Vous êtes-vous déjà demandé jusqu’où pouvait aller la cupidité de certains propriétaires ? Franchement, quand on lit certaines histoires, on se dit que la réalité dépasse parfois la fiction la plus sombre. Prenez cette affaire qui secoue actuellement la Seine-Saint-Denis : une simple maison de ville, un pavillon comme il en existe des milliers en banlieue parisienne, transformé en machine à cash au mépris total de la dignité humaine.
Des familles entières, souvent précaires, entassées dans des pièces humides, moisies, parfois sans chauffage correct. Et pendant ce temps, les loyers tombent chaque mois. Sauf que depuis cette année, ce genre de comportement n’est plus seulement une faute civile. C’est devenu un crime. Et pas des moindres.
Quand le logement indigne devient un délit criminel
Avril 2024 a marqué un tournant que beaucoup attendaient depuis des années. Une nouvelle loi, sobrement baptisée « habitat dégradé », a complètement rebattu les cartes. Avant ? Les marchands de sommeil s’en sortaient souvent avec des amendes ou, au pire, quelques mois avec sursis. Aujourd’hui ? La donne a changé du tout au tout.
Désormais, soumettre sciemment des personnes à des conditions d’habitat indignes peut valoir jusqu’à 15 ans de réclusion criminelle. Oui, vous avez bien lu : quinze ans. Le même niveau de peine que pour certains trafics ou violences graves. C’est dire à quel point l’État a décidé de frapper fort.
Et l’affaire de la rue d’Eaubonne, à Saint-Denis, arrive pile au moment où cette loi commence à montrer les dents.
Un pavillon banal, une réalité glaçante
De l’extérieur, rien ne laissait présager le cauchemar. Un petit pavillon avec dépendance, comme on en voit partout dans le 93. Mais à l’intérieur ? C’est une tout autre histoire. Humidité qui suinte des murs, installations électriques douteuses, pièces sur-occupées… Le genre de logement qui fait bondir n’importe quel agent de l’ARS ou de la mairie.
Et pourtant, pendant un an, entre l’été 2023 et l’été 2024, ce bien a été loué à plusieurs familles. Des familles avec enfants, souvent en situation de grande précarité. Des gens qui n’avaient pas d’autre choix que d’accepter ces conditions pour avoir un toit. Triste réalité.
Le plus révoltant ? Les propriétaires savaient. Un arrêté d’insalubrité avait été pris. Interdiction formelle de louer. Mais l’argent continue de rentrer, alors pourquoi s’arrêter ?
Quand on voit des enfants grandir dans ce genre d’endroits, on se dit qu’il y a urgence à agir. Ce n’est plus seulement une question d’immobilier, c’est une question de santé publique et de dignité.
Le jour où le tribunal correctionnel a dit stop
Jeudi dernier, à Bobigny. L’audience était prévue devant le tribunal correctionnel. Tout était prêt : les prévenus, les avocats, les parties civiles. Et là, coup de théâtre. Le président regarde le dossier, lève les yeux et lâche : « Nous ne sommes pas compétents. » Pourquoi ? Parce que les faits, à la lumière de la nouvelle loi, relèvent désormais de la cour d’assises.
Autrement dit : ce qui aurait pu se solder par une peine de prison avec sursis ou une grosse amende il y a encore deux ans risque aujourd’hui de se terminer devant des jurés populaires, avec une peine pouvant aller jusqu’à quinze années derrière les barreaux.
C’est un message clair : l’époque où on fermait les yeux est révolue.
Que change exactement la loi d’avril 2024 ?
Pour bien comprendre l’ampleur du changement, il faut remonter un peu en arrière. Avant 2024, le fait de louer un logement indigne était puni, oui, mais souvent mollement. Les peines maximales tournaient autour de 5 ans dans les cas les plus graves, et encore, c’était théorique.
Aujourd’hui, la criminalisation est totale. On parle de :
- Peines pouvant atteindre 15 ans de prison
- Amendes jusqu’à 300 000 euros
- Confiscation définitive du bien immobilier
- Interdiction définitive d’exercer toute activité immobilière
- Inéligibilité pendant 10 ans dans certains cas
Et surtout, le passage devant la cour d’assises change tout. Ce n’est plus un juge seul qui décide. Ce sont des citoyens qui vont entendre les témoignages des familles, voir les photos des moisissures, comprendre l’impact sur la santé des enfants. L’émotion change d’échelle.
Pourquoi Saint-Denis est en première ligne
On ne va pas se mentir : la Seine-Saint-Denis concentre malheureusement une grande partie de ces situations. Tension extrême sur le logement, précarité importante, arrivée continue de familles… Tout ça crée un terrain parfait pour les marchands de sommeil.
Dans certaines rues, c’est presque devenu une économie parallèle. Des propriétaires divisent, sur-divisent, louent à la pièce, parfois même au lit. Et tant pis si le bâtiment tombe en ruine.
Mais les choses bougent. Les signalements augmentent. Les associations sont plus vigilantes. Les mairies, malgré des moyens limités, multiplient les arrêtés d’insalubrité. Et maintenant, la justice suit.
Et les locataires dans tout ça ?
C’est peut-être l’aspect le plus humain de cette affaire. Ces familles qui payaient parfois 800, 1000 euros pour vivre dans des conditions indignes, elles n’ont souvent pas le choix. Refusées ailleurs, fichées, avec enfants en bas âge… Elles prennent ce qu’on leur propose.
Aujourd’hui, beaucoup espèrent que cette sévérité nouvelle va enfin faire bouger les lignes. Que les propriétaires indélicats vont réfléchir à deux fois avant de louer n’importe quoi à n’importe quel prix.
Mais en attendant, il faut les reloger. Et là, c’est une autre paire de manches.
Un effet dissuasif réel ?
Certains propriétaires se disent déjà que ça devient trop risqué. J’ai échangé avec un agent immobilier du secteur récemment, et il me confiait que plusieurs clients avaient retiré leurs biens du marché en apprenant les nouvelles peines. « Ils préfèrent vendre plutôt que de prendre le risque ».
Est-ce que ça va suffire à nettoyer tout le parc immobilier dégradé du 93 ? Probablement pas en un claquement de doigts. Mais c’est un signal fort. Très fort.
Ce que cette affaire nous dit de la société
Au-delà du fait divers, il y a quelque chose de plus profond. Cette affaire met en lumière le fossé abyssal qui peut exister entre ceux qui possèdent et ceux qui n’ont même pas les moyens de se loger décemment.
Quand on criminalise à ce point les marchands de sommeil, c’est aussi une façon de dire : la société ne tolère plus que le logement, besoin fondamental, devienne une source d’exploitation éhontée.
Et ça, franchement, ça fait du bien.
L’histoire de la rue d’Eaubonne n’est peut-être que le début. D’autres dossiers vont suivre. D’autres propriétaires vont trembler en recevant leur convocation. Et peut-être, petit à petit, les choses vont bouger. Pas assez vite, jamais assez vite pour ceux qui vivent encore dans ces taudis. Mais c’est déjà ça.
Parce qu’un logement digne, ce n’est pas un luxe. C’est un droit.
