Imaginez-vous marcher tranquillement dans une rue de Marseille, le soleil tape fort, les odeurs de pastis flottent encore dans l’air… et soudain, une rafale de kalachnikov. En plein jour. Pour un règlement de comptes qui, cette fois, a touché la mauvaise personne. Mehdi Kessaci n’avait rien à voir avec les trafics, il était juste le frère d’un militant qui dérangeait trop. Et boum, la ville entière retient son souffle. C’est exactement ce qui s’est passé il y a une semaine, et ça a enfin fait bouger les choses tout en haut.
Quand on parle de narcotrafic en France, on pense souvent à des séries Netflix un peu exagérées. Sauf que là, on y est en plein dedans. Et l’État semble avoir compris, un peu tard peut-être, que la situation est hors contrôle.
Une visite qui ne devait rien au hasard
Jeudi dernier, deux poids lourds du gouvernement ont posé leurs valises à Marseille : le ministre de l’Intérieur et celui de la Justice. Réunion à huis clos avec tous les grands patrons de la police et de la magistrature locale. À la sortie, conférence de presse. Et là, le ton est monté d’un cran, voire de plusieurs.
Ce n’était pas une visite de courtoisie. C’était un électrochoc.
Le narcotrafic comparé… au terrorisme
La phrase a fait sursauter plus d’un journaliste : la menace du narcotrafic serait au moins équivalente à celle du terrorisme sur le sol français. Oui, vous avez bien lu. Le ministre de la Justice n’a pas hésité à balancer ça devant les caméras.
« Ce qui se passe touche au moins une dizaine d’autres départements, notamment dans le sud de la France. Cette criminalité tue énormément et représente une menace au moins équivalente à celle du terrorisme. »
Quand on sait le niveau de mobilisation et de moyens débloqués après chaque attentat, cette comparaison n’est pas anodine. Elle signifie une chose simple : on change d’échelle dans la réponse.
La DZ Mafia, ce géant aux pieds d’argile… mais encore debout
On entend ce nom partout depuis des mois : la DZ Mafia. Un réseau tentaculaire qui brasse, selon les estimations officielles, entre 5 et 6 milliards d’euros en cash. Autant dire une multinationale du crime.
Petit point positif tout de même : sur la trentaine de « patrons » identifiés, 27 seraient déjà derrière les barreaux. 21 d’entre eux croupissent même à la prison ultra-sécurisée de Vendin-le-Vieil, dans le Pas-de-Calais. Les autres vont rapidement suivre le même chemin, dans de nouveaux quartiers haute sécurité.
Mais attention, enfermer les chefs ne suffit pas. Tout le monde le sait : depuis leur cellule, beaucoup continuent de diriger leurs affaires comme si de rien n’était.
Le scandale des téléphones en prison
Et là, on touche le cœur du problème. Il y a deux jours à peine, une opération coup de poing aux Baumettes : 13 téléphones portables saisis dans seulement 11 cellules. Treize. Vous vous rendez compte ?
« Il faut nettoyer les prisons françaises et arrêter avec la naïveté », a tonné le ministre.
Objectif annoncé : zéro téléphone portable dans toutes les prisons de France. Plus facile à dire qu’à faire, mais l’intention est claire. Parce que tant que les narco-boss peuvent passer leurs appels et donner leurs ordres depuis l’intérieur, la lutte reste un combat à armes inégales.
Des renforts, encore des renforts
Promesse ferme : de nouveaux magistrats, de nouveaux greffiers, plus de moyens humains pour les enquêtes. Et surtout, Laurent Nuñez s’engage à revenir tous les mois à Marseille pour vérifier que tout cela est bien mis en musique.
Ce n’est pas juste du symbole. Quand un ministre de l’Intérieur dit qu’il va faire le déplacement chaque mois, ça veut dire que le dossier est désormais suivi au plus haut niveau, presque en temps réel.
- Renforts policiers déjà en cours depuis les opérations « place nette »
- Nouveaux juges et greffiers spécialisés
- Création de quartiers haute sécurité supplémentaires
- Visites mensuelles du ministre pour suivi opérationnel
La corruption, ce poison invisible
Autre sujet explosif abordé sans détour : la corruption. Une dizaine d’enquêtes seraient en cours contre des fonctionnaires ou agents qui auraient vendu des informations aux réseaux criminels.
Et là, le ministre n’y va pas avec le dos de la cuillère : il parle même de notabilités locales qui auraient fermé les yeux, voire pire, sur l’implantation de la mafia dans l’économie et la société marseillaise.
Des mots lourds. Parce qu’ils pointent du doigt une partie de la bourgeoisie locale, des entrepreneurs, des élus peut-être, qui ont profité ou laissé faire. C’est rare d’entendre ça aussi crûment.
Et les consommateurs dans tout ça ?
Il y a un passage qui m’a particulièrement marqué. Le ministre qui appelle chacun à « se réveiller ». Pas seulement l’État, pas seulement la police. Mais aussi les consommateurs.
Parce que oui, derrière chaque ligne de cocaïne sniffée dans une soirée chic ou chaque joint de résine fumé en bas d’immeuble, il y a du sang. Le sang des guetteurs de 14 ans, le sang des livreurs Uber qui se font flinguer pour un go-fast, le sang des innocents comme Mehdi Kessaci.
On a beau répéter que la drogue « douce » n’existe pas quand elle finance des kalachnikovs, il faut croire que le message a du mal à passer. Là, l’État le dit haut et fort : vous aussi, vous avez votre part de responsabilité.
Extraditions et diplomatie musclée
Autre front qui s’ouvre : l’international. Le ministre revenait tout juste des Émirats arabes unis où il est allé réclamer l’extradition d’une quinzaine de narcotrafiquants français qui se la coulent douce à Dubaï.
Parce que oui, une partie des gros bonnets a fui là-bas, villas avec vue sur la mer, comptes en banque bien garnis. Et jusqu’à présent, les extraditions étaient compliquées. Visiblement, ça bouge.
Alors, vrai tournant ou énième opération com’ ?
C’est la grande question que tout le monde se pose à Marseille, et ailleurs. On a déjà vu des plans Marshall, des opérations XXL, des discours enflammés. Et puis la routine reprend, les effectifs repartent, les moyens se diluent.
Cette fois, plusieurs éléments laissent penser que ça pourrait être différent :
- La comparaison directe avec le terrorisme (jamais entendue avant)
- L’engagement personnel mensuel d’un ministre
- La reconnaissance publique de la corruption interne
- La volonté affichée de couper les communications en prison
Mais soyons honnêtes : tant que la demande existe, tant que la cocaïne coule à flots dans les soirées parisiennes ou lyonnaises, tant que les ports d’Anvers et de Rotterdam déversent des tonnes de marchandise, la bataille sera rude.
Ce qui est sûr, c’est que l’assassinat de Mehdi Kessaci a agi comme un révélateur brutal. Un innocent touché en plein cœur de la ville. Ça, même les plus blasés ne peuvent plus l’ignorer.
La guerre est déclarée. Reste à savoir si cette fois, l’État a vraiment les moyens de la gagner. Ou s’il va, une fois de plus, courir derrière le problème au lieu de l’anticiper.
En attendant, à Marseille, on continue de regarder par-dessus son épaule en sortant dans la rue. Et ça, c’est peut-être le plus triste.
