Quand on m’a annoncé que j’allais être papa pour la deuxième fois, j’ai immédiatement pensé aux nuits blanches, aux biberons à 3 h du matin… et surtout à ces précieuses semaines où l’on tente de tout gérer entre le boulot et la maison. À l’époque, les 28 jours de congé paternité m’avaient paru à la fois un cadeau immense et ridiculement courts. Alors quand j’ai lu qu’un tout nouveau congé de naissance allait voir le jour, je me suis dit : enfin, quelqu’un a compris que deux semaines ou un mois, ce n’est pas assez pour accueillir un enfant comme il mérite.
Et visiblement, je ne suis pas le seul à le penser.
Un congé tout neuf qui arrive (presque) plus tôt que prévu
Le principe est simple, presque trop beau pour être vrai : à partir du 1er janvier 2027, chaque parent pourra prendre jusqu’à deux mois supplémentaires dédiés à l’arrivée de l’enfant, en plus du congé maternité et du congé paternité/indemnité d’accompagnement déjà existants.
Oui, vous avez bien lu : deux mois par parent. Soit potentiellement quatre mois à la maison si les deux décident de les prendre à la suite. Ou deux mois en même temps pour vivre les premiers instants à deux. Ou encore un mois chacun, comme on veut. L’idée ? Donner enfin une vraie souplesse aux familles au moment où elles en ont le plus besoin.
« Donner plus de souplesse » : c’est exactement le mot qu’a employé la ministre déléguée chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes pour défendre le texte. Et franchement, on ne peut qu’approuver.
Pourquoi 2027 et pas tout de suite ?
À l’origine, le gouvernement voulait lancer la mesure dès juillet 2027. Les députés, plus pressés, ont voté pour janvier 2026. Finalement, le Sénat a tranché : ce sera 1er janvier 2027. Un compromis qui laisse le temps aux entreprises et à la Sécurité sociale de s’organiser, mais qui évite aussi de trop repousser une mesure attendue par beaucoup de futurs parents.
Entre nous, attendre encore un an et demi peut sembler long quand on sait que la natalité française continue de chuter. Mais mieux vaut une mesure bien ficelée qui démarre un peu plus tard qu’un lancement précipité qui tournerait au casse-tête administratif.
Ce que les sénateurs ont changé (et pourquoi ça compte)
Le texte initial des députés contenait une petite subtilité : au moins un mois du congé ne pouvait pas être pris en même temps par les deux parents. L’objectif ? Inciter les pères (ou le second parent) à passer du temps seul avec l’enfant, histoire de rééquilibrer un peu la charge mentale et émotionnelle qui pèse encore trop souvent sur les mères.
Le Sénat a purement et simplement supprimé cette obligation. Résultat : les parents pourront prendre leurs deux mois ensemble s’ils le souhaitent. Certains y voient un recul sur l’égalité. D’autres, dont la ministre, estiment que la priorité est d’aider les mamans en post-partum difficile, même si cela signifie que le papa reste à la maison en même temps.
« Il y a des moments où la mère a besoin d’être soutenue, entourée, et pas forcément d’être seule avec le bébé », a-t-on entendu dans l’hémicycle.
Une argumentation qui parle à tous ceux qui ont vécu un baby-blues ou une dépression post-partum.
Autre modification : le congé ne sera pas fractionnable. On le prend en continu ou pas du tout. Exit donc l’idée de poser une semaine par-ci par-là. Le législateur veut clairement privilégier un vrai temps long dédié à la famille.
Combien ça va rapporter (et est-ce que ça suffira ?)
Le montant exact sera fixé par décret, mais on sait déjà l’essentiel : environ 70 % du salaire net le premier mois, puis 60 % le second. C’est mieux que le congé parental actuel (environ 430 € par mois, quel que soit le salaire précédent), mais c’est aussi nettement moins que le congé maternité ou paternité classique, indemnisé à près de 100 % dans la limite du plafond sécu.
Pour les hauts salaires, la perte de revenu restera sensible. Et c’est là que le bât blesse : on sait que les hommes, qui gagnent encore en moyenne plus que les femmes, risquent d’hésiter à prendre ces deux mois si la facture est trop lourde.
