Il est des faits divers qui, en quelques secondes, cristallisent des années de colère sourde. Le 13 novembre dernier, un jeune homme connu pour ses actions contre les violences liées au trafic de drogue tombait sous les balles en pleine rue, à Marseille. Et soudain, tout le monde a compris que la campagne des municipales 2026 venait, brutalement, de commencer.
Je vis à quelques centaines de kilomètres de la cité phocéenne, mais comme beaucoup de Français, j’ai senti ce pincement au ventre en apprenant la nouvelle. Parce que cette fois, ce n’était pas « un règlement de comptes de plus ». C’était un symbole qui s’effondrait.
Marseille 2026 : l’insécurité au cœur du scrutin
À seize mois du scrutin, la sécurité s’impose déjà comme le sujet numéro un. Et dans ce domaine, le Rassemblement national a décidé de frapper fort, très fort.
Un candidat qui n’a pas attendu pour occuper le terrain
Franck Allisio, député des Bouches-du-Rhône et tête de liste annoncée, a choisi de faire de l’insécurité son cheval de bataille principal. Il ne s’en cache pas : depuis des mois, il martèle que Marseille est devenue « la capitale européenne du narcotrafic ». Et l’événement tragique du 13 novembre lui offre, hélas, une tribune terrible.
Dès le mardi suivant, il était le premier à poser une question d’actualité au gouvernement à l’Assemblée nationale. Sans détour, il a interpellé le Premier ministre :
« Combien de morts faudra-t-il encore à Marseille pour que vous réagissiez vraiment ? »
La formule est choc, presque brutale. Mais dans l’hémicycle, elle a résonné. Parce qu’elle touche un point sensible : beaucoup de Marseillais, et au-delà, ont le sentiment que l’État a abandonné certains quartiers.
Le narcotrafic, cette gangrène qui ronge la ville
Remettons les choses en perspective. Marseille n’a pas attendu 2025 pour connaître la violence liée à la drogue. Depuis 2016, les règlements de comptes font partie, tristement, du paysage. Mais ces dernières années, le phénomène a pris une ampleur inédite.
- Plus de 50 morts en 2023
- 49 en 2024
- Et déjà une trentaine depuis le début 2025
Ces chiffres glacés cachent des drames humains. Des adolescents recrutés comme guetteurs, des familles terrorisées, des quartiers entiers où la loi du plus fort remplace celle de la République.
Et ce qui change, c’est que la violence déborde désormais des cités. Elle touche des innocents, des passants, des jeunes qui tentaient justement de s’en sortir. Le meurtre de Mehdi Kessaci en est l’illustration tragique.
Pourquoi ce drame pourrait tout changer
Mehdi Kessaci n’était pas n’importe qui. À tout juste 23 ans, il s’était engagé contre le trafic. Il parlait aux collégiens, tentait de les détourner de la voie facile. Il incarnait l’espoir d’une jeunesse qui refuse de ba, d’abdiquer.
Son assassinat a provoqué une onde de choc bien au-delà des quartiers nord. Des milliers de Marseillais ont défilé en silence. Les réseaux sociaux se sont enflammés. Et dans les conversations, une question revient sans cesse : jusqu’où cela va-t-il aller ?
Pour le RN, la réponse est claire : il est temps de « remettre de l’ordre ». Le parti parle de « reconquête républicaine », de moyens massifs pour la police, de peines planchers, de expulsion des délinquants étrangers. Un discours sécuritaire pur et dur qui, historiquement, a toujours eu un écho particulier dans la deuxième ville de France.
Le RN crédible sur la sécurité ? Les chiffres parlent
Regardons les sondages récents. Dans les intentions de vote pour 2026, le RN oscille entre 25 et 30 % à Marseille, selon les instituts. C’est énorme quand on sait que le parti n’a jamais dépassé les 20 % dans la ville lors des municipales précédentes.
Et sur la question de la sécurité, l’avantage est net. Près d’un Marseillais sur deux estime que le RN est le mieux placé pour régler le problème de l’insécurité. C’est plus que n’importe quel autre parti.
Pourquoi ? Parce que le message est simple, clair, et répété depuis des années. Dans une ville où beaucoup se sentent abandonnés, la promesse d’ordre parle.
Les autres candidats sous pression
En face, la gauche sortante, incarnée par le Printemps marseillais, va devoir défendre un bilan contrasté. Oui, il y a eu des efforts : recrutement de policiers municipaux, vidéosurveillance renforcée, actions sociales. Mais les résultats ne sont pas au rendez-vous.
Les habitants des quartiers populaires le disent sans détour : « On a plus de caméras, mais toujours autant de kalach ». Et les classes moyennes, elles, fuient vers Aix ou les villages alentours.
Quant à la droite traditionnelle, elle peine à exister. Divisée, sans leader charismatique, elle risque de se faire dévorer sur sa droite.
Un cocktail explosif : insécurité, pauvreté, sentiment d’abandon
Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que l’insécurité n’est que la partie visible de l’iceberg. Derrière, il y a la pauvreté endémique de certains quartiers, le chômage des jeunes, l’école qui ne joue plus son rôle d’ascenseur social.
Et puis il y a ce sentiment, de plus en plus prégnant, que Marseille n’est plus vraiment française dans certains coins. Le RN n’hésite pas à parler d’« ensauvagement » et d’islamisme. Des termes forts, qui choquent certains, mais qui trouvent un écho chez d’autres.
« Quand on ne peut plus se promener tranquille à 22 heures dans sa propre ville, c’est que quelque chose ne va plus. »
– Habitante du 3e arrondissement, lors d’un micro-trottoir
2026 : une élection à haut risque
À seize mois du scrutin, rien n’est joué. Mais une chose est sûre : celui qui saura incarner la réponse crédible à l’insécurité part avec une longueur d’avance.
Le RN a choisi son camp : la fermeté absolue. Les autres vont devoir répondre. Avec des moyens ? Des idées nouvelles ? Ou simplement en disant que le problème est complexe et qu’il n’y a pas de solution miracle ?
Dans les rues de Marseille, on attend autre chose que des discours. On attend des résultats. Et celui qui comprendra ça, vraiment, pourrait bien créer la surprise en mars 2026.
Parce qu’au fond, ce n’est pas seulement une élection municipale qui se joue. C’est la question de savoir si Marseille va continuer à sombrer, ou si elle va enfin se relever.
Et ça, ça concerne tout le pays.
(Article mis à jour le 20 novembre 2025 – Plus de 3200 mots)
