Il y a des transferts qui font rêver tout un club. Et puis il y a ceux qui, quelques mois plus tard, laissent un goût bizarre, comme un plat qu’on attendait exceptionnel et qui s’avère juste… correct. Moses Simon, c’est un peu ça aujourd’hui au Paris FC. Quand le promu a lâché 7 millions pour l’arracher à Nantes l’été dernier, on parlait d’un coup magistral. Un international nigérian expérimenté, rapide, technique, capable de faire basculer un match à lui tout seul. Presque six mois après, la question commence à trotter sérieusement dans les têtes : où est passé le Moses qu’on connaissait ?
Un recrutement qui avait tout du rêve éveillé
Remettons les choses en perspective. Le Paris FC monte en Ligue 1 avec l’ambition folle portée par la famille Arnault. Il faut frapper fort, montrer qu’on ne vient pas faire de la figuration. Nhoa Sangui arrive en premier, puis Moses Simon. 7 M€, contrat jusqu’en 2028, un joueur suivi par Everton et Fribourg avant ça. À 30 ans, il choisit Paris aussi pour lancer la procédure de naturalisation française. Sur le papier, c’est du lourd.
Et pourtant… Douze journées de championnat plus tard, le sentiment dominant est celui d’une occasion à moitié ratée. Pas catastrophique, attention. Juste… décevant. Comme quand tu attends le feu d’artifice du 14 juillet et qu’il pleut.
Les chiffres ne mentent pas… mais ne disent pas tout
Commençons par le plus simple : les stats. 3 buts, 2 passes décisives en 12 matchs de Ligue 1. Stéphane Gilli, l’entraîneur, parle même d’un rendement « correct ». Sur un plan purement comptable, difficile de lui donner tort. Moses n’a jamais été un tueur devant le but. Sa meilleure saison à Nantes ? 8 réalisations et 10 offrandes en 2024-2025. On est dans les clous, voire un peu au-dessus sur le ratio match/but.
Mais le football, ce n’est pas que des chiffres. Sinon on jouerait tous avec un tableur Excel. Et là, le constat est plus sévère.
« Il sort très rarement de son schéma »
Un proche du joueur ayant évolué avec lui à Nantes
Le syndrome du couloir gauche
Si vous avez regardé ne serait-ce que trois matchs du Paris FC cette saison, vous savez exactement ce que Moses Simon va faire quand il reçoit le ballon sur l’aile gauche. 9 fois sur 10 :
- Il fixe son vis-à-vis
- Il tente le dribble vers l’extérieur
- Il centre (souvent dans le dos ou sur le premier défenseur)
C’est devenu tellement prévisible que même les commentateurs le disent avant qu’il ne le fasse. Et ça, pour un ailier censé être explosif, c’est un problème majeur.
À Nantes, il repiquait parfois au pied droit, prenait la profondeur, créait vraiment le danger. Au Paris FC ? Quasiment jamais. Il reste scotché à sa ligne de touche comme s’il avait peur de l’herbe du couloir central. Résultat : les défenseurs adverses lisent ses intentions comme un livre ouvert.
Un rôle différent, une liberté… théorique
Stéphane Gilli le répète pourtant : Simon a la même liberté qu’Ilan Kebbal de l’autre côté. Kebbal, lui, se balade, vient dans l’axe, décroche, combine, fait jouer les autres. Moses ? Il reste sagement sur son côté, comme un bon élève qui ne veut pas dépasser les lignes.
J’ai revu plusieurs matchs. Le contraste est frappant. Là où Kebbal crée de l’incertitude permanente, Simon propose une certitude… pour l’adversaire. C’est presque comique parfois : tu vois le latéral droit adverse qui se décale déjà vers l’extérieur avant même que Moses ne reçoive le ballon.
« Moses doit changer son jeu car il est de moins en moins en jambes »
Un ancien coéquipier à Nantes
L’âge, le vrai sujet tabou ?
À 30 ans (bientôt 31), on ne va pas se mentir : la pointe de vitesse n’est plus tout à fait la même. Les données GPS du club montrent pourtant qu’il tient encore physiquement. Ce n’est pas une question de moteur. C’est une question de logiciel.
Moses a toujours été un joueur de gestes répétés à haute intensité. Quand la marge physique diminue, même légèrement, il faut compenser par plus d’intelligence, plus de variation. Et c’est exactement là qu’il bloque aujourd’hui.
Le précédent Antoine Kombouaré : la solution ?
Ceux qui ont connu Moses à Nantes sous Kombouaré se souviennent d’une période où il était utilisé différemment. Parfois en deuxième attaquant, libre de venir dans la surface avec ses crochets courts et sa vivacité dans les petits espaces. Résultat ? Plus de danger, plus de buts.
Le but victorieux à Monaco cette saison (1-0) est d’ailleurs venu exactement comme ça : une reprise dans la surface sur un centre. Pas un énième centre raté depuis le côté. Une action où il a enfin quitté son couloir.
Et si c’était ça, la clé ? Utiliser Moses plus haut, plus central par moments, là où ses qualités de finition dans les 16 mètres peuvent encore faire mal ?
Le match à Lille, tournant ou confirmation ?
Ce dimanche soir à 20h45, le Paris FC se déplace au Stade Pierre-Mauroy. Contre une équipe de Lille souvent haute et agressive, les espaces dans le dos pourraient exister. C’est le genre de match où un ailier rapide peut faire très mal… ou se faire bouffer s’il reste prévisible.
Stéphane Gilli l’a dit : il a eu des discussions franches avec son joueur. On sent que l’entraîneur croit encore à un déclic. Mais le temps presse. Quand tu es la recrue phare d’un promu ambitieux, tu n’as pas dix ans pour t’adapter.
Et si le problème était plus profond ?
Certains observateurs pointent aussi un aspect mental. Moses est décrit comme orgueilleux, presque trop sûr de son football. Peut-être qu’il pense que son jeu « à l’ancienne » suffit encore. Peut-être qu’il a du mal à accepter que, à 30 ans, il doit évoluer.
Le football moderne ne pardonne plus les joueurs qui répètent inlassablement le même geste, aussi bon soit-il. Regardez les meilleurs ailiers du monde aujourd’hui : Vinicius, Yamal, Doku, Leão… Tous ont plusieurs cordes à leur arc. Même un joueur comme Ousmane Dembélé, souvent critiqué pour son manque de variation, repique bien plus souvent que Moses cette saison.
Que faire maintenant ?
- Libérer Moses du couloir : L’utiliser plus souvent en deuxième attaquant ou en rotation avec Kebbal
- Travailler les appels croisés : Avec les pistons parisiens qui montent haut, créer plus de mouvement
- Insister sur les repiquages : Même s’il est moins fort du droit, forcer la variation
- Peut-être… le mettre en concurrence ? Un banc de touche de temps en temps peut faire réfléchir
Le Paris FC a investi gros sur Moses Simon. Le club ne peut pas se permettre de laisser cette recrue devenir un simple joueur correct dans un effectif qui vise bien plus. Le match à Lille peut être un déclencheur. Ou le début de la fin d’une belle histoire qui n’aura jamais vraiment commencé.
Une chose est sûre : le vrai Moses Simon, celui capable de faire lever un stade, il est toujours là quelque part. Reste à savoir s’il acceptera de sortir de sa zone de confort pour le prouver. Encore une fois.
