Imaginez-vous en train de promener le chien un dimanche matin, dans ce grand parc où les gamins courent après un ballon en plastique et où les joggeurs slaloment entre les arbres. Et d’un seul coup, paf, une clôture. Des pelouses ultra-tondues, des projecteurs, des buts aux filets neufs. C’est exactement ce qui risque d’arriver au parc du Grand-Godet, coincé entre Orly et Villeneuve-le-Roi. Le Paris FC vient de décrocher le droit d’y poser ses valises pour dix ans renouvelables. Et franchement, ça passe mal.
Je ne suis pas du genre à hurler au loup à chaque projet sportif, loin de là. Le foot, c’est aussi une passion populaire, un ascenseur social, une fierté locale. Mais là, quand on touche à l’un des derniers grands poumons verts du coin, forcément, ça coince.
Un projet qui tombe comme un coup de massue
Il y a quelques jours à peine, la convention a été signée. Dix années (reconductibles deux fois) d’occupation d’une partie du domaine public. Côté Paris FC, on jubile : cinq terrains supplémentaires, deux centres de formation, bref, la possibilité de passer vraiment pro et de viser plus haut que la Ligue 2. Côté département, on brandit l’argument de « l’opportunité pour le territoire ».
Mais pour les habitants qui arpentent le parc depuis des années, c’est la douche froide. Le Grand-Godet, ce n’est pas juste un terrain vague. C’est 22 hectares où l’on respire enfin, où les ados font du skate, où les familles pique-niquent dès les premiers rayons. Et une partie de tout ça va disparaître derrière des grillages.
Les promesses de compensation : ça suffira ?
Pour faire passer la pilule, le club met la main à la poche. Deux nouveaux parcs doivent voir le jour : 4 hectares à Orly, 9 hectares à Villeneuve-le-Roi. Sur le papier, c’est joli. En vrai ? Beaucoup doutent.
- Les nouveaux espaces seront-ils aussi accessibles que l’actuel ?
- Vont-ils vraiment compenser la perte en surface immédiate et en qualité ?
- Et surtout, qui paiera l’entretien sur le long terme ?
Parce qu’on l’a vu ailleurs : un parc promis, c’est bien. Un parc livré, entretenu, vivant, c’est une autre paire de manches.
« On nous parle de compensation, mais on nous enlève déjà quelque chose qu’on a. C’est comme si on vous prenait votre salon pour vous promettre une véranda… dans cinq ans, peut-être. »
Un riverain croisé lors d’une balade dominicale
Le club sort les bons sentiments (et les places gratuites)
Le Paris FC a sorti l’artillerie douce : places offertes pour les matchs, ouverture exceptionnelle des entraînements aux gamins du coin, coups de pouce aux clubs amateurs locaux. Sympa, non ? Sauf que pour beaucoup, ça ressemble furieusement à un pansement sur une jambe de bois.
Oui, voir un gamin de Villeneuve-le-Roi taper le ballon avec les pros, c’est génial. Mais est-ce que ça remplace le droit de tout le monde à un espace vert gratuit, ouvert 365 jours par an ? Clairement pas.
Les opposants passent à l’offensive juridique
Et là, ça devient intéressant. Les collectifs et certains élus n’ont pas l’intention de baisser les bras. Daniel Guérin, figure de l’opposition départementale, l’a annoncé sans détour : des recours vont pleuvoir. Annulation de la convention, référé suspension, tout y passera.
Leur argumentaire ? Solide. Atteinte au domaine public, manque de concertation réelle, compensation insuffisante, impact environnemental sous-estimé… Il y a de quoi faire.
- Le parc est classé espace naturel sensible sur certaines parties
- La faune et la flore locales risquent de morfler sévère
- Le bruit et la circulation vont exploser aux heures d’entraînement
- Et surtout : était-il vraiment obligatoire de toucher à cet espace-là ?
Parce que des terrains, il y en a ailleurs. Des friches industrielles autour de l’aéroport, des zones moins sensibles. Pourquoi avoir jeté son dévolu sur le seul grand parc du secteur ? La question mérite d’être posée. Et reposée. Encore et encore.
Un débat qui dépasse le simple foot
Ce qui se joue ici, c’est plus grand que le Paris FC ou que quelques hectares de pelouse. C’est la question de l’équilibre entre développement sportif (légitime) et préservation des rares espaces de respiration en banlieue sud.
On construit déjà à tour de bras autour d’Orly : entrepôts logistiques, data centers, futures fermes aquaponiques… Faut-il vraiment sacrifier le dernier grand parc naturel du coin pour faire plaisir à un club de foot ? Même si ce club est sympa et promet de faire briller le 94 ?
Je pose la question sans cynisme. Parce que moi le premier, j’aimerais voir le Paris FC en Ligue 1. Mais pas à n’importe quel prix. Surtout pas au prix d’un espace que les gens utilisent tous les jours, par tous les temps, sans payer un centime.
Et maintenant, qui va gagner ?
Difficile à dire. D’un côté, le département a validé. La convention est signée. Les pelleteuses peuvent théoriquement arriver vite.
De l’autre, les opposants ont des arguments juridiques solides et une détermination en béton armé. Et quand un référé suspension passe, ça peut bloquer un projet des années. Souvenez-vous du stade de tennis à la Porte d’Auteuil ou de certains projets immobiliers retoqués pour vice de procédure.
En attendant, les habitants continuent de profiter du parc. Tant qu’il est encore là. Tant qu’on peut encore y marcher sans tomber sur un gardien en survêt’ qui vous demande de libérer le terrain d’entraînement.
« Le feuilleton n’est pas terminé. Loin de là. »
La phrase qui résume tout, entendue dans la bouche de plusieurs opposants
Et quelque part, c’est peut-être ça le plus beau dans cette histoire. Des gens ordinaires qui se battent pour un bout de nature. Pas pour l’argent, pas pour la gloire. Juste pour pouvoir continuer à respirer.
Alors oui, le Paris FC mérite de grandir. Mais pas en écrasant ce qui fait déjà la richesse du territoire : ses habitants et leurs espaces de vie. Trouvons une autre solution. Il y en a forcément une. Et si ce bras de fer peut aboutir à un compromis intelligent, alors tout le monde aura gagné.
Sinon ? Les tribunaux trancheront. Et le Grand-Godet restera encore longtemps au cœur des conversations. Promis.
(Article mis à jour le 12 décembre 2025 – l’affaire est en cours, les recours sont en préparation)
