Il y a des phrases qu’on entend et qui restent coincées quelque part dans la gorge. L’autre jour, dans une cour d’école, une gamine de CE2 me lance, toute fière : « Moi plus tard, je serai une médecine ! » J’ai souri, bien sûr. Et puis j’ai réalisé : à huit ans à peine, elle féminise déjà le mot. C’est mignon, c’est touchant… mais ça pose aussi une question brutale. Pourquoi, dix ans plus tard, très peu de ces petites filles se rêveront ingénieures, informaticiennes ou physiciennes ?
La réponse, elle est simple et cruelle à la fois : les stéréotypes s’installent bien avant qu’on ne l’imagine. Dès le CP, parfois même avant. Et si on veut que demain il y ait plus de femmes dans les labos, les bureaux d’études ou les chantiers, il faut agir maintenant. Très concrètement.
Quand l’ambition se construit à la récré
Je me souviens encore de mes propres années primaires. Les garçons jouaient aux chevaliers ou aux pilotes de chasse, les filles aux mamans ou aux maîtresses d’école. Personne ne nous corrigeait vraiment. C’était « normal ». Trente ans plus tard, on sait que ce n’était pas anodin du tout.
Aujourd’hui, certaines classes font autrement. Prenez une école élémentaire comme tant d’autres, quelque part dans l’est parisien. Un jeudi après-midi ordinaire. Vingt bambins de CM1 attendent avec une impatience à peine contenue. Pas la peine de leur demander pourquoi : deux femmes vont venir leur parler de métiers. De vrais métiers. Ceux où on construit des fusées, où on invente des médicaments, où on programme des robots.
Et surtout : des femmes qui font ces métiers-là.
Des rôle modèles en chair et en os
Elles s’appellent Sophie, Amina, ou Léa – peu importe leur prénom exact. Ce qui compte, c’est qu’elles sont ingénieures, techniciennes, chercheuses. Et qu’elles prennent une demi-journée pour venir parler à des gamins de huit-neuf ans. Pas pour faire joli. Parce que les chiffres sont têtus.
En France, moins de 30 % des ingénieurs sont des femmes. En informatique, c’est pire : à peine 15 % dans certaines spécialités. Et pourtant, les filles réussissent aussi bien, voire mieux, en maths au collège. Alors où est le bug ? Il apparaît bien avant le bac.
« À partir de 10-11 ans, les filles commencent à s’auto-censurer. Elles se disent que la physique, les maths poussées, l’informatique… ce n’est pas pour elles. »
Une marraine d’une association de promotion des STEM auprès des filles
Du coup, l’idée est simple : intervenir avant que la machine à stéréotypes ne s’enclenche pour de bon.
Des ateliers qui changent tout (ou presque)
Dans la classe, ça commence par un jeu. On montre des photos de métiers. Pompier, pilote d’avion, chirurgien, astronaute… Et on demande : « C’est un métier de garçon ou de fille ? » Au début, les réponses fusent dans le sens attendu. Et puis, petit à petit, les enfants réalisent qu’en fait… non. Un garçon peut être infirmier. Une fille peut réparer des satellites.
Ensuite arrivent les deux invitées. L’une travaille dans l’aéronautique, l’autre conçoit des prothèses médicales ultra-perfectionnées. Elles racontent leur quotidien, montrent des photos, répondent à mille questions. Et là, ça fait tilt.
- « Vous avez le droit de porter un casque de chantier ? »
- « Vous conduisez vraiment des engins ? »
- « Et vous gagnez autant que les garçons ? » (celle-là, elle revient souvent)
À la fin de l’atelier, une petite fille lève la main : « Moi maintenant je veux faire ingénieure robotique. » Un garçon ajoute : « Moi je pourrai être infirmier alors ? » L’enseignante sourit. Mission accomplie, au moins pour aujourd’hui.
Pourquoi ça marche si bien à cet âge-là
À 8 ans, les enfants sont des éponges. Ils n’ont pas encore intégré tous les codes sociaux qui viendront plus tard. Leur vision du monde est encore malléable. Montrer une femme qui démonte un moteur ou qui programme un bras robotisé, c’est comme planter une graine dans un terrain parfaitement fertile.
Mais il y a plus subtil. Quand une ingénieure vient dans la classe, elle ne parle pas seulement technique. Elle parle de passion, de curiosité, d’équipe. Elle montre que la science, ce n’est pas que des équations sur un tableau noir. C’est aussi résoudre des problèmes concrets, améliorer la vie des gens, voyager parfois.
Et ça, ça parle à tout le monde. Garçons compris, d’ailleurs. Parce que la mixité, ça profite aux deux côtés.
Les chiffres qui font mal (et qui motivent)
Difficile de parler du sujet sans sortir quelques statistiques. Elles sont accablantes, mais elles ont le mérite d’être claires.
| Domaine | Pourcentage de femmes |
| Ingénieurs en France | 28-30 % |
| Informatique (développement) | 15-20 % |
| Physique fondamentale | Moins de 25 % |
| Mathématiques recherche | Environ 30 % |
| Médecine (spécialités techniques) | Parfois moins de 10 % (chirurgie orthopédique par exemple) |
Ces chiffres datent, bien sûr. Mais ils évoluent très lentement. Trop lentement. Et pendant ce temps, des secteurs entiers manquent cruellement de talents féminins. Et donc de diversité de points de vue, ce qui n’est jamais bon pour l’innovation.
Ce que les parents peuvent faire, dès maintenant
Vous avez une fille ? Un fils ? Les deux ? Peu importe. Il y a des gestes simples qui changent tout.
- Arrêtez de dire « c’est un jeu de garçon » ou « ça c’est pour les filles » (même pour rire)
- Offrez des jouets techniques à tout le monde : Lego Technic, kits de robotique, livres sur l’espace
- Montrez des exemples concrets : documentaires avec des femmes scientifiques, livres comme « Les Culottées » ou « Good Night Stories for Rebel Girls »
- Encouragez la curiosité sans distinction de genre
- Et surtout, valorisez les efforts en maths et sciences, pas seulement les notes
J’ai une amie qui a offert un microscope à sa fille de 6 ans. Aujourd’hui, à 12 ans, elle veut être astrophysicienne. Coïncidence ? Peut-être pas.
Et les garçons dans tout ça ?
On parle beaucoup des filles, mais ces interventions profitent aussi énormément aux garçons. Ils découvrent qu’un homme peut être enseignant en maternelle, infirmier, ou sage-femme. Qu’il n’y a pas de honte à choisir un métier « traditionnellement féminin ».
Au final, tout le monde y gagne. Une société plus fluide, moins enfermée dans des cases rigides.
Vers un futur plus équilibré ?
Évidemment, une intervention de deux heures ne va pas révolutionner le monde. Mais multipliée par des centaines d’écoles, par des milliers d’enfants, ça commence à faire bouger les lignes.
Dans dix ou quinze ans, peut-être qu’on verra enfin 40 %, 50 % de femmes dans certaines filières techniques. Peut-être que la petite fille qui disait « une médecine » dira simplement « médecin » ou « ingénieure » sans même y penser.
Et ça, franchement, ça vaut tous les efforts du monde.
Parce que l’avenir ne devrait pas avoir de genre.
Et vous, vous en pensez quoi ? Avez-vous vu ce genre d’initiatives près de chez vous ? Ou peut-être que vous êtes parent et que vous cherchez des idées pour encourager votre fille (ou votre fils) vers les sciences ? Dites-moi tout en commentaire, j’adore échanger là-dessus.
