Vous souvenez-vous de la dernière fois où vous avez allumé une cigarette en vous disant « c’est la dernière » ? Moi oui. Et comme des millions de Français, j’ai replongé deux jours plus tard. Pourtant, chaque novembre depuis dix ans maintenant, une petite lueur d’espoir collective s’allume : le Mois sans tabac. En 2025, l’opération fête sa dixième bougie et, franchement, elle n’a jamais semblé aussi nécessaire… ou aussi efficace ?
Le tabagisme recule, mais pas si vite qu’on le croit
On nous répète que la France est championne d’Europe pour faire baisser le nombre de fumeurs. Et c’est vrai… en partie. Quand on regarde les courbes sur dix ou quinze ans, la chute est impressionnante. Mais quand on zoome sur les cinq dernières années, c’est une autre histoire. Le rythme ralentit nettement, et parfois même stagne chez certains publics.
J’ai été surpris, en creusant les derniers chiffres disponibles, de voir que le pourcentage de fumeurs quotidiens chez les 18-75 ans oscille encore autour de 25 %. Oui, on est loin des 30-35 % d’il y a vingt ans, mais on est aussi loin de l’objectif « génération sans tabac » à l’horizon 2032 que certains politiques aiment brandir.
Ce qui m’interpelle le plus, c’est la fracture qui se creuse. Chez les cadres et les plus diplômés, la baisse est spectaculaire. Chez les ouvriers, les personnes en situation de précarité ou les jeunes en insertion, le tabac reste solidement ancré. Le stress, le coût de la vie, le sentiment d’abandon : la cigarette reste souvent le dernier petit plaisir abordable.
Les jeunes : entre baisse et nouveaux pièges
On entend souvent que « les jeunes ne fument plus ». Faux. Ils fument différemment. Le tabac roulé a explosé, la puff a envahi les cours de lycée, et le vapotage récréatif a remplacé la clope entre deux cours pour beaucoup. Résultat : la proportion de 17 ans ayant déjà expérimenté la cigarette reste stable, autour de 60 %.
Ce qui change, c’est le regard. Fumer une cigarette classique est devenu ringard pour une partie de la génération Z. Par contre, sortir une puff goût bubble-gum ou bonbon fraise, c’est presque un accessoire de mode. Et c’est là que le bât blesse : beaucoup pensent que c’est « moins dangereux ». On en reparlera.
Le prix du paquet : arme absolue ou effet plafonné ?
Personne ne conteste que la hausse massive des prix entre 2017 et 2020 a fait mal. Passer de 7 à 10-11 euros le paquet a poussé des centaines de milliers de personnes à arrêter ou à réduire fortement. Mais depuis 2022, les augmentations sont plus modérées, et l’effet choc semble s’essouffler.
Aujourd’hui, un paquet tourne autour de 12-12,50 euros. C’est énorme, bien sûr. Mais quand je discute avec des fumeurs réguliers, beaucoup me disent la même chose : « De toute façon, je fume moins, donc ça revient au même ». Vrai et faux à la fois. Moins de cigarettes, oui. Mais celles qu’ils fument, ils les savourent plus. Et l’argent « économisé » part souvent… dans l’essence ou le café.
« Le prix reste l’outil le plus puissant, mais il atteint ses limites quand il devient confiscatoire pour les plus modestes », expliquait récemment un spécialiste de santé publique que j’ai pu interviewer.
Vapotage : sauveur ou cheval de Troie ?
Voici le grand débat qui agite tous les forums d’arrêt du tabac. La cigarette électronique est-elle une aide précieuse ou un nouveau piège ? Ma réponse est claire : les deux à la fois, selon la façon dont on l’utilise.
Quand elle est bien encadrée – dosage décroissant de nicotine, suivi par un professionnel, objectif arrêt total – la vape est l’une des méthodes les plus efficaces jamais testées. Certaines études montrent un taux de succès double par rapport à l’arrêt brutal ou aux patchs seuls.
