poids supplémentaire. Capitaine à 23 ans dans un club aussi exigeant que Monaco, c’est flatteur… mais ça peut aussi te bouffer.
Et pourtant, le talent est toujours là
Attention, qu’on soit bien clairs : Akliouche n’a pas régressé. Loin de là. Ses entrées en sélection (but en Azerbaïdjan, passe décisive en Islande) montrent qu’au niveau international, il reste au-dessus du lot. Ses matchs références cette saison (Paphos, Strasbourg, Tottenham) prouvent que quand il est frais et dans un système qui le met en valeur, il reste injouable.
Le problème n’est pas technique. Il est contextuel.
- Un temps de jeu beaucoup trop élevé pour un joueur de percussion
- Un collectif offensif en panne de confiance autour de lui
- Un changement de système qui perturbe ses repères
- Une pression médiatique et populaire énorme
Supprimez deux ou trois de ces facteurs et je vous garantis qu’on reparlera très vite du « nouveau prodige français ».
Que faire pour relancer la machine ?
La solution la plus évidente ? Lui offrir du repos. Vraiment. Pas juste un match sur le banc toutes les six semaines. Une vraie coupure de dix-quinze jours en janvier, pourquoi pas, pour recharger les batteries. Les grands clubs savent le faire avec leurs jeunes stars. Regardez comment le Real gère Vinícius ou Rodrygo quand ils montrent des signes de fatigue.
Ensuite, stabiliser le système tactique. Depuis trois matchs, Pocognoli semble revenir vers un 4-2-3-1 plus classique. C’est une excellente nouvelle pour Akliouche qui peut enfin se fixer à son poste préféré : ailier droit ou numéro 10 légèrement excentré.
Enfin, entourer le joueur de finisseurs en forme. Si Biereth retrouve le chemin des filets, si Minamino arrête de vendanger les occasions, si Fati se remet dans le sens de la marche, alors Akliouche redeviendra décisif naturellement. Parce qu’un créateur a besoin de joueurs qui transforment ses caviars en or.
En attendant, patience. Maghnes Akliouche traverse sa première vraie zone de turbulences chez les pros. Tous les grands joueurs sont passés par là. Les uns en sont sortis plus forts (Mbappé après sa saison 2018-2019 en dents de scie), les autres ont mis plus de temps (Dembélé, par exemple).
Moi je mise sur la première option. Parce que le talent pur, ça ne disparaît pas en quelques mois. Ça se met parfois en sommeil, le temps de digérer la pression, la fatigue et les changements. Et quand ça se réveille… généralement, ça fait très mal aux défenses adverses.
À suivre donc. Mais une chose est sûre : on n’a pas fini d’entendre parler de Maghnes Akliouche. Loin de là.
