Vous êtes-vous déjà demandé ce qui pousse une femme à repartir, à 26 ans, dans l’arène impitoyable des grands concours de beauté alors qu’elle a déjà frôlé la couronne deux fois ? Moi, oui. Surtout quand cette femme s’appelle Ophély Mézino et qu’elle porte sur ses épaules non seulement ses rêves personnels, mais toute la fierté d’une île souvent oubliée des projecteurs mondiaux : la Guadeloupe.
Ce vendredi 21 novembre 2025, quelque part en Thaïlande, 121 candidates défileront pour le titre de Miss Univers. Parmi elles, une jeune femme au sourire éclatant et au regard déterminé tentera l’impossible : devenir la première Guadeloupéenne à ramener cette couronne si convoitée. Et franchement, si quelqu’un peut y arriver, c’est bien elle.
Le grand retour d’une habituée des podiums
Reprenons depuis le début, parce que son parcours force le respect. À tout juste 19 ans, elle décroche l’écharpe de Miss Guadeloupe 2018. Quelques mois plus tard, elle monte sur la deuxième marche du podium de Miss France 2019, juste derrière Vaimalama Chaves. On se dit déjà : cette fille ira loin.
Et on n’avait pas tort. La même année, sous les couleurs de la France, elle devient première dauphine de Miss Monde 2019. Deux fois deuxième. Deux fois si proche du graal. Beaucoup auraient rangé les talons hauts et passé à autre chose. Pas elle.
Quand, quarante ans après la dernière participation de la Guadeloupe à Miss Univers, l’opportunité se présente enfin, son cerveau fait tilt. « C’était un déclic », confiera-t-elle plus tard. Ni une ni deux, elle dit oui. Direction la Thaïlande avec, dans ses valises, bien plus que des robes de soirée.
Une préparation digne d’un marathon
Imaginez le rythme. Atterrissage à 6 heures du matin à Bangkok, shooting sponsors à 9 heures. Entre deux essayages de maillots de bain et de talons de 12 centimètres, il faut sourire, apprendre les chorégraphies, répéter les discours, gérer le décalage horaire et rester fraîche comme une mangue tout juste cueillie.
Huit à dix valises – oui, vous avez bien lu – transportent le fameux « trousseau » : robe blanche, robe de soirée, costume national (un petit bijou qui rend hommage à la culture guadeloupéenne), sans parler des produits pour les cheveux crépus, des accessoires, des cadeaux pour les autres candidates… Un véritable déménagement.
« Il faut savoir kiffer dans la vie ! »
Ophély Mézino, avec ce sourire qui désarme
Cette phrase, elle la répète souvent. Et on comprend pourquoi. Quand on a déjà été si près du sommet, la peur de l’échec pourrait paralyser. Elle, elle choisit la légèreté. « Rien de ce que j’ai déjà obtenu ne sera remis en cause », explique-t-elle. Alors autant y aller à fond et profiter.
Plus qu’une candidate, une ambassadrice
Ce qui frappe le plus, au-delà de la beauté évidente, c’est la conscience aiguë de ce qu’elle représente. La Guadeloupe n’est pas qu’un décor de carte postale. C’est une culture riche, une histoire forte, des champions olympiques (salut Marie-José Pérec et Teddy Riner), une langue créole vibrante.
Sur place, elle passe son temps à expliquer où se trouve son île, ce qu’on y mange, comment on y danse. « Les gens découvrent », dit-elle, un peu amusée, un peu fière. Et ça, c’est déjà une victoire.
- Représenter un territoire ultramarin sur une scène mondiale
- Faire connaître la culture guadeloupéenne à 120 autres nations
- Prouver que la taille du pays n’a rien à voir avec la grandeur des rêves
Regardez les anciennes gagnantes : Danemark, Nicaragua, Finlande… Des « petits » pays qui ont su briller. Pourquoi pas nous ?
Des combats qui vont bien au-delà de la scène
Ophély Mézino ne se contente pas de défiler. Elle porte des messages. Deux, surtout, qui lui tiennent viscéralement à cœur.
D’abord, l’acceptation des cheveux crépus. Elle a décidé de les porter au naturel, sans lissage, sans complexe. « Si je peux aider ne serait-ce qu’une petite fille à aimer ses boucles, j’aurai gagné », confie-t-elle. Et quand on voit la façon dont les standards de beauté évoluent doucement dans ces concours, on se dit que oui, elle participe au changement.
Ensuite, la surdité. Fille de parents sourds, elle signe couramment et rêve d’un monde où la langue des signes serait aussi naturelle que l’anglais dans les aéroports. À chaque interview, elle glisse un mot, un geste, une explication. Petit à petit, elle sème.
« La victoire, ce n’est pas forcément la couronne. »
Cette phrase résume tout. Bien sûr qu’elle veut gagner. Qui ne voudrait pas ? Mais elle sait déjà que, quoi qu’il arrive vendredi soir, elle aura marqué des points pour des causes qui la dépassent.
L’esprit de sororité version XXL
Contrairement à ce qu’on pourrait imaginer, l’ambiance n’est pas que rivalité. Loin de là. Entre les candidates, c’est une véritable ruche solidaire. Un fer à lisser qui fait le tour des chambres, une fermeture éclair récalcitrante, un conseil pour la pose devant les photographes… Tout le monde s’entraide.
Elle partage sa chambre avec Miss République démocratique du Congo. Le courant est passé immédiatement. Le matin, elle prend le bus avec Eve Gilles, Miss France en titre. Elles rigolent, se soutiennent. Il y a même Miss Martinique et Miss Mayotte dans le coin. Les Antilles voyagent en escadron, et ça fait chaud au cœur.
Un incident récent avec Miss Mexique a d’ailleurs soudé tout le monde. Plutôt que de se déchirer, les candidates se sont retrouvées pour décompresser ensemble. Preuve que, derrière les strass, il y a de vraies femmes, sensibles et solidaires.
Et maintenant ?
Ce vendredi, tout peut arriver. Les bookmakers la placent dans le haut du panier, mais dans ces concours-là, rien n’est jamais joué d’avance. Une réponse en interview, un pas de travers en talons, un costume national qui marque les esprits… Tout compte.
Ce qui est sûr, c’est qu’Ophély Mézino ne repartira pas les mains vides. Elle aura montré qu’on peut venir d’une petite île et viser les étoiles. Qu’on peut être belle, intelligente, engagée, drôle et authentique en même temps. Qu’on peut transformer un « dernier concours » en tremplin plutôt qu’en baroud d’honneur.
Et quelque part, en Guadeloupe, des petites filles regardent déjà la télé avec des étoiles dans les yeux. Elles voient une grande sœur qui leur ressemble. Qui parle comme elles. Qui assume ses racines jusqu’au bout des ongles (même quand ils sont vernis pour la scène mondiale).
Alors couronne ou pas couronne, Ophély Mézino a déjà gagné quelque chose d’immense : elle a remis la Guadeloupe au centre de la carte. Et ça, personne ne pourra le lui enlever.
On croise les doigts pour vendredi. Mais surtout, on applaudit déjà le chemin parcouru. Parce que des femmes comme elle, on n’en croise pas tous les jours.
