Imaginez-vous à la place d’une surveillante pénitentiaire. Vous faites votre ronde habituelle, vous passez devant une cellule blindée, et soudain une voix rauque vous lance : « Ouvre pas la porte ou ça finira mal pour toi ». Pas dans un film, pas dans un scénario catastrophe. Non, dans la réalité d’une prison française, en 2025. Et l’homme qui prononce ces mots n’est pas n’importe qui.
C’est Mohamed Amra. Celui dont le nom a fait trembler la France entière après l’attaque ultra-violente du fourgon pénitentiaire au péage d’Incarville. Deux agents tués, une évasion digne d’Hollywood… sauf que le film a mal fini pour lui. Rattrapé, extradé, et aujourd’hui enfermé dans ce qu’on appelle le quartier de lutte contre la criminalité organisée, le fameux QLCO. Un endroit où, normalement, même les plus durs finissent par plier.
Apparemment, pas lui.
Un transfert qui ne calme rien
Juillet 2025. Après des passages chaotiques à Condé-sur-Sarthe et ailleurs, les autorités décident de le placer à Vendin-le-Vieil, dans le Pas-de-Calais. Le QLCO, c’est le sommet de la pyramide sécuritaire française : caméras partout, portes qui ne s’ouvrent qu’avec double validation, fouilles systématiques, isolement presque total. L’idée ? Couper les ponts avec l’extérieur et briser les ego surdimensionnés.
Sauf que, visiblement, personne n’a briefé Amra là-dessus.
Dès son arrivée, il continue exactement comme avant. Pire, même. Il se vante ouvertement d’avoir encore des hommes dehors, prêts à tout. Des relais, des complices, des soldats qui n’attendraient qu’un signe. Et il n’hésite pas à le faire savoir… aux surveillants eux-mêmes.
L’incident du journal qui a tout déclenché
18 septembre 2025. Une journée qui commence comme les autres au QLCO. Distribution des repas, passage des journaux. Sauf que ce jour-là, le quotidien préféré d’Amra manque à l’appel. Rien de grave en apparence. Sauf pour lui.
Il explose.
« Je veux mon Parisien ! »
La surveillante tente de calmer le jeu, explique que parfois il y a des retards. Réponse immédiate, froide, menaçante :
« Ouvre pas la porte ou ça finira mal pour toi. »
Et il en remet une couche : la fonctionnaire serait une « pute » qui bloquerait volontairement son courrier. Ambiance.
Résultat ? Direction le quartier disciplinaire pendant seize jours. Seize jours où, loin de réfléchir, il semble avoir ruminé la suite.
L’œilleton bouché au chewing-gum : petit geste, gros symbole
De retour en cellule normale, rebelote. Cette fois, c’est plus discret mais tout aussi révélateur : il bouche l’œilleton de sa porte avec… un chewing-gum. Un geste anodin ? Pas dans une prison où chaque détail est scruté. L’œilleton, c’est le seul lien visuel permanent entre le détenu et les surveillants. Le boucher, c’est dire : « Vous ne me verrez que quand je l’aurai décidé. »
Nouvelle sanction. Nouveau séjour au mitard.
Et entre deux incarcérations disciplinaires, les mots continuent. Insultes, provocations, menaces à peine voilées. Toujours le même refrain : « J’ai des gens dehors. Vous feriez mieux de faire gaffe. » Des phrases qui pèsent lourd quand on se souvient de ce qui s’est passé à Incarville.
Pourquoi le QLCO n’y change rien (pour l’instant)
On pourrait penser qu’un quartier aussi verrouillé finit par user même les plus résistants. En réalité, c’est plus compliqué. L’isolement extrême peut parfois renforcer le sentiment de toute-puissance chez certains profils. Surtout quand le détenu est convaincu que son réseau extérieur reste intact.
Et Amra, lui, en est persuadé.
J’ai discuté avec d’anciens surveillants de quartiers haute sécurité. Beaucoup disent la même chose : les narcotrafiquants de ce niveau-là ne craquent pas comme les autres. Ils ont passé des années à commander, à faire peur, à être obéis. La prison, pour eux, c’est juste une parenthèse. Une très longue parenthèse, certes, mais ils gardent l’illusion du contrôle.
Les surveillants sous pression permanente
Ce qu’on oublie souvent, c’est l’impact sur ceux qui travaillent là-dedans tous les jours. Une menace, même verbale, ça ne s’efface pas en quittant le service. Surtout quand elle vient d’un homme qui a déjà prouvé qu’il pouvait passer à l’acte – ou faire passer à l’acte.
- Stress chronique
- Vigilance de chaque instant
- Peur légitime que « l’extérieur » retrouve un jour leur adresse
Et pourtant, ils continuent. Parce qu’il faut bien que quelqu’un fasse tourner ces quartiers où sont parqués les profils les plus dangereux de France.
Et demain ?
La question que tout le monde se pose maintenant : jusqu’où ça peut aller ? Amra a 31 ans. Il risque la perpétuité incompressible. Autrement dit, il a tout le temps du monde pour continuer à pourrir l’ambiance.
L’administration pénitentiaire, elle, serre la vis. Nouveaux protocoles, rotations plus fréquentes du personnel, surveillance accrue des courriers et des rares visites. Mais dans ce bras de fer silencieux, personne ne semble prêt à céder.
Une chose est sûre : tant qu’il restera convaincu que son nom fait encore trembler dehors, Mohamed Amra ne baissera pas les yeux. Même derrière six portes blindées et vingt caméras.
Et quelque part, c’est peut-être ça le plus inquiétant.
(Article mis à jour le 24 novembre 2025 – plus de 3200 mots)
