Imaginez envoyer votre enfant au collège le matin en vous demandant s’il rentrera sain et sauf le soir. Ce n’est pas le scénario d’un film catastrophe, c’est la réalité que vivent certains parents et professeurs dans le Val-d’Oise en cette fin novembre 2025.
Un établissement scolaire ordinaire, des adolescents qui rient dans la cour, des cours de maths et de français… et soudain, la peur qui s’installe comme un poison lent. C’est ce qui se passe au collège La Bruyère à Osny, où les menaces s’enchaînent à une vitesse effrayante.
Un climat scolaire qui vire au cauchemar
Tout a commencé il y a quelques semaines. Un père d’élève, convoqué pour un entretien classique, perd ses nerfs. Au lieu de discuter calmement, il profère des menaces de mort contre un enseignant et tient des propos qui font froid dans le dos : apologie du terrorisme, références glaçantes à des événements tragiques passés. Les professeurs, choqués, apprennent l’incident… avec trois semaines de retard.
Résultat ? Grève immédiate. Blocage total de l’établissement. Les enseignants dénoncent le silence de la direction qui, selon eux, n’a pas signalé assez vite les faits aux autorités. On comprend leur colère : quand la sécurité des collègues est en jeu, chaque heure compte.
« Les actes de ce genre sont de plus en plus récurrents et nous laissent un sentiment d’insécurité permanent. »
Un professeur du collège, épuisé par la situation
Et puis arrive la deuxième vague, encore plus inquiétante
À peine le calme revenu, nouveau choc. Fin novembre, un message circule massivement entre élèves sur les réseaux sociaux. Le texte est d’une violence rare :
- « Je vais bombarder le collège »
- « Je vais ramener des terroristes avec des armes »
- Menaces explicites de tuer professeurs et élèves
Aucun motif, aucune revendication claire. Juste la haine brute, diffusée en quelques clics. Des dizaines d’ados reçoivent ça sur leur téléphone en plein cours ou le soir dans leur chambre. Difficile de dormir après ça.
La direction réagit cette fois très vite : plainte déposée dans la foulée, forces de l’ordre prévenues, patrouilles renforcées aux abords du collège le vendredi suivant. L’équipe mobile de sécurité et un conseiller spécialisé débarquent pour soutenir les personnels. Les cours, eux, continuent. Parce qu’il faut bien.
Osny, un collège sous haute tension depuis des mois
Il faut dire que l’établissement traîne déjà une réputation compliquée. Prison à proximité, quartier parfois agité, mixité sociale forte… Tous les ingrédients qui peuvent faire monter la pression. Mais là, on franchit un cap. Passer de l’incivilité classique à des menaces ouvertement terroristes, c’est autre chose.
Et le pire, c’est que ce n’est pas un cas isolé. On entend parler régulièrement d’établissements ciblés par des messages similaires un peu partout en France. Des blagues de mauvais goût pour certains, des appels réels à la violence pour d’autres. Difficile de faire le tri quand on est proviseur et qu’on a 600 gamins sous sa responsabilité.
Les réseaux sociaux, arme de déstabilisation massive
Ce qui frappe dans cette nouvelle affaire, c’est le vecteur. Snapchat, Instagram, groupes WhatsApp… Les ados vivent là-dedans. Un message anonyme posté à 2h du matin peut atteindre 300 personnes avant le petit-déjeuner. Et une fois lancé, impossible de le rattraper.
Les enquêteurs vont évidemment éplucher les comptes, les adresses IP, les téléphones saisis. Mais combien de temps ça prendra ? Et surtout, qui se cache derrière ? Un élève du collège ? Un ancien ? Quelqu’un de l’extérieur qui s’amuse à semer la panique ? Les hypothèses sont nombreuses et toutes angoissantes.
Les enseignants au bout du rouleau
Derrière les communiqués officiels, il y a des femmes et des hommes qui rentrent chez eux le soir avec la boule au ventre. Certains ont des enfants dans le même collège. D’autres repensent à leurs collègues qui ont vécu le pire par le passé. L’ambiance est lourde, très lourde.
On parle beaucoup de « sentiment d’insécurité permanent ». L’expression revient sans cesse dans la bouche des profs. Et franchement, on les comprend. Quand on doit vérifier sous sa voiture le matin ou regarder derrière soi en quittant l’établissement, c’est plus vraiment un métier, c’est de la survie.
Que fait l’Éducation nationale face à cette montée des violences ?
Le rectorat assure que tout est mis en œuvre : équipes mobiles, psychologues, renforcement des procédures. Mais sur le terrain, beaucoup estiment que ça ne suffit plus. Former les personnels à détecter la radicalisation, oui. Installer des portiques de sécurité, pourquoi pas. Mais quand la menace vient de l’intérieur ou circule en trois clics, c’est une autre paire de manches.
Et puis il y a la question des moyens. Combien de conseillers pour combien d’établissements en difficulté ? Combien de policiers disponibles pour patrouiller devant chaque collège menacé ? La réponse est simple : pas assez.
Et les élèves dans tout ça ?
Ils ont entre 11 et 15 ans pour la plupart. Certains rigolent nerveusement, d’autres ne dorment plus. Il y a ceux qui relaient le message sans réfléchir et ceux qui préviennent immédiatement un adulte. La majorité, eux, se taisent par peur des représailles.
L’école est censée être un sanctuaire. Un endroit où on apprend à devenir citoyen, où on se sent protégé. Quand ce sanctuaire devient une cible, c’est toute une génération qui grandit avec l’idée que la violence peut frapper n’importe où, n’importe quand.
Vers une banalisation de l’extrême ?
Ce qui m’interroge le plus, c’est cette facilité avec laquelle des références terroristes sont désormais utilisées pour menacer. Comme si évoquer des attentats ou des tueurs était devenu un moyen parmi d’autres d’impressionner ou de régler ses comptes. C’est terrifiant.
On a franchi un seuil. Hier c’était « je vais te taper », aujourd’hui c’est « je vais ramener des terroristes ». Demain ? Je n’ose même pas y penser.
Un besoin urgent de réponses collectives
Cette affaire d’Osny n’est pas qu’un fait divers local. C’est le symptôme d’une société où la violence verbale extrême se banalise à grande vitesse, où les réseaux sociaux amplifient tout, où l’autorité éducative est mise à mal quotidiennement.
Il va falloir plus que des patrouilles ponctuelles ou des communiqués lénifiants. Il va falloir du courage politique, des moyens conséquents, une vraie réflexion sur l’éducation au numérique dès le plus jeune âge, et surtout une prise de conscience collective : l’école n’est pas un ring.
En attendant, à Osny, les professeurs continuent d’arriver le matin, la gorge serrée. Les élèves franchissent le portail en jetant parfois un regard inquiet autour d’eux. Et quelque part, un message dort peut-être encore sur un téléphone, prêt à resurgir.
Parce que tant qu’on n’aura pas trouvé et sanctionné l’auteur de ces dernières menaces, personne ne sera vraiment tranquille. Et ça, c’est peut-être le plus effrayant.
