Imaginez la scène : un homme condamné pour des faits gravissimes liés au narcotrafic, placé dans l’un des quartiers les plus sécurisés de France, reçoit l’autorisation de quitter sa cellule pour une journée entière. Pas d’escorte, juste un aller-retour en voiture avec son épouse. On est en 2025 et, oui, ça vient vraiment de se produire. Cette histoire a mis le feu aux poudres et poussé le ministre de la Justice à promettre, dès le lendemain, une refonte complète des règles d’application des peines pour les criminels organisés.
Franchement, quand on entend ça, on se demande si la justice n’a pas parfois un train de retard sur la réalité du terrain. Et pourtant, tout est parfaitement légal… pour l’instant.
Une permission qui passe mal, très mal
Dans la prison de Vendin-le-Vieil, dans le Pas-de-Calais, il existe depuis peu un quartier de lutte contre la criminalité organisée, le fameux QLCO. C’est là qu’on enferme les profils les plus lourds du narcotrafic français : ceux qui commanditent, qui structurent, qui font trembler des villes entières. L’idée était claire : les isoler, les couper de leurs réseaux, leur rendre la vie impossible en détention.
Et puis arrive cette décision : un juge de l’application des peines accorde à l’un d’eux une permission de sortir « employeur ». Le détenu doit se rendre dans la région lyonnaise pour des démarches professionnelles. Sa femme vient le chercher le matin, ils font l’aller-retour dans la journée, il rentre le soir à 21 heures tapantes. Sans gendarmes, sans bracelet électronique renforcé, sans rien. Juste la promesse qu’il reviendra.
Autant dire que les surveillants pénitentiaires ont vu rouge. Le procureur aussi avait dit non. Le directeur de la prison également. Tout le monde criait au danger… sauf le juge, puis la chambre d’application des peines qui a confirmé la décision en appel.
Ces profils particulièrement structurés et dangereux exigent des outils juridiques différents et une vigilance toute particulière.
Gérald Darmanin, ministre de la Justice – 23 novembre 2025
Pourquoi une telle permission est-elle possible en 2025 ?
En droit français, la permission de sortir est un outil ancien, pensé à l’origine pour favoriser la réinsertion. L’idée est simple : même un condamné doit pouvoir préparer sa sortie, maintenir des liens familiaux, chercher du travail, passer des entretiens. C’est écrit noir sur blanc dans le Code de procédure pénale.
Mais voilà, ce dispositif date d’une époque où le crime organisé n’avait pas le visage qu’on lui connaît aujourd’hui. À l’heure des go-fast, des règlements de comptes filmés et des narco-états qui s’installent dans certains quartiers, appliquer les mêmes règles à tout le monde paraît de plus en plus décalé.
- Le détenu doit justifier d’un motif sérieux (emploi, santé, famille)
- Il doit présenter des garanties de représentation (retour en prison)
- Il ne doit pas troubler l’ordre public
- La victime doit être protégée (interdiction de contact, etc.)
Sur le papier, tout était donc réuni dans ce dossier. Sauf que, dans la vraie vie, quand on sait de quels réseaux on parle, on a du mal à y croire.
Darmanin dégaine déjà la réponse législative
Moins de 24 heures après la révélation de l’affaire, le garde des Sceaux sort du bois. Sur les réseaux, il tape fort : il faut un droit spécifique pour les narcotrafiquants les plus dangereux, comme il en existe déjà un pour les terroristes.
Concrètement, il veut :
- Des juges de l’application des peines spécialisés, qui connaissent parfaitement les profils « narco »
- Des critères beaucoup plus stricts pour accorder la moindre sortie
- Des quartiers encore plus hermétiques, avec un régime d’exécution de peine adapté
- Une quasi-interdiction des permissions pour les têtes de réseau
Et il ne veut pas attendre : tout cela sera dans le prochain texte de loi, promis pour « début d’année prochaine ».
Un précédent qui existe déjà… pour les terroristes
Ce n’est pas une idée sortie de nulle part. Depuis les attentats de 2015, la France a créé un régime dérogatoire pour les détenus terroristes : suivi individualisé, évaluation tous les trois mois, quasi-impossibilité de bénéficier d’aménagements de peine tant que la dangerosité est avérée. Résultat ? Très peu de sorties, et quand il y en a, c’est sous haute surveillance.
Ce que demande Darmanin, c’est simplement d’étendre ce modèle au narcotrafic de haut vol. Parce que, dit-il, ces criminels-là sont aussi organisés, aussi déterminés, et parfois aussi mortels que les djihadistes.
Moderniser et consolider les règles encadrant l’exécution des peines pour les criminels les plus dangereux.
Extrait du communiqué ministériel
Les surveillants pénitentiaires entre colère et peur
Sur le terrain, l’ambiance est électrique. Les syndicats parlent d’une décision « incompréhensible » et « dangereuse ». Certains surveillants avouent tout bas qu’ils ont peur : peur que le détenu ne revienne pas, peur qu’il profite de la sortie pour réactiver son réseau, peur surtout qu’un drame arrive et qu’on vienne leur reprocher de ne pas avoir su empêcher ça.
Et ils ont des arguments. Ces dernières années, plusieurs affaires ont marqué les esprits : des détenus en permission qui ont profité de leur liberté pour commettre des crimes graves, d’autres qui ont purement et simplement disparu. Certes, c’est rare. Mais quand ça arrive, c’est la catastrophe.
La réinsertion, oui… mais à quel prix ?
Le débat est là, brutal et nécessaire. D’un côté, ceux qui rappellent que la prison doit aussi préparer à la sortie, que priver systématiquement de tout aménagement de peine revient à fabriquer des bombes à retardement. De l’autre, ceux qui estiment que certains profils sont tout simplement trop dangereux pour qu’on prenne le moindre risque.
Personnellement, je trouve que la balance penche de plus en plus vers la seconde option. Quand on voit des villes entières paralysées par la guerre des clans, quand on sait que certains narcos continuent à gérer leur business depuis leur cellule, on se dit que la société a le droit de se protéger. Quitte à créer des exceptions qui dérogent au droit commun.
Après tout, on l’a bien fait pour le terrorisme. Pourquoi pas pour le narcotrafic, qui tue, lui aussi, tous les jours ?
Ce que cette affaire dit de l’état de la France en 2025
Cette polémique n’est pas un épiphénomène. Elle cristallise plusieurs angoisses profondes :
- La montée en puissance d’un crime organisé ultra-violent et structuré
- L’impression que la justice reste parfois déconnectée des réalités de terrain
- La difficulté à trouver le juste équilibre entre punition et réinsertion
- La peur, diffuse mais réelle, que le narco-business finisse par gangrener tout le système
En annonçant cette réforme express, Darmanin joue clairement la carte de la fermeté. Il sait que l’opinion publique, traumatisée par les règlements de comptes et les fusillades, attend des actes forts. Mais il sait aussi qu’il marche sur une corde raide : trop de durcissement, et on accusera l’État de bafouer les droits des détenus. Pas assez, et on dira qu’on laisse la porte ouverte au chaos.
Une chose est sûre : ce détenu de Vendin-le-Vieil, avec sa journée de liberté, vient de déclencher un séisme juridique dont on n’a pas fini de parler.
Et vous, qu’en pensez-vous ? Faut-il un régime d’exception pour les barons de la drogue ? Ou est-ce la porte ouverte à toujours plus d’exceptions dans un État de droit ? Le débat est lancé, et il promet d’être passionné.
(Article mis à jour le 23 novembre 2025 – plus de 3200 mots)
