Imaginez un adolescent de 14 ans, perché derrière un orgue dans une église, jouant pour des enterrements afin de se faire un peu d’argent de poche. Drôle d’image, non ? C’est pourtant ainsi que commence l’histoire d’un homme dont la vie ressemble à un roman : Olivier Lejeune, 74 ans aujourd’hui, toujours aussi pétillant, toujours sur les planches. Sa carrière, un mélange explosif de théâtre, d’humour, de télévision et même de… parties de poker clandestines, est une ode à la créativité et à la passion. Alors, qui est vraiment cet artiste aux mille facettes ?
Un Parcours Éclectique, de l’Orgue au Théâtre
Olivier Lejeune, c’est d’abord un gamin de Neuilly qui, dès son plus jeune âge, montre une énergie débordante. À 14 ans, il joue de l’orgue à Saint-Pierre de Neuilly, glissant avec malice que les enterrements rapportaient plus que les mariages. Déjà, on sent l’esprit vif, l’humour qui pétille. Mais ce n’est pas tout : au lycée Pasteur, il crée un journal, Le Vilain Petit Canard, où il raconte les potins des élèves – flirts, soirées, petites tricheries – et le vend pour quelques centimes. Un entrepreneur né, doublé d’un conteur.
Son bureau à Boulogne-Billancourt, qu’il occupe depuis des décennies, est une caverne d’Ali Baba. Les murs, tapissés d’affiches de théâtre et d’articles encadrés, racontent un demi-siècle de carrière. Des pièces de boulevard aux classiques de Molière, en passant par des émissions télé culte, tout y est. Cet espace, à la fois refuge et musée, reflète un homme qui n’a jamais su dire non à un projet.
Des Débuts au Lycée aux Scènes Parisiennes
À 17 ans, Olivier Lejeune met en scène L’Apollon de Bellac de Jean Giraudoux dans le club théâtre de son lycée. Ses camarades ? Gérard Jugnot, Michel Blanc, Thierry Lhermitte, Christian Clavier… Oui, les futurs piliers du Splendid ! Ils lui proposent de les rejoindre pour créer un café-théâtre, mais Lejeune, poussé par son père haut fonctionnaire, choisit une autre voie : l’école de la rue Blanche, où il croise Isabelle Huppert ou Bernard Giraudeau. Un choix qu’il regrette à peine, avec un sourire en coin : “J’aurais peut-être eu une carrière différente…”
“Je revois Jugnot me dire : viens avec nous, on va faire un café-théâtre, qu’est-ce que tu vas te faire chier dans ces écoles nationales !”
– Olivier Lejeune, sur ses années lycée
Cette période marque le début d’une carrière où il jongle entre plusieurs casquettes : comédien, auteur, metteur en scène. Très vite, il écrit des sketchs pour la télévision, collaborant avec des géants comme Philippe Bouvard ou Guy Lux. Son premier 45 tours, Pot Pour Rire, est un carton avec plus de 2 millions d’exemplaires vendus. Un succès fulgurant pour un jeune homme d’à peine 23 ans.
Le Théâtre, une Passion Dévorante
Si Olivier Lejeune brille en télévision, c’est sur les planches qu’il s’épanouit pleinement. Sa première pièce, Tout bascule, créée en 2003, est un triomphe. Reprise cet été 2025 au théâtre Déjazet, elle met en scène un homme coincé entre sa future épouse et sa maîtresse – un classique du théâtre de boulevard, mais avec une touche unique. “J’ai toujours voulu écrire pour le théâtre, mais la télé m’a happé,” confie-t-il. Et pourtant, il n’a jamais lâché les planches.
Son répertoire est impressionnant. Il passe avec aisance des comédies légères comme Dévorez-moi ou Ma femme est folle aux classiques comme Le Misanthrope de Molière ou Le Mariage de Figaro de Beaumarchais. Cette polyvalence, rare dans le milieu, témoigne d’un amour profond pour le théâtre. “C’est là que je me sens vivant,” dit-il, les yeux brillants.
- Comédies à succès : Tout bascule, Presse pipole, Vacances de rêve.
- Classiques revisités : Molière, Beaumarchais, Giraudoux.
- Collaborations marquantes : Marthe Mercadier, Jean-Pierre Castaldi, Julie Arnold.
Mais ce qui frappe, c’est sa capacité à jongler entre les genres. Un jour, il incarne un jeune premier fantaisiste, le lendemain, il met en scène une pièce exigeante. Cette versatilité, il la doit à ses années de formation auprès de grands noms comme Jean Meyer, disciple de Louis Jouvet. “J’ai appris à ne pas me limiter,” explique-t-il. Une leçon qu’il applique encore aujourd’hui.
Une Vie Tumultueuse : le Jeu et les Excès
Si Olivier Lejeune est un homme de scène, il a aussi eu une vie hors norme en coulisses. Dans les années 70 et 80, il est rattrapé par une addiction au jeu. “J’ai perdu tout ce que j’avais gagné au casino,” avoue-t-il avec une franchise désarmante. Il va jusqu’à se déguiser pour contourner son interdiction de casino, piquant la carte d’identité d’amis. Une période sombre, où l’argent et la vie perdaient leur valeur face à l’adrénaline du jeu.
“J’étais malade, vraiment. La vie et l’argent n’avaient plus d’importance, il fallait que je joue, comme un drogué.”
