Imaginez tenir entre vos doigts un morceau d’or qui pèse plus lourd qu’un smartphone haut de gamme… mais qui vaut largement de quoi s’offrir une vie entière de smartphones, de voitures de luxe et même une maison. C’est exactement ce qui vient de se passer à Genève : une pièce d’or espagnole datant de 1609 a franchi la barre symbolique des trois millions d’euros lors d’une vente aux enchères. Franchement, quand on pense que certaines personnes collectionnent des timbres ou des capsules de bière, là on change clairement de dimension.
Le nouveau roi incontesté des monnaies européennes
Ce petit bijou – enfin, petit, tout est relatif quand on parle de 340 grammes d’or pur – s’appelle le Centén Segoviano. Et il ne s’agit pas de n’importe quel exemplaire : c’est le tout premier frappé en 1609, sous le règne de Philippe III. Résultat ? Plus de 3 millions d’euros avec les frais. Autant dire que le précédent record, une pièce de 100 ducats à 1,95 million de francs suisses il y a quelques jours à peine, a été balayé sans ménagement.
Ce qui me fascine, c’est que cette pièce n’a jamais été conçue pour circuler dans les poches des marchands ou des paysans. Non. Elle était faite pour impressionner. Pour dire au monde entier : « Regardez comme l’Espagne est riche grâce à ses galions chargés d’or et d’argent du Nouveau Monde ». Un peu comme si aujourd’hui un pays frappait une pièce de 10 kilos en platine juste pour la photo.
D’où vient cette merveille technique et politique ?
Remontons un peu le temps. Au XVIe siècle, la monnaie la plus prestigieuse d’Europe sort des ateliers de Hall, dans le Tyrol autrichien. Les Habsbourg y maîtrisent une technique révolutionnaire qui permet de frapper des pièces parfaitement rondes et régulières – un exploit à l’époque. Philippe II, roi d’Espagne et cousin de l’archiduc du Tyrol, se dit qu’il ne va pas laisser les Autrichiens avoir le monopole du beau métal.
Il envoie donc des émissaires négocier. Résultat : des techniciens tyroliens débarquent à Ségovie pour transformer un ancien moulin à papier en atelier monétaire ultra-moderne. Oui, vous avez bien lu : un moulin à papier. L’endroit est idéal car il dispose d’une force hydraulique énorme pour actionner les lourds laminoirs et les presses. En 1586, la Real Casa de la Moneda de Ségovie ouvre ses portes. Et quelques années plus tard, sous Philippe III, naît le fameux Centén.
Cette pièce n’était jamais destinée à un usage quotidien, mais servait plutôt de pièce de présentation destinée à démontrer la puissance et la richesse du royaume.
– Spécialistes du domaine numismatique
340 grammes d’or : les chiffres qui font tourner la tête
Faisons un peu de calcul rapide, ça vaut le coup. À l’heure où j’écris ces lignes, l’or cote environ 75 € le gramme (on va dire 80 € pour simplifier). 340 grammes × 80 € = 27 200 €. C’est déjà une belle somme, mais ça ne représente même pas 1 % du prix payé. Conclusion ? On est à 99 % dans le domaine de l’histoire, de la rareté et du symbole.
- Poids : 340 grammes d’or pur
- Diamètre : environ 10 centimètres
- Épaisseur : impressionnante pour l’époque
- Valeur métal brut : ~27 000 €
- Prix final : plus de 3 000 000 €
- Prime historique : × 110 environ
Pour vous donner une idée, c’est comme acheter une Rolex Submariner d’occasion à 10 000 € alors que la valeur du métal et des pierres vaut 200 €. Sauf que là, on parle d’un objet qui a traversé quatre siècles sans une égratignure.
Pourquoi cette pièce vaut-elle si cher aujourd’hui ?
Il y a plusieurs raisons, et elles s’additionnent comme un cocktail explosif pour les collectionneurs fortunés.
D’abord la rareté absolue. On estime qu’il n’existe que quelques dizaines de Centenes connus dans le monde, toutes dates confondues. Celui-ci est le premier de 1609. C’est comme posséder la toute première Ferrari sortie d’usine.
Ensuite l’état de conservation. Regardez les photos : l’écu couronné côté face, la croix dans son quadrilobe au revers, les détails sont nets comme au premier jour. Ça tient du miracle après 400 ans.
Et puis il y a le contexte historique. Cette pièce incarne le Siècle d’Or espagnol, cette période où l’Espagne dominait le monde grâce aux tonnes d’or et d’argent qui arrivaient de Potosí et du Mexique. C’est un bout du mythe des galions et des conquistadors que vous pouvez tenir dans votre main.
Le marché de la numismatique de prestige : une bulle ou un placement sûr ?
On me pose souvent la question : est-ce que ces prix sont complètement fous ? Ma réponse est nuancée. Oui et non.
D’un côté, on assiste à une concentration incroyable de richesses chez une poignée de collectionneurs qui n’ont plus grand-chose à se prouver avec les tableaux ou les voitures. Ils passent au niveau supérieur : les objets uniques qui racontent l’Histoire avec un grand H.
De l’autre, ces pièces ont une liquidité étonnante. Quand vous voulez revendre un tableau à 50 millions, ça peut prendre des années. Une pièce comme ce Centén ? Quelques mois et vous avez votre argent. Les maisons de ventes se battent pour l’avoir en catalogue.
| Objet | Prix record récent | Temps moyen revente |
| Tableau maître ancien | 450 M$ (Salvator Mundi) | 5-10 ans |
| Voiture de collection | 142 M$ (Mercedes 300 SLR) | 2-5 ans |
| Pièce numismatique | 18,9 M$ (Double Eagle 1933) | Quelques mois |
| Centén Segoviano 1609 | > 3 M€ | Probablement rapide |
Attention tout de même : le marché reste confidentiel et les faux existent. Mais quand une pièce passe entre les mains des grandes maisons spécialisées avec certificat, on est en terrain relativement sûr.
Et nous, simples mortels, que peut-on en tirer ?
Évidemment, aucun d’entre nous ne va casser sa tirelire pour un Centén. Mais l’histoire de cette pièce nous rappelle plusieurs choses intéressantes :
- L’or reste une valeur refuge en période d’incertitude
- Les objets rares et chargés d’histoire dépassent souvent la simple valeur matière
- La passion peut faire déplacer des montagnes (et des millions)
- Il existe encore des trésors cachés dans les greniers (bon, probabilistically faible, mais on peut rêver)
Personnellement, je trouve ça réconfortant. Dans un monde où tout semble éphémère et numérique, il reste des objets tangibles qui traversent les siècles et continuent de fasciner. Cette pièce d’or, c’est un peu comme un message dans une bouteille envoyé par l’Espagne du XVIIe siècle : « Nous étions là, nous étions puissants, et voilà la preuve ».
Et quelque part, en 2025, ce message fonctionne encore à merveille.
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