- Pour un salaire net de 2 500 € → environ 1 750 € le 1er mois, puis 1 500 € le 2e
- Pour 4 000 € net → environ 2 400 € puis 2 100 € (plafonné)
- Pour un SMIC → quasiment pas de perte les premières semaines
Des voix se sont élevées au Sénat, y compris à gauche, pour demander une indemnisation plus généreuse, surtout pour les pères. Car si on veut vraiment changer les choses sur la répartition des tâches, il faut que ça soit financièrement viable pour tout le monde.
Et le congé parental, il disparaît ?
Non, pas du tout. Le congé parental classique (jusqu’aux 3 ans de l’enfant, avec environ 430 € par mois) reste bien en place. Le nouveau congé de naissance vient juste s’ajouter pour les tout premiers mois, là où les besoins sont les plus intenses.
On pourrait presque parler d’un « palier » :
- Congé maternité (16 semaines minimum) + congé paternité (25 jours + 3 jours naissance)
- Nouveau congé de naissance (jusqu’à 2 mois par parent)
- Congé parental longue durée ensuite si on le souhaite
Un arsenal jamais vu en France. Reste à savoir si ça suffira à inverser la courbe de la natalité.
Pourquoi maintenant ? Le spectre du « réarmement démographique »
Revenons un instant en arrière. Janvier 2024 : le président de la République parle de « réarmement démographique ». Le mot est martial, presque inquiétant. Derrière, une réalité brutale : la France enregistre son plus faible nombre de naissances depuis 1945. Moins de 700 000 bébés en 2023, contre plus d’un million dans les années 2000.
Les raisons ? Elles sont multiples : coût du logement, précarité des jeunes adultes, difficulté à concilier carrière et famille, peur de l’avenir climatique… Mais une chose est sûre : si on veut que les Français fassent (ou refassent) des enfants, il faut leur donner du temps. Du vrai temps.
Ce congé de naissance n’est qu’une pièce du puzzle, mais c’est peut-être la plus symbolique. Parce qu’il dit aux parents : « On vous fait confiance pour organiser votre vie comme vous l’entendez. On vous donne les moyens de vivre les premiers mois sans courir après le RER de 7 h 12. »
Ce que ça change vraiment dans la vie des familles
Imaginons un instant le scénario.
Vous venez d’avoir votre premier enfant. Maman a pris ses 16 semaines de maternité. Papa a posé ses 28 jours de paternité. Normalement, c’est déjà le retour au bureau, les yeux explosés et le cœur un peu serré.
Désormais, vous pouvez enchaîner avec deux mois à la maison. Ensemble ou en décalé. Vous apprenez à être parents à votre rythme. Vous dormez (un peu) quand bébé dort. Vous prenez des photos moches à 4 h du matin. Vous pleurez dans la cuisine parce que tout est trop intense. Et surtout, vous construisez ce lien à trois qui va durer toute la vie.
Et si c’est votre deuxième ou troisième ? Ces deux mois peuvent être salvateurs pour gérer la fratrie, éviter que l’aîné ne se sente trop délaissé, organiser la garde, respirer enfin.
« Le lien ne doit pas être uniquement entre la mère et l’enfant dans les deux premiers mois de la vie », a rappelé une sénatrice. Et elle a raison : ces semaines-là sont fondatrices pour tout le monde.
Les points qui restent en suspens
Tout n’est pas encore gravé dans le marbre.
- Le montant exact des indemnités (sera-t-il revalorisé d’ici 2027 ?)
- Les conditions pour les indépendants et fonctionnaires
- La possibilité ou non de reporter une partie du congé (interdit pour l’instant)
- Le sort des parents d’enfants adoptés (devraient être concernés aussi)
Mais globalement, le cadre est posé. Et il est plutôt ambitieux.
Et vous, vous en pensez quoi ?
Personnellement, je trouve que c’est une des rares mesures récentes qui fait vraiment sens dans la vie des gens. Pas de grandes phrases, pas de communication tape-à-l’œil : juste du concret. Du temps. De l’air.
Alors oui, il y aura des ajustements. Oui, ça coûtera cher (plusieurs milliards par an, selon les estimations). Mais investir dans les premières semaines de vie d’un enfant, c’est peut-être le placement le plus rentable qu’une société puisse faire.
2027, c’est demain. Et pour une fois, j’ai hâte.
Et vous, futurs ou jeunes parents, est-ce que ces deux mois supplémentaires changeraient vraiment la donne pour vous ? Dites-le moi en commentaire, j’ai vraiment envie de savoir.
