Franchement, quand on pense politique locale, on s’attend à des tracts, des embrassades sur les marchés, parfois quelques coups bas bien placés. Mais une guerre autour d’un restaurant rempli de cafards et de langoustines périmées ? Là, Nice nous offre du grand spectacle. Et croyez-moi, ça sent plus le roussi que la socca chaude.
Quand l’hygiène devient une arme électorale
Retour sur les faits, parce que l’histoire est tellement rocambolesque qu’on dirait un scénario refusé par les Guignols. Mi-novembre, un député connu pour ses positions très à droite prépare un « apéro de campagne » dans un petit resto du vieux Nice, histoire de réunir sympathisants et curieux autour d’un verre. Sauf que quelques heures avant l’événement, paf, fermeture administrative. Motif ? Hygiène déplorable.
Pour le principal intéressé, pas de doute : c’est un coup monté par la mairie sortante. Il le clame haut et fort devant ses militants, micro en main, avec ce ton un peu théâtral qu’on lui connaît. L’autre camp, lui, dégaine aussitôt le rapport d’inspection. Quarante-et-un points noirs. Oui, vous avez bien lu : 41. Autant dire que le resto en question n’était pas vraiment prêt à passer chez Top Chef.
Le rapport qui fait grincer des dents
On ouvre le document, et là, c’est la douche froide. Je vous fais grâce du détail intégral – votre estomac me remerciera – mais voilà les stars du casting :
- Fours et frigos dans un état lamentable, couverts de résidus anciens
- Présence avérée de cafards (plusieurs spécimens, pas juste un perdu)
- Moisissures sur les murs et les joints
- Viande hachée pour tartare conservée bien au-dessus des températures réglementaires
- Fruits de mer dont la date de péremption appartenait déjà au passé
Franchement, quand on voit ça, on se dit que la fermeture n’était peut-être pas une si mauvaise idée. Après tout, la santé publique, ça concerne tout le monde, même les militants politiques.
« Il y a des établissements qu’on laisse ouverts et celui-là, comme par hasard, ferme le jour où on devait s’y réunir. Drôle de coïncidence, non ? »
– Un élu convaincu d’un règlement de comptes
La riposte immédiate : plainte pour diffamation
De l’autre côté de la Promenade des Anglais, on ne rigole pas avec ces accusations. Le maire sortant, jamais le dernier pour dégainer quand son honneur est en jeu, annonce qu’il porte plainte. Motif ? Diffamation pure et simple. Selon lui, insinuer que la fermeture serait politique revient à salir le travail des services municipaux qui, eux, ne font qu’appliquer la loi.
Et pour appuyer ses dires, il évoque une vidéo envoyée par un simple citoyen. On n’en saura pas beaucoup plus pour l’instant, mais le message est clair : « On ne touche pas à la réputation de la ville. »
Entre nous, c’est presque comique. Deux poids lourds de la droite locale, qui ont partagé les mêmes bancs pendant des années, se déchirent aujourd’hui sur la propreté d’un resto. On est loin des grands débats d’idées.
Nice, une ville où tout devient politique
Mais soyons honnêtes : à Nice, c’est presque une tradition. Ici, la politique locale a toujours eu un goût de revanche personnelle. Depuis des décennies, les mêmes familles, les mêmes clans, les mêmes ego se disputent la plus belle ville de la Côte d’Azur. Et quand arrive l’échéance municipale, tous les coups – ou presque – sont permis.
Ce qui change cette fois, c’est la violence du divorce à droite. D’un côté, celui qui se revendique héritier du gaullisme pur et dur et qui n’hésite plus à tendre la main très à droite. De l’autre, celui qui a créé son propre parti pour rester dans le giron macroniste tout en gardant la mairie. Deux visions, deux ambitions, une seule ville.
Et au milieu, les Niçois. Eux qui doivent choisir en mars 2026 entre deux hommes qui, il y a encore quelques années, posaient ensemble sur les photos officielles.
L’hygiène, vrai problème ou prétexte commode ?
Maintenant, posons-nous la vraie question : est-ce que ce restaurant était vraiment dans un état aussi catastrophique, ou est-ce que le timing de l’inspection est, disons… opportun ? Parce que soyons réalistes : des restos avec des petits problèmes, il y en a probablement plus d’un sur la Riviera. Alors pourquoi celui-là, précisément ce jour-là ?
D’un côté, le rapport est là, détaillé, signé, avec photos à l’appui paraît-il. De l’autre, l’histoire d’une vidéo citoyenne qui tombe à pic et d’une inspection qui intervient pile au bon moment. Difficile de ne pas y voir, au minimum, une coïncidence heureuse pour le camp municipal.
Ce qui est certain, c’est que l’affaire a fait le tour de la ville en quelques heures. Les réseaux sociaux s’enflamment, les groupes WhatsApp des quartiers chauffent, et tout le monde y va de son commentaire. « Encore un coup tordu », disent les uns. « Enfin quelqu’un qui fait respecter les règles », répondent les autres.
Et les Niçois dans tout ça ?
Ce que cette histoire révèle surtout, c’est une forme de lassitude. Beaucoup de gens que je croise me disent la même chose : « On en a marre des querelles de personnes. Parlez-nous sécurité, tourisme, embouteillages, loyers hors de prix… mais laissez les cafards tranquilles ! »
Pourtant, c’est précisément parce que ces histoires font le buzz qu’elles occupent l’espace. Une fermeture administrative pour hygiène, ça aurait fait trois lignes dans le journal local il y a dix ans. Aujourd’hui, ça devient une affaire d’État version Riviera.
Et pendant ce temps, les vrais sujets – le logement, la mobilité, l’attractivité économique – passent un peu à la trappe. Dommage.
Vers une campagne 2026 explosive
Une chose est sûre : ce n’est que le début. À quatre mois du scrutin, les coups vont pleuvoir. On parle déjà de listes concurrentes à droite, de ralliements surprenants, d’anciens adjoints qui préparent leur revanche. Nice 2026 s’annonce comme un ring où tous les coups bas seront permis.
Et quelque part, c’est aussi ça la démocratie locale : passionnée, excessive, parfois ridicule. Mais vivante. Terriblement vivante.
Alors, complot ou simple application du règlement ? Franchement, je ne trancherai pas. Mais une chose est sûre : l’épisode du resto aux cafards restera dans les annales de la politique niçoise. Et qui sait, peut-être qu’un jour on en fera une comédie. Avec, pourquoi pas, une scène finale où les deux rivaux finissent par partager… une vraie salade niçoise. Mais propre, cette fois.
En attendant, les Niçois vont continuer à suivre cette série avec le même plaisir coupable qu’un feuilleton à l’eau de rose. Parce qu’à Nice, la politique, c’est avant tout du spectacle. Et ça, personne ne pourra leur enlever.
