Jeudi soir, à Porto, il a suffi de dix-neuf secondes. Dix-neuf toutes petites secondes pour que tout bascule encore une fois. Un dégagement anodin, une relance ratée, et déjà le ballon au fond des filets niçois. Ce n’est même plus une habitude, c’est une malédiction. Et quand on regarde le Gym en Europe ces dernières années, on se demande sérieusement si quelqu’un, quelque part, n’a pas marché sur un miroir en 2022.
Quand tout part en vrille dès le coup d’envoi
Reprenons calmement, si c’est encore possible. Nice se déplace au Dragão avec l’espoir – le dernier ? – de relancer une campagne européenne qui tourne au fiasco absolu. Trente-sixième et dernier de la phase de ligue, cinq défaites en cinq matchs, zéro point, zéro victoire depuis… mars 2023. Le chiffre fait mal : dix-sept matchs européens sans le moindre succès. Le Gym partage désormais avec Lille le record français le plus honteux dans les coupes d’Europe.
Et là, paf. 19e seconde. Gabri Veiga, ce gamin de 22 ans que tout le monde s’arrache, plante le premier but d’une frappe croisée. Bulka est battu, la défense regarde ailleurs, et on sent immédiatement que la soirée va être très longue. On a déjà vu ce film : ouverture du score après trois minutes à Istanbul, après deux minutes contre le Celta Vigo… À ce niveau-là, ce n’est plus de la fébrilité, c’est une pathologie.
« Prendre un but après une poignée de secondes, alors qu’on sait que la vigilance doit être maximale en Coupe d’Europe… »
Un entraîneur qui n’en peut plus de répéter la même chose
Les supporters ont dit stop à la mi-temps
Le moment le plus marquant de la soirée ? Sans doute pas le deuxième but, pourtant magnifique, de Veiga à la 33e. Non, le moment fort, c’est à la pause. Le parcage niçois se vide. Lentement d’abord, puis en masse. Les écharpes restent sur les sièges, quelques drapeaux tombent par terre. Direction les bars de la ville pour noyer le chagrin plus tôt que prévu.
On peut les comprendre. Quand vous faites 2 000 km pour voir votre équipe se prendre 2-0 en trente minutes sans le moindre tir cadré, il y a des limites à la passion. Ce n’est pas une grève de supporters, c’est juste du réalisme brut. À quoi bon rester siffler quand on sait que ça ne changera rien ?
- Ils ont vu leur équipe perdre ses cinq matchs de Ligue Europa
- Ils ont vu zéro tir cadré en 90 minutes à Porto
- Ils ont vu Dante se faire déposer sur le deuxième but comme un junior
- Ils ont vu Sofiane Diop vendanger une occasion en or à 1-0
À un moment, l’amour du maillot a ses limites.
Franck Haise, l’homme qui propose lui-même d’être sacrifié
Et puis il y a eu la conférence de presse d’après-match. D’habitude, on entend les classiques : « on va travailler », « il manque de la confiance », « on reste soudés ». Là, non. Franck Haise a été d’une franchise désarmante.
« Si je dois être le fusible et la solution, je suis prêt à l’accepter. »
Relisez bien. Ce n’est pas une phrase arrachée par un journaliste. C’est lui qui l’a proposée, spontanément. Il l’avait déjà fait après la claque contre Marseille (1-5) en proposant à ses dirigeants de le virer si ça pouvait servir d’électrochoc. Visiblement, la réponse a été non à l’époque. Elle l’est toujours aujourd’hui, paraît-il.
Mais franchement, combien de coaches font ça ? Proposer ouvertement leur tête pour sauver le groupe ? C’est rare. C’est classe. Et ça en dit long sur l’état d’esprit de l’homme : il est lucide, il souffre, mais il refuse de lâcher ses joueurs.
« Je ne démissionnerai pas. Je n’abandonnerai pas mes joueurs. »
Franck Haise, droit dans ses crampons
Un contrat jusqu’en 2029 qui pèse lourd
Alors pourquoi ne le vire-t-on pas, me direz-vous ? Il y a le côté humain, évidemment. Les dirigeants semblent encore croire en lui. Mais il y a aussi – et surtout – le côté financier. Quand vous prolongez votre coach jusqu’en 2029 au mois de septembre, vous savez que le faire sauter coûte une blinde. Plusieurs millions, même avec une négociation à la baisse.
Dans le foot moderne, c’est souvent l’argument qui fait pencher la balance. On garde un entraîneur tant que le chèque de licenciement fait plus mal que les mauvais résultats. Triste, mais réel.
Et maintenant ? Lorient, puis la trêve
Dimanche, direction Lorient. Un déplacement piégeux, face à une équipe qui joue sa survie. Trois défaites de suite en Ligue 1, la 11e place qui s’éloigne dangereusement… Si Nice perd encore, on entrera dans une zone de turbulences qu’on n’ose même pas imaginer.
Ensuite, il y aura la trêve. Le moment parfait pour un reset ? Ou pour un grand ménage ? Mercato d’hiver, staff, joueurs… tout semble sur la table. Parce que là, on ne parle plus de simple crise de résultats. On parle d’un projet qui patine sévère depuis des mois.
J’ai suivi Nice de près ces dernières saisons. Il y a eu des moments d’espoir, des recrues clinquantes, des discours ambitieux. Aujourd’hui, on a l’impression que le soufflé est retombé. Les joueurs semblent perdus, le coach est à bout de solutions, les supporters désabusés.
Le Gym a besoin d’un choc. D’un vrai. Reste à savoir qui va appuyer sur le bouton.
En attendant, une chose est sûre : cette campagne européenne 2025-2026 est déjà terminée pour Nice. Et elle laissera des traces. Longtemps.
