Imaginez la scène : vous êtes à Nice, un soir d’automne, sur la Prom’. La mer est calme, les palmiers frémissent doucement, et deux poids lourds de la politique locale se regardent en chiens de faïence. D’un côté l’expérience et l’institution, de l’autre l’ambition et la rupture. C’est exactement ce qui se prépare pour 2026.
Parce qu’à quinze mois du scrutin, la bataille pour la mairie de Nice prend déjà des allures de western. Et le dernier coup de théâtre vient d’Éric Ciotti, qui a décidé de jouer une carte pour le moins… surprenante.
Une liste « sans étiquette » mais avec le soutien du RN : le grand écart assumé
Il l’a répété plusieurs fois, presque comme un mantra : sa liste n’aura aucun logo politique sur les bulletins. Pas de flamme LR, pas de cocarde RN, rien. Juste le nom des candidats et, en tout petit, la mention du soutien du Rassemblement national.
Sur le papier, c’est osé. Dans une ville historiquement ancrée à droite, afficher ouvertement le RN aurait pu faire fuir une partie de l’électorat modéré. En même temps, cacher complètement ce soutien aurait été perçu comme une trahison par la base nationale-populiste. Ciotti choisit donc la voie médiane : on voit le soutien, mais on ne le voit pas trop.
« Ma liste n’aura pas d’étiquette politique. Sur les bulletins de vote, il n’y aura pas de logo de formation politique. Il y aura naturellement le soutien du Rassemblement national. »
Éric Ciotti, novembre 2025
En clair ? Il veut le beurre (l’électorat RN), l’argent du beurre (les voix des déçus de la droite classique) et le sourire de la crémière (les centristes et même… quelques électeurs de gauche).
Des personnalités de gauche sur la liste : vrai opening ou effet d’annonce ?
C’est peut-être la phrase qui a le plus fait réagir : Ciotti assure avoir déjà recueilli l’accord de personnalités venues de la gauche. On parle de policiers, de commissaires, de magistrats, de juristes – des profils techniques plus que des militants encartés, mais l’intention est claire : montrer que sa liste dépasse les clivages traditionnels.
Est-ce réaliste ? Franchement, dans le contexte actuel, oui. Beaucoup de fonctionnaires de police ou de magistrats, traditionnellement plutôt à gauche sur les questions sociales, sont aujourd’hui très critiques sur l’insécurité et l’immigration. Le discours sécuritaire de Ciotti peut parfaitement les séduire, même s’ils votaient PS ou EELV il y a dix ans.
Après, reste à voir les noms. Pour l’instant, on connaît surtout celui de Benoit Kandel, figure du RN local et ami personnel de Ciotti, qui aura « des fonctions très importantes ». Le reste ? Mystère. Mais l’effet d’annonce est déjà là.
Ciotti vs Estrosi : la guerre des ex-amis
On ne va pas se mentir : le vrai moteur de cette candidature, c’est la rivalité avec Christian Estrosi. Les deux hommes ont été proches, très proches même. Estrosi a été le mentor de Ciotti pendant des années. Et puis tout a basculé.
Aujourd’hui, Ciotti accuse le maire sortant d’avoir « profondément changé d’idéologie ». Traduction : Estrosi a rejoint Horizons, le parti d’Édouard Philippe, et s’est rapproché de Macron. Pour l’aile droite dure, c’est une trahison impardonable.
- Estrosi met en avant son bilan : sécurité (vidéoprotection massive), tourisme, tramway, propreté.
- Ciotti promet une « rupture démocratique » et critique une ville « livrée aux incivilités ».
Et le plus drôle ? Ciotti défie déjà Estrosi en duel télévisé. « Où il veut, quand il veut, dès demain matin », a-t-il lancé. Pour l’instant, le maire sortant n’a pas encore répondu. Mais on sent que ça l’agace.