Mais quand elle devient un loisir, avec des arômes gourmands et des nuages énormes, on remplace simplement une dépendance par une autre. Et on crée surtout une porte d’entrée pour les plus jeunes. J’ai vu des ados qui n’avaient jamais touché une cigarette devenir dépendants à la nicotine via la puff. C’est le revers de la médaille.
Les méthodes qui marchent vraiment en 2025
Alors, concrètement, qu’est-ce qui fonctionne aujourd’hui ? J’ai passé des heures à éplucher les dernières méta-analyses et à discuter avec des tabacologues. Voici le classement honnête, sans langue de bois.
- La combinaison médicamenteuse + suivi psychologique
Varénicline ou bupropion + consultations régulières chez un tabacologue : c’est la rolls-royce du sevrage. Taux de succès à un an autour de 30-35 %. - Vapotage encadré avec objectif arrêt
En deuxième position, mais souvent plus acceptable socialement et moins cher. - Substituts nicotiniques bien dosés
PATCH 21 mg + gommes ou pastilles à la demande. Simple, remboursé, efficace. - Thérapie cognitivo-comportementale
Seule ou en complément, elle attaque les habitudes et les déclencheurs. - Hypnose, acupuncture, mindfulness
Ça marche très bien… chez ceux chez qui ça marche. Environ 15-20 % de succès, mais quand ça clique, c’est définitif.
Ce qui m’a marqué cette année, c’est l’explosion des applications et des programmes en ligne. Certaines sont franchement bien faites, avec coaching quotidien, communauté, défis… Et surtout, elles sont gratuites ou presque. Le Mois sans tabac propose d’ailleurs un kit ultra-complet cette année.
Et si on parlait des bénéfices qu’on oublie toujours ?
Évidemment, tout le monde connaît les grands classiques : poumons qui se réparent, risque d’infarctus qui chute, espérance de vie qui remonte. Mais il y a des petits bénéfices du quotidien qu’on ne mentionne jamais assez.
- Le goût et l’odorat qui reviennent en quinze jours (et là, surprise : le café et le vin n’ont plus jamais le même goût)
- La peau qui devient plus lumineuse dès le premier mois
- Le sommeil qui s’améliore (après la phase difficile des 3-4 premières nuits)
- Les dents qui jaunissent moins, l’haleine qui redevient normale
- Et surtout, cette sensation incroyable de liberté : ne plus dépendre d’un paquet, ne plus stresser quand il reste trois cigarettes pour le week-end
Financièrement, c’est presque indécent. Un paquet par jour à 12,50 euros, c’est 4 562 euros par an. En cinq ans, c’est une voiture neuve. En dix ans, c’est l’apport pour un appartement. Quand on pose les chiffres comme ça, ça fait réfléchir même les plus réfractaires.
Mon avis personnel après avoir accompagné plusieurs proches
J’ai vu des amis arrêter du jour au lendemain, d’autres mettre cinq tentatives avant d’y arriver. Ce que j’ai appris ? Il n’y a pas de méthode miracle, il y a votre méthode. Celle qui collera à votre personnalité, votre rythme, votre niveau de dépendance.
Le Mois sans tabac, finalement, c’est surtout une fenêtre. Un moment où la société entière vous pousse dans le dos en disant « vas-y, on est tous avec toi ». Et croyez-moi, ça change tout. Parce qu’arrêter seul dans son coin en janvier, sous la pluie, quand tout va mal, c’est l’enfer. Arrêter en novembre avec des milliers d’autres, des défis rigolos, des encouragements partout… c’est presque facile.
Alors oui, on fume encore trop en France. Mais chaque année, des centaines de milliers de personnes écrasent leur dernière cigarette grâce à ce mois de novembre un peu particulier. Et si c’était votre tour cette année ?
Parce qu’au fond, la question n’est pas de savoir si on fume moins collectivement. La seule question qui compte, c’est : et vous, quand est-ce que vous arrêtez ?
