Vous est-il déjà arrivé de vous éloigner « juste cinq minutes » dans les bois et de réaliser soudain que plus rien ne vous semble familier ? Cette sensation de vertige, ce pincement au ventre quand les arbres se ressemblent tous… Moi, ça m’a traversé l’esprit plus d’une fois en cueillant des cèpes un matin d’octobre. Mais quand on a 82 ans, ce petit frisson peut très vite tourner au cauchemar.
C’est exactement ce qui s’est passé vendredi 21 novembre dans les collines escarpées de Saint-Ariès, dans le Vaucluse. Un grand-père et son fils partent comme souvent faire la récolte automnale. Rien d’extraordinaire. Sauf que l’octogénaire ne reviendra jamais au point de rendez-vous.
Quand une simple balade devient une course contre la montre
Il est un peu plus de 17 heures. Le jour décline vite en cette saison. Le fils attend, commence à s’inquiéter, appelle. Pas de réponse. Pas de réseau non plus, évidemment. À la campagne, c’est souvent le cas. Il alerte les gendarmes vers 18 heures. Et là, tout s’accélère.
Imaginez la scène : un terrain pentu, rocailleux, couvert de chênes et de buis. La température chute brutalement, le mistral souffle à plus de 70 km/h. En quelques heures, on passe de « balade sympa » à « situation critique ». Parce qu’à 82 ans, on n’a plus vingt ans pour résister au froid et à la fatigue.
« Sans téléphone et seul dans la colline avec la nuit qui tombe, la situation devient rapidement très préoccupante »
– Communiqué des forces de l’ordre
Le flair d’un chien plus efficace que n’importe quel GPS
Les gendarmes déploient immédiatement un dispositif important : équipes cynophiles, renforts à pied, drone thermique prêt à décoller. Mais c’est finalement un chien, un certain EOS, qui va faire toute la différence.
Le départ se fait depuis la voiture du disparu. L’animal marque très vite une piste. Trois kilomètres plus loin, il tombe sur le panier en osier, encore rempli de beaux spécimens. Le cœur des gendarmes se serre : l’homme a donc continué bien au-delà de ce qu’on imaginait.
Puis viennent les traces de sang. Pas énormément, mais assez pour comprendre qu’il s’est blessé. Branches, pierres tranchantes, chutes… Dans le noir, chaque pas devient dangereux. Le chien resserre la zone, infaillible.
Retrouvé à 22 heures : épuisé mais vivant
Quatre heures après le début des recherches, une lampe torche finit par éclairer une silhouette recroquevillée sur un chemin. L’octogénaire est là, assis, désorienté. Il tremble de froid. Légère hypothermie, égratignures partout sur les mains, les pieds, le visage. Mais il est vivant.
Franchement, quand on lit ce genre d’histoire, on se dit que ça tient du miracle. Un quart d’heure de plus dehors dans ces conditions, et l’issue aurait pu être dramatique.
Pourquoi les personnes âgées sont particulièrement vulnérables
À partir d’un certain âge, le corps ne régule plus aussi bien la température. Ce qu’un jeune de 30 ans supporte sans problème peut devenir mortel en quelques heures. Ajoutez à ça :
- Une vue qui baisse (difficile de repérer les balises)
- Une fatigue qui arrive plus vite
- Des médicaments qui parfois altèrent la vigilance
- Une tendance à minimiser le danger (« ça va aller, je connais le coin »)
Résultat ? Chaque année, des dizaines de cueilleurs ou randonneurs expérimentés pourtant finissent aux urgences… ou pire.
Les erreurs classiques (et comment les éviter)
Ce drame évité met en lumière des réflexes qu’on croit évidents, mais qu’on oublie souvent. Voici la check-list que je me répète désormais avant chaque sortie forêt :
- Téléphone chargé à 100 % + batterie externe
- Une appli GPS hors-ligne (type Maps.me ou ViewRanger)
- Une lampe frontale (même pour une sortie « d’une heure »)
- Vêtements chauds en plusieurs couches (le coupe-vent qui change tout)
- Dire à quelqu’un exactement où on va et à quelle heure on pense rentrer
- Une petite trousse de premiers secours + couverture de survie (ça tient dans une poche)
- De l’eau et un en-cas énergétique
Je sais, dit comme ça, on se sent un peu parano. Mais quand on voit le nombre de recherches déclenchées chaque automne pour des cueilleurs de champignons, on se dit que la parano, parfois, ça sauve des vies.
L’incroyable travail des chiens de recherche
On en parle peu, mais les chiens comme EOS sont de véritables athlètes. Formés pendant des mois, capables de suivre une odeur vieille de plusieurs heures malgré le vent, la pluie, les passages d’animaux sauvages. Leur taux de réussite frôle les 90 % dans certaines conditions.
Dans cette affaire, le panier abandonné a été le premier indice majeur. L’odeur humaine imprègne l’osier, le tissu, les champignons eux-mêmes. Ensuite les traces de sang ont agi comme un fil d’Ariane. Un duo flair + raisonnement humain qui reste imbattable.
Ce que cette histoire nous apprend sur notre rapport à la nature
On adore tous l’idée d’aller « se ressourcer » en forêt. L’odeur des pins, le bruit des feuilles, la satisfaction de remplir son panier. Mais la nature n’est pas un parc d’attractions. Elle reste sauvage, indifférente, parfois brutale.
Cet octogénaire a eu une chance folle. D’autres, avant lui, n’ont pas eu cette fin heureuse. Peut-être que son histoire servira à quelqu’un d’autre. Peut-être que vous, qui lisez ces lignes, vous penserez à prendre votre frontale la prochaine fois.
Parce qu’au fond, cueillir des champignons, c’est un plaisir simple. Il suffit juste de ne pas le transformer en jeu russe.
Prenez soin de vous là dehors. Et si vous croisez un jour un chien de gendarmerie avec son maître, pensez à les remercier. Ils sauvent plus de vies qu’on ne l’imagine.
