Vous vous souvenez de cette histoire qui avait glacé le monde entier il y a plus de dix ans ? Deux gamines de 12 ans qui attirent leur meilleure amie dans un bois pour la poignarder dix-neuf fois. Tout ça pour prouver leur dévotion à un monstre imaginaire né sur Internet. On se disait que c’était le genre d’affaire qu’on ne verrait qu’une fois dans une vie. Et pourtant, elle revient nous hanter aujourd’hui, plus inquiétante que jamais.
Ce week-end, la nouvelle est tombée comme un couperet : l’une des deux adolescentes, devenue jeune femme, a purement et simplement disparu après avoir coupé son bracelet électronique. Les autorités la qualifient de « dangereuse ». Et quelque part, on sent que le cauchemar Slender Man n’est peut-être pas tout à fait terminé.
Une disparition qui ravive les pires souvenirs
Imaginez la scène. On est samedi soir, dans une petite ville tranquille du Wisconsin. Une alarme retentit quelque part dans un centre de surveillance pénitentiaire. Un signal GPS s’éteint brutalement. Quand les agents arrivent sur place, le foyer où résidait la jeune femme est vide. Le bracelet gît par terre, sectionné avec précision. Pas de trace d’effraction. Pas de témoins. Juste ce silence lourd qui tombe quand on comprend que quelque chose de grave vient de se produire.
La personne recherchée s’appelle Morgan Geyser. Elle a 23 ans aujourd’hui. Et si son nom vous dit quelque chose, c’est normal.
Retour sur l’affaire qui avait choqué l’Amérique
Mai 2014. Waukesha, banlieue paisible du Wisconsin. Trois petites filles de 12 ans terminent une soirée pyjama. Le lendemain, deux d’entre elles entraînent la troisième dans un bois sous prétexte de jouer à cache-cache. Ce qui suit est d’une violence difficilement imaginable.
Dix-neuf coups de couteau. Le ventre, le torse, les bras, le cou. La victime, Payton Leutner, rampe sur plusieurs mètres pour trouver de l’aide alors que ses « amies » s’éloignent tranquillement. Elle survivra par miracle. Ses deux agresseuses, elles, expliqueront calmement aux policiers qu’elles devaient tuer pour prouver leur loyauté à Slender Man, cette créature inventée cinq ans plus tôt sur un forum d’histoires d’horreur.
« On voulait devenir ses proxies. Il fallait sacrifier quelqu’un pour lui montrer qu’on était sérieuses. »
– Extrait des interrogatoires de 2014
À l’époque, l’affaire avait fait le tour du monde. On parlait de l’influence toxique d’Internet sur les enfants, des dangers des creepypastas, de la frontière floue entre imagination et folie. Les deux fillettes avaient été séparées, jugées, puis internées en hôpital psychiatrique.
Un long parcours judiciaire et psychiatrique
Morgan Geyser a plaidé coupable en 2018 pour tentative d’homicide volontaire au premier degré. Dans l’accord passé avec la justice, elle évitait la prison classique pour être placée dans un établissement psychiatrique sécurisé. Diagnostic : troubles schizophréniques précoces, délires, hallucinations. Certains experts parlaient même d’une forme de folie à deux avec son amie Anissa Weier.
- 2014 → 2017 : évaluations psychiatriques interminables
- 2018 : condamnation à une peine théorique de 40 ans… mais internement psychiatrique
- 2021 : premières demandes de libération conditionnelle refusées
- 2024 : première sortie autorisée sous très stricte surveillance
- 2025 : transfert dans un foyer de transition avec bracelet électronique
Cette année, après plus de dix ans d’internement, les psychiatres estimaient qu’elle ne représentait plus un danger imminent pour autrui. Qu’elle avait pris conscience de la réalité de ses actes. Qu’elle suivait un traitement lourd mais efficace. Bref, qu’elle pouvait réintégrer la société… très progressivement.
Et puis, ce samedi, tout a basculé.
Que s’est-il passé cette nuit-là ?
Officiellement, on ne sait presque rien. L’alerte n’a été donnée que dimanche matin, avec plusieurs heures de retard – un délai qui intrigue déjà pas mal de monde. Le bracelet a été sectionné proprement, ce qui suppose un outil adapté. Était-elle seule ? Quelqu’un l’a-t-il aidée ? A-t-elle tout planifié ? Autant de questions qui restent sans réponse.
Son avocat, lui, a pris les devants. Dans une vidéo postée sur les réseaux, il s’adresse directement à elle :
« Morgan, si tu vois ceci, il est dans ton intérêt de te rendre immédiatement. Continuer ainsi ne fera qu’empirer les choses. »
Ton grave, regard inquiet. Même lui semble dépassé par les événements.
Pourquoi parle-t-on encore de dangerosité ?
C’est la question qui revient le plus souvent. Dix ans de suivi psychiatrique, des rapports favorables, une libération encadrée… et d’un coup, on la présente comme un risque majeur. Alors, vrai danger ou réflexe sécuritaire ?
En réalité, les autorités n’ont pas le choix. Une personne condamnée pour un crime aussi médiatisé et violent qui viole les conditions de sa libération conditionnelle, ça déclenche automatiquement le niveau maximal d’alerte. Surtout quand elle a déjà tenté de tuer une fois sous l’emprise d’un délire.
Mais il y a autre chose. Certains psychiatres qui l’ont suivie ces dernières années parlent, sous couvert d’anonymat, d’une jeune femme toujours très fragile. Des moments de lucidité impressionnante, suivis de rechutes brutales. Des idées fixes qui reviennent parfois. Rien qui justifie un internement à vie, mais assez pour que l’on reste extrêmement prudent.
Et maintenant ?
À l’heure où j’écris ces lignes, les recherches battent leur plein dans tout le Wisconsin et les États voisins. Son visage tourne en boucle sur les chaînes locales. Les gens vérifient deux fois leurs portes le soir. On ressort les vieilles photos de l’époque, celles où on la voit menottée, cheveux noirs, regard vide, à peine 12 ans.
Beaucoup se demandent si elle va essayer de rejoindre Anissa Weier – l’autre protagoniste de l’affaire, libérée sous conditions elle aussi il y a quelques années et qui, pour l’instant, respecte scrupuleusement son suivi.
D’autres imaginent pire : et si le délire n’était pas complètement éteint ? Et si, quelque part, elle pensait encore devoir « terminer ce qu’elle avait commencé » ?
Je ne vais pas vous mentir : cette histoire me met particulièrement mal à l’aise. Parce qu’elle touche à tout ce qu’on préfère ignorer. La maladie mentale chez les très jeunes. L’influence d’Internet quand il tombe entre de mauvaises mains. La difficulté immense de réparer ce qui a été brisé. Et surtout, cette question lancinante : peut-on vraiment guérir de quelque chose d’aussi extrême ?
Pour l’instant, une seule chose est sûre. Quelque part dans le froid du Midwest, une jeune femme de 23 ans marche libre, sans attache, avec dans sa tête dix années de cauchemars, de traitements, de souvenirs qu’on préférerait tous oublier.
Et nous, on attend. On attend de savoir si cette histoire va se terminer par un retour volontaire, une arrestation musclée, ou quelque chose de bien plus sombre.
Parce que parfois, les monstres ne sont pas ceux qu’on croit.
(Article mis à jour au fur et à mesure des éléments nouveaux – affaire en cours)
