Vous savez ce moment où une soirée qui s’annonçait mémorable bascule brutalement ? Ce genre de nuit où l’alcool coule à flots, où l’on célèbre une victoire avec des potes qu’on n’a pas vus depuis longtemps, et où, soudain, tout dérape. C’est exactement ce qui semble être arrivé à un jeune joueur de Montauban, quelques heures seulement après le crunch victorieux mais poussif des Bleus contre les Fidji.
Franchement, à chaque fois qu’on croit le rugby français enfin débarrassé de ses vieux démons extrasportifs, il y a toujours un épisode pour nous rappeler que le chemin reste long. Et cette fois, c’est encore un club de Pro D2 qui se retrouve sous les projecteurs pour les mauvaises raisons.
Une nuit bordelaise qui tourne mal
Reprenons depuis le début. Samedi soir, le XV de France vient de battre les Fidji 34 à 21 à Bordeaux. Victoire en souffrance, mais victoire quand même. Dans les travées du Matmut Atlantique et surtout dans les rues de la ville, l’ambiance est chaude. Parmi les milliers de supporters, il y a aussi des joueurs professionnels qui n’étaient pas retenus avec le groupe France mais qui voulaient vivre l’événement de près.
L’un d’eux, un jeune Fidjien sous contrat avec l’US Montauban, décide de prolonger la fête. Logique : il retrouve des amis qui ont porté le maillot des Flying Fijians dans l’après-midi, l’adrénaline est à bloc, les verres s’enchaînent. Direction une boîte de nuit du centre de Bordeaux. Là, selon les premiers éléments, l’alcool aidant, il aurait posé une main particulièrement déplacée – et violente – sur les fesses d’une jeune femme.
La réaction ne s’est pas faite attendre. Plainte déposée dans la foulée, intervention des forces de l’ordre, placement en garde à vue. L’état d’ébriété du joueur était tel qu’il n’a même pas pu être entendu immédiatement. Il a donc passé la nuit et une partie de la journée suivante au poste, le temps de dessaouler.
L’alcool, éternel compagnon encombrant du rugby
On va être honnête deux minutes : le rugby et la troisième mi-temps, c’est une histoire d’amour ancienne. Parfois elle reste bon enfant, parfois elle dérape sévère. Ce n’est pas la première fois – et malheureusement pas la dernière – qu’un joueur se retrouve dans ce genre de situation après une soirée trop arrosée.
Ce qui frappe, c’est la récurrence. On se souvient encore des affaires qui ont éclaboussé le Top 14 ou le XV de France ces dernières années. Des comportements qui, sous l’effet de l’alcool, franchissent la ligne rouge. Et là, on parle d’une agression sexuelle caractérisée. Ce n’est plus une simple “frasque”. C’est grave.
Dans le rugby, on célèbre fort. Mais il y a des limites qu’on n’a pas le droit de franchir, surtout quand on porte les couleurs d’un club et qu’on est, qu’on le veuille ou non, un exemple pour les gamins.
L’US Montauban, un début de saison déjà agité
Pour le club de Montauban, ce n’est vraiment pas le moment. Depuis la reprise, l’USM accumule les tuiles hors terrain. Suspension conservatoire du capitaine après des propos virulents envers le sélectionneur, histoire rocambolesque de détournement de fonds par un demi d’ouverture pour alimenter une addiction au jeu… Et maintenant ça.
À croire que Sapiac est maudit cette saison. Sur le terrain, les résultats sont déjà compliqués en Pro D2, mais en coulisses, c’est la tempête permanente. Le président et le staff vont encore devoir gérer une crise médiatique et, surtout, prendre des décisions fortes.
- Suspension à titre conservatoire dans l’attente des suites judiciaires ?
- Résiliation de contrat pure et simple ?
- Accompagnement psychologique et formation sur le respect et les comportements ?
- Sanction financière lourde ?
Probablement un peu tout ça à la fois. Car aujourd’hui, les clubs n’ont plus le choix : la tolérance zéro s’impose, sous peine de voir leur image exploser en vol.
Le cas particulier des joueurs fidjiens et pacifiques
On va dire les choses