Il y a des matins où l’on préférerait ne jamais se réveiller.
Le 19 novembre dernier, vers 5 h 25, un automobiliste qui roulait sur une petite route près de Saint-Marcel-Bel-Accueil, dans le nord de l’Isère, a aperçu des flammes. Une voiture brûlait sur le bas-côté. À l’intérieur, le corps carbonisé d’une jeune femme de 27 ans. Très vite, on a identifié la victime : Zaïa, aide-soignante adorée dans l’Ehpad de Crémieu où elle travaillait depuis cinq ans. Ce matin-là, elle aurait dû prendre son service à 6 heures.
Personne n’imaginait que derrière ce drame se cachait autre chose qu’un terrible accident… ou, au pire, un geste désespéré. Et pourtant.
Une « surprise » qui a mal tourné
Quatre jours plus tard, le procureur de Grenoble annonce que l’homme avec qui Zaïa partageait sa vie depuis quelques mois a été mis en examen pour meurtre sur conjoint et écroué. Âgé de 39 ans, il a fini par reconnaître les faits après avoir d’abord nié.
Selon ses propres déclarations, tout aurait commencé par une idée qu’il pensait romantique : lui faire une surprise en venant la voir à l’improviste dans la nuit. Mais la rencontre a dégénéré. Une dispute. Des gestes qui partent trop loin. Une poussée. Zaïa chute violemment. Puis, panique ou calcul, il décide d’incendier la voiture avec elle à l’intérieur.
Quand j’ai lu ça, j’ai eu un frisson. Parce que cette histoire, on l’a déjà entendue cent fois, sous des formes à peine différentes. « Je voulais juste lui parler », « elle m’a provoqué », « je n’ai pas mesuré ma force »… Et à chaque fois, une femme n’est plus là pour raconter sa version.
Zaïa, ce « rayon de soleil » que tout le monde pleure
À l’Ehpad Jeanne de Chantal de Crémieu, le choc est immense. Zaïa, originaire de Gap, était arrivée en 2020. Rapidement, elle était devenue indispensable.
« C’était notre rayon de soleil. Toujours un sourire, toujours un mot gentil, même quand elle était épuisée. Les résidents l’adoraient. »
– Une collègue encore sous le choc
Des témoignages comme celui-ci, il y en a des dizaines. Sur les réseaux, dans la presse locale, dans les conversations de couloir. Une jeune femme lumineuse, dévouée, qui avait choisi un métier difficile par vocation. Et qui, en quelques minutes, a tout perdu à cause d’un homme qui disait l’aimer.
Un schéma tristement classique
Ce qui rend cette affaire particulièrement douloureuse, c’est sa banalité effrayante.
- Une relation récente (quelques mois seulement)
- Un homme plus âgé qui se montre attentionné, presque trop
- Des « surprises » qui cachent en réalité du contrôle
- Une dispute qui dégénère en quelques secondes
- Et une issue fatale
Combien de fois entend-on exactement le même scénario ? L’année dernière, en France, 118 femmes sont mortes sous les coups de leur conjoint ou ex-conjoint. Et derrière chaque chiffre, il y a une Zaïa. Une femme qui travaillait, qui souriait, qui croyait peut-être que ça pouvait s’arranger.
Ce qui me met particulièrement en colère, c’est cette idée de « surprise » transformée en alibi. Venir sans prévenir au milieu de la nuit, c’est rarement une preuve d’amour. C’est souvent une façon de vérifier, de surveiller, de marquer son territoire. Et quand la femme ose dire non, ou simplement exprimer sa fatigue, ça peut devenir le détonateur.
Les zones d’ombre qui restent
L’enquête est encore en cours, mais plusieurs questions brûlent déjà les lèvres.
Zaïa avait-elle déjà subi des violences ? Ses proches parlent d’une jeune femme discrète sur sa vie privée, mais rien n’avait filtré. Pas de main courante, pas de plainte. Comme tant d’autres victimes qui espèrent encore, qui minimisent, qui ont peur des conséquences.
Et puis il y a cette voiture incendiée. Un acte qui ne laisse aucune chance. Qui empêche toute expertise complète sur les causes exactes du décès. Une façon, peut-être, d’effacer les preuves d’une violence plus longue que ce que l’auteur veut bien reconnaître.
Pourquoi on en est toujours là en 2025 ?
Franchement, parfois je me demande si on avance vraiment.
On a le Grenelle des violences conjugales, les bracelets anti-rapprochement, les téléphones grave danger, les campagnes de sensibilisation… Et pourtant, on continue à retrouver des femmes mortes dans des parkings, des appartements, des voitures calcinées.
Peut-être parce qu’on traite encore trop souvent le problème comme une affaire privée. Comme si l’amour excusait tout. Comme si « la passion » pouvait expliquer qu’on en arrive à tuer celle qu’on prétend aimer.
« Ce n’est jamais de l’amour quand on tue. C’est de la possession, de la domination, de la haine. »
Et ce qui est terrifiant, c’est que l’auteur de ce crime n’avait pas de casier. Pas de signalements connus. Un homme « normal », disent certains. Ce qui prouve bien que le danger ne porte pas toujours un visage de monstre.
Ce qu’on peut retenir, tous
Cette histoire, elle nous concerne tous. Parce que Zaïa aurait pu être notre sœur, notre amie, notre collègue.
- Une « surprise » à 3 heures du matin, ce n’est pas romantique, c’est intrusif.
- Une dispute qui finit avec une femme par terre, ce n’est jamais « un accident ».
- Un feu allumé sur une voiture avec quelqu’un dedans, ce n’est pas de la panique, c’est un choix.
Et surtout : quand une femme dit qu’elle a peur, même si elle minimise juste après, il faut l’écouter. Vraiment.
Zaïa n’aura pas de deuxième chance. Mais peut-être que son histoire, aussi terrible soit-elle, pourra en sauver d’autres. Si on accepte enfin de voir la réalité en face : l’amour ne tue pas. Ceux qui tuent au nom de l’amour ne savent tout simplement pas aimer.
Repose en paix, Zaïa. Et merci pour tous les sourires que tu as offerts. Ils te survivront, eux.
(Article mis à jour le 23 novembre 2025 – l’enquête se poursuit)
