Vous vous souvenez de votre premier vote aux municipales ? Moi oui. C’était en 1989, et dans ma petite ville de l’Oise, un jeune conseiller fraîchement élu s’appelait déjà Jean-François Dardenne. Trente-six ans plus tard, le même homme annonce qu’il raccroche l’écharpe. Franchement, ça fait quelque chose.
Nogent-sur-Oise, 20 000 habitants, coincée entre Creil et la vallée de l’Oise, n’est pas la commune la plus clinquante du département. Mais elle a toujours eu cette particularité : un maire qui dure longtemps. Très longtemps. Et quand il part, c’est tout un pan de l’histoire locale qui se tourne.
Un retrait qui n’a rien d’un coup de théâtre… ou presque
En réalité, la rumeur courait depuis des mois dans les cafés du centre-ville et les travées du marché. Les problèmes de santé de Jean-François Dardenne, même s’il n’en parle qu’à demi-mot, ont fini d’accélérer une réflexion entamée bien avant. À 70 ans passés, après trois mandats complets de maire et une présence ininterrompue au conseil depuis l’époque Mitterrand, l’homme a décidé de passer le relais.
Mais attention : il ne disparaît pas complètement. Il figurera sur la liste « Unis pour Nogent », sans étiquette partisane claire, mais en position non éligible. Un peu comme ces vieux généraux qui restent dans la tente pour conseiller le nouveau chef. Sauf que là, le nouveau chef, c’est Olivier Carré, actuel sixième adjoint.
« J’ai la conviction que monsieur Carré possède le potentiel pour être un maire à l’écoute de tous les Nogentais. Il l’a largement prouvé en tant qu’adjoint. »
Jean-François Dardenne, maire sortant
Olivier Carré, l’héritier qui sort de l’artillerie du « très Nogentais »
À 53 ans, directeur d’école élémentaire, ancien président du club de basket pendant quinze ans, ex-directeur de centre de loisirs… Olivier Carré coche toutes les cases du parfait enfant du pays. Il connaît les prénoms des gamins du quartier, les horaires des bus, et même l’état des terrains de sport après la pluie.
Son credo ? Rester proche des gens. Pas de grande théorie, mais du concret : améliorer le cadre de vie, renforcer l’école publique, dynamiser la vie associative. Des thèmes qui parlent à tout le monde ici, surtout après les années compliquées que la ville a traversées.
Petit coup de maître déjà : il a réussi à attirer Gillian Roux, conseillère départementale et figure de la droite locale, jusque-là dans l’opposition. Quand votre successeur désigné fait déjà l’union à droite et au centre avant même d’avoir déposé sa liste, c’est plutôt bon signe.
Cinq listes déjà déclarées : ça va cogner sec
Mais ne nous emballons pas. À Nogent, rien n’est jamais gagné d’avance. Déjà cinq candidatures officielles ou quasi-officielles sont sur les rails pour mars 2026 :
- Badia Zrari, ancienne adjointe au logement, partie en claquant la porte il y a quelques mois (sans étiquette mais plutôt centre-gauche)
- Loïc Pen, conseiller municipal communiste, fidèle à la ligne PCF
- Saran Diakité, pour La France Insoumise
- Djamel Benkherouf, ex-majorité passé dans l’opposition (sans étiquette)
- Et bien sûr la liste Carré, soutenue par Dardenne
Autant dire que le scrutin risque de se jouer à peu de voix. Dans une ville où l’abstention peut flirter avec les 60 %, chaque bulletin comptera double.
Le bilan Dardenne : entre fierté et zones d’ombre
Impossible de parler de cette succession sans revenir sur les dix-huit années de mandat du maire sortant. Parce que, soyons honnêtes, le bonhomme a marqué la ville de son empreinte.
Le quartier Montupet ? C’est lui. La rénovation urbaine massive dans les années 2010 ? Toujours lui. Des centaines de logements neufs, des équipements publics modernisés, une ville qui a changé de visage. Beaucoup de Nogentais reconnaissent encore aujourd’hui que « ça a bougé ».
Mais il y a eu aussi les moments très durs. Les émeutes de juin 2023 après la mort de Nahel ont laissé des traces : mairie incendiée, commerces saccagés, sentiment d’insécurité décuplé. Et puis cette garde à vue, fin 2024, dans une affaire d’enfouissement de déchets – même si rien n’a débouché pour l’instant.
Des épisodes qui pèsent encore dans les esprits et qui pourraient resurgir pendant la campagne. Parce que dans une petite ville, la mémoire est longue.
2026, l’année de tous les dangers pour le Bassin creillois ?
Nogent n’est pas seule. À Creil, à Montataire, à Villers-Saint-Paul, les sortants sont aussi sur le départ ou très fragilisés. On sent comme une vague de renouvellement dans tout l’agglomération.
Et puis il y a la question de l’intercommunalité. Avec la menace (réelle ou fantasmée) de fusion de certaines communautés de communes, les maires des petites villes jouent gros. Celui ou celle qui prendra Nogent en 2026 devra immédiatement peser dans les instances de l’agglo pour défendre les intérêts locaux.
Autant dire que le successeur de Dardenne n’aura pas six mois de rodage. Il faudra être prêt dès le premier jour.
Et nous, simples habitants, on en pense quoi ?
Franchement ? On est partagés. D’un côté, on a envie de tourner la page après presque quatre décennies du même homme (ou presque). De l’autre, on se demande si le prochain saura faire aussi bien – ou au moins éviter le pire.
Olivier Carré a l’air sincère, ancré, travailleur. Mais aura-t-il l’autorité et l’expérience pour gérer une ville aussi complexe que Nogent ? Les autres candidats, eux, promettent rupture et renouveau. Reste à voir s’ils auront les équipes et le projet pour convaincre.
Ce qui est sûr, c’est que les prochains mois vont être passionnants à suivre. Meetings, tracts dans les boîtes aux lettres, débats sur le marché… La politique locale va reprendre ses droits. Et quelque part, ça fait du bien de voir que, même dans une ville moyenne de l’Oise, la démocratie vit encore.
Alors, rendez-vous en mars 2026. D’ici là, on va bien observer tout ce petit monde. Et on vous racontera la suite, promis.
En attendant, une seule question nous taraude vraiment : est-ce qu’on est prêt à dire adieu à l’ère Dardenne ? Réponse dans moins de quatre mois.