Pourquoi cette stratégie peut marcher (ou complètement échouer)
Disons-le cash : à Nice, le RN fait des scores énormes aux élections nationales. Aux dernières européennes, il a frôlé les 30 %. Mais aux municipales, c’est une autre histoire. L’électorat niçois reste très attaché à la personnalité et au bilan local.
Estrosi, même critiqué, bénéficie d’une image de gestionnaire expérimenté. Il a transformé la ville (prom’, tram, coulées vertes) et incarne une forme de continuité rassurante pour les seniors et les classes moyennes supérieures.
Ciotti, lui, mise sur le ras-le-bol. Ras-le-bol de l’insécurité dans certains quartiers, ras-le-bol des incivilités, ras-le-bol d’une politique jugée trop « macron-compatible ». Sa liste sans étiquette est pensée pour capter à la fois les déçus d’Estrosi et ceux qui votent RN sans oser l’avouer en local.
| Atouts Ciotti | Atouts Estrosi |
| Soutien RN + image de rupture | Bilan concret et transformation de la ville |
| Discours sécuritaire très fort | Réseau et expérience institutionnelle |
| Liste « sans étiquette » séduisante | Image de modération et d’ouverture |
| Jeunesse relative (61 ans) | Ancrage local historique |
Le risque ? Que l’électorat perçoive la manœuvre comme trop artificielle. Une liste sans logo mais avec Kandel en numéro 2, ça peut passer pour de l’hypocrisie auprès des modérés.
Et les autres candidats dans tout ça ?
Parce qu’on parle beaucoup du duel Ciotti-Estrosi, mais il y aura d’autres listes. La gauche, fragmentée, tente de se reconstruire. Les écologistes rêvent de reproduire le scénario lyonnais ou bordelais. Et il y aura probablement une liste centriste ou macroniste dissidente.
Dans ce contexte, la stratégie de Ciotti est aussi de faire exploser le vote de droite pour éviter la triangulaire fatale. S’il arrive à fédérer toute la droite et l’extrême droite derrière lui, il peut créer la surprise au second tour.
Ce que cela dit de la droitisation de la vie politique française
Au-delà de Nice, cette candidature est un symptôme. On voit bien que les barrières entre droite républicaine et extrême droite s’effritent à vitesse grand V. Ciotti, ex-président des Républicains, assume désormais une alliance publique avec le RN. Et il n’est pas le seul.
À Nice, ville historiquement gaulliste et chiraquienne, voir l’héritier de la grande maison LR se présenter avec le soutien de Jordan Bardella, ça fait quand même quelque chose. C’est le signe que la droitisation de l’électorat conservateur est en marche, même dans les bastions historiques.
Et franchement ? Ça risque de faire école. D’autres barons locaux, dans le Var, le Vau Rhône, pourraient être tentés par la même stratégie : liste « citoyenne » en apparence, mais adoubée par le RN en coulisses.
Vers un duel au sommet en 2026
Tout ça nous promet une campagne électrique. Ciotti a déjà prévenu : il veut un débat avec Estrosi « dès demain matin ». Estrosi, lui, continue de labourer le terrain, inaugurations après inaugurations, en mode « moi je travaille, lui il parle ».
Mais une chose est sûre : Nice ne s’est jamais autant passionnée pour ses municipales depuis longtemps. Entre l’ancien mentor et l’ancien protégé, entre la continuité et la rupture, entre l’étiquette et le sans-étiquette, les Niçois vont avoir un vrai choix.
Et quelque part, c’est plutôt une bonne nouvelle pour la démocratie locale. Parce que quand deux visions s’affrontent aussi frontalement, les électeurs sont obligés de se poser les vraies questions.
Alors, 2026 à Nice : match retour Estrosi-Ciotti, acte II. Et cette fois, il n’y aura qu’un seul vainqueur.
Et vous, vous en pensez quoi ? Ciotti peut-il vraiment créer la surprise ? Ou Estrosi est-il trop solidement installé ? Dites-moi tout en commentaire, j’ai hâte de lire vos analyses !
