Vous êtes-vous déjà demandé jusqu’où peut aller la confiance aveugle envers quelqu’un qui prétend vous guérir ? Pas seulement le corps, mais l’âme entière. Moi, je n’avais jamais vraiment réfléchi à ça… jusqu’à ce que je tombe sur cette histoire qui donne la chair de poule.
Un ostéopathe de 63 ans va bientôt s’asseoir sur le banc du tribunal correctionnel de Paris. Cinquante-et-une personnes disent avoir été vidées de leurs économies, parfois jusqu’à la ruine totale, par un homme qu’elles appelaient « maître » et qui promettait des soins miraculeux. Le chiffre fait tourner la tête : plus de treize millions d’euros auraient disparu dans cette spirale.
Une emprise qui ne ressemble à aucune autre
Ce n’est pas une affaire classique d’escroquerie avec des faux mails ou des appels téléphoniques. Ici, tout repose sur la relation thérapeutique. Le patient arrive souvent pour un mal de dos ou une migraine chronique. Il repart convaincu qu’il a rencontré un être d’exception, presque divin.
Puis, petit à petit, les séances deviennent plus fréquentes, plus longues, plus chères. On passe des manipulations classiques aux « soins énergétiques » à distance. Et là, c’est le début de la chute.
Comment on bascule dans la dépendance
Les victimes décrivent la même mécanique, presque au mot près. Au début, c’est l’émerveillement : « J’ai senti une chaleur incroyable », « Il a vu des choses de mon passé que personne ne connaît ». Ensuite vient la peur de perdre ce lien unique. Et enfin, l’idée que sans lui, tout va s’effondrer.
« Il disait que si j’arrêtais les soins, mes énergies allaient se retourner contre moi et que je risquais le pire. J’ai eu tellement peur que j’ai vendu l’appartement de ma mère décédée pour continuer à payer. »
– Une victime citée dans le dossier
Ce genre de témoignage, il y en a des dizaines. Des cadres supérieurs, des retraités aisés, des artistes… Aucun profil-type. Juste des gens qui, à un moment, ont eu besoin de croire en quelque chose de plus grand qu’eux.
Les techniques d’un gourou moderne
Ce qui frappe, c’est la sophistication du système. On est loin du charlatan de foire. L’homme se présentait comme ostéopathe diplômé (ce qu’il était), parlait de François Mitterrand comme d’un ancien patient célèbre, affichait des photos avec des personnalités. Tout ça pour asseoir une légitimité.
- Séances physiques classiques au départ (80-120 €)
- Introduction progressive des « soins à distance » (plusieurs centaines d’euros la minute parfois)
- Création d’une dépendance émotionnelle forte (« vous êtes ma famille spirituelle »)
- Mise en place de groupes de patients qui se surveillent entre eux
- Menaces voilées si on envisage d’arrêter
Et le pire ? Beaucoup continuent encore aujourd’hui à le défendre. Même ruinés. Même après avoir porté plainte. C’est ça qui glace le sang : l’emprise persiste bien au-delà de l’argent.
13 millions d’euros : d’où vient ce chiffre hallucinant ?
L’addition fait mal. Treize millions, ce n’est pas une estimation au doigt mouillé. Ce sont des virements bancaires, des chèques, des ventes immobilières, des emprunts contractés pour pouvoir continuer à payer.
Certains patients versaient 10 000 € par mois. D’autres 500 € par semaine pour des « soins énergétiques » par téléphone. Une femme a vendu sa maison de famille. Un homme a liquidé son assurance-vie. Une autre a contracté un crédit à la consommation à 12 % pour « sauver son karma ».
Et pendant ce temps, l’ostéopathe vivait dans le luxe, encaissait du cash, déclarait très peu aux impôts. D’où les chefs supplémentaires : blanchiment, exercice illégal de la médecine, fraude fiscale à hauteur de plus de quatre millions d’euros.
L’enquête : cinq ans pour démêler l’écheveau
L’affaire a éclaté en 2018 après plusieurs signalements. Les enquêteurs ont découvert des carnets, des enregistrements, des milliers de messages. L’ordonnance de renvoi fait 295 pages. Autant dire que le dossier est massif.
Ce qui ressort surtout, c’est la vulnérabilité des victimes au moment où elles ont croisé sa route. Cancer, deuil, séparation, burn-out… Des moments où on cherche désespérément du sens et du soulagement.
« Il sentait immédiatement la faille. Et il s’y engouffrait avec une douceur terrifiante. »
– Un proche d’une victime
Pourquoi c’est une affaire emblématique
Parce qu’elle touche à quelque chose de profond dans notre société : la frontière de plus en plus floue entre médecine conventionnelle et thérapies alternatives. L’explosion des « soins énergétiques », du reiki, de la sophrologie, du chamanisme urbain… Tout ça dans un contexte où la Sécurité sociale rembourse de moins en moins et où on souffre souvent en silence.
Et puis il y a cette question qui dérange : comment des gens intelligents, éduqués, ont pu se laisser dépouiller pendant des années sans réagir ? La réponse n’est pas dans leur faiblesse. Elle est dans la puissance de la manipulation quand elle s’appuie sur le désespoir et l’espoir mêlés.
Ce que le procès va devoir trancher
Le débat juridique s’annonce passionnant. L’accusation parle d’abus de faiblesse en bande organisée, un chef particulièrement lourd. La défense, elle, plaide la liberté thérapeutique et l’absence d’état de sujétion prouvé.
Mais au-delà du cas individuel, c’est tout le cadre des pratiques non conventionnelles qui risque d’être interrogé. Faut-il mieux encadrer les « guérisseurs » ? Imposer des formations ? Créer un ordre professionnel ? Les questions sont nombreuses.
Et nous, comment se protéger ?
Franchement, je me le demande aussi. Parce que personne n’est à l’abri. On a tous nos moments de fragilité. Voici ce que j’ai retenu de cette histoire (et de quelques autres similaires) :
- Méfiez-vous des praticiens qui vous isolent de votre entourage
- Un vrai thérapeute ne vous demande jamais de couper les ponts avec vos proches
- Les promesses de guérison totale et rapide, c’est toujours suspect
- L’argent doit rester proportionné au service rendu
- Si on vous parle de « dons exceptionnels » ou de « mission divine », allumez le gyrophare
Et surtout : parlez-en autour de vous. L’emprise se nourrit du silence.
Cette affaire n’est pas qu’un fait divers sordide. C’est un miroir tendu vers nos failles collectives. Vers cette soif de sens qui peut nous faire basculer dans les bras du premier sauveur venu. Et ça, ça fait réfléchir longtemps après avoir fermé le dossier.
Le procès débutera dans quelques mois. Cinquante-et-une vies brisées seront dans la salle. Et peut-être que, quelque part, ça évitera à d’autres de tomber dans le même piège.
Parce qu’en fin de compte, le vrai soin, c’est peut-être d’apprendre à ne plus avoir besoin d’un maître.