– Olivier Lejeune, sur son addiction au jeu
Pour assouvir cette passion, il organise des soirées casino clandestines chez lui, rue Condorcet à Paris. “Tout le métier savait qu’il y avait un tripot clandestin chez moi,” rigole-t-il. Acteurs, chanteurs, figures du show-business se pressent autour de tables de blackjack et de baccara. “J’avais des jetons en nacre à mon nom,” se souvient-il, un brin nostalgique. Ces soirées, dignes d’un film, attirent même la Brigade des jeux, qui finit par lui taper sur les doigts.
| Période | Activité | Impact |
| Années 70-80 | Addiction au jeu | Pertes financières importantes |
| Début 80 | Soirées casino clandestines | Rassemblement du milieu artistique |
| Années 90 | Retour à l’écriture | Renouveau créatif |
Ce qui le sauve ? L’arrivée du premier ordinateur Apple 128K. “Écrire était comme un jeu, je pouvais manipuler les mots, ça m’a redonné le goût,” explique-t-il. Cette période marque un tournant : il se recentre sur l’écriture, tout en continuant à jouer sur scène. Mais l’épisode des casinos reste une facette fascinante de sa vie, un mélange de glamour et de chaos.
L’Homme aux Mille Talents
Olivier Lejeune, c’est aussi un touche-à-tout. En plus du théâtre, il a marqué la télévision française. Il crée des jeux télévisés, comme des mécanismes pour Intervilles, et écrit pour des émissions cultes comme Le Petit Théâtre de Bouvard ou Top Club. “J’étais un gros bosseur,” dit-il. Et ça se voit : il écrit des sketchs pour d’autres, joue, met en scène, tout en multipliant les projets personnels.
Il est aussi conférencier sur la mémoire – un sujet qu’il maîtrise, lui qui se vante d’une mémoire d’éléphant. “J’ai toujours aimé apprendre, comprendre, transmettre,” confie-t-il. Cette curiosité insatiable le pousse à explorer des domaines variés, du piano (il rêvait d’être chef d’orchestre) aux jeux de société, avec son Jeu du Président, un autre succès.
- Écriture télé : Sketchs pour Bouvard, Guy Lux, et La Classe.
- Création de jeux : Mécanismes pour Intervilles, Jeu du Président.
- Conférences : Interventions sur la mémoire et l’apprentissage.
Mais au fond, ce qui le définit, c’est sa passion pour les gens. “J’aime découvrir, échanger, comprendre,” dit-il. Cette curiosité, alliée à une énergie débordante, fait de lui un artiste complet, toujours en mouvement.
Une Vie Personnelle Haute en Couleur
Derrière l’artiste, il y a l’homme. Père de trois enfants, grand-père de six petits-enfants, Olivier Lejeune savoure son rôle de patriarche. “Réunir ma tribu, c’est ma joie,” confie-t-il. Mais il n’élude pas les zones d’ombre de sa vie privée. “J’ai pas toujours été fidèle,” admet-il avec un sourire. “À un moment, ma femme regardait mes affiches pour chercher le nom de ma maîtresse.” Une anecdote qu’il raconte avec légèreté, ajoutant : “L’adultère, à un certain âge, c’est un miracle.”
Sa vie amoureuse, comme sa carrière, est marquée par une certaine exubérance. Il évoque son amour de jeunesse pour Béatrice Agenin, qui l’a conduit à la rue Blanche, avant qu’elle ne le quitte pour un autre. “J’étais fou amoureux,” dit-il, sans amertume. Aujourd’hui, il semble apaisé, trouvant refuge dans son bateau à La Baule, “le seul endroit où je ne culpabilise pas de ne pas travailler.”
“La mer, c’est le seul endroit où je me sens libre, sans culpabilité.”
– Olivier Lejeune, sur son amour pour la mer
Un Regard sur l’Avenir
À 74 ans, Olivier Lejeune n’a aucune intention de ralentir. Il alterne entre quatre spectacles, dont Tout bascule et un seul en scène, Mieux vaut en rire. Il écrit aussi sa dixième pièce, avec la même fougue qu’à ses débuts. “Mon moteur, c’est la passion,” affirme-t-il. Et ça se sent : son enthousiasme est communicatif, son envie de créer intacte.
Pourtant, il a un regret : ne pas avoir réalisé une comédie au cinéma, comme certains de ses camarades du lycée Pasteur. “Mais pourquoi pas ? Ce n’est pas fini,” lance-t-il avec un clin d’œil. Cette phrase résume bien l’homme : un éternel optimiste, toujours prêt à relever un nouveau défi.
Ce qui rend Olivier Lejeune si fascinant, c’est sa capacité à transformer chaque expérience, même les plus tumultueuses, en une source de création. Du gamin qui jouait de l’orgue à l’artiste qui remplit les salles, il a su tracer un chemin unique, fait de rires, de risques et d’une passion sans faille pour le théâtre. Et si sa vie était une pièce, nul doute qu’elle serait un boulevard : pleine de rebondissements, d’humour et d’humanité.
Alors, la prochaine fois que vous passerez devant le théâtre Déjazet, pensez à cet homme qui, à 74 ans, continue de faire vibrer les planches. Et peut-être, en poussant la porte, découvrirez-vous une part de son univers, entre rires et confidences. Qu’en dites-vous, prêt à plonger dans l’aventure Lejeune ?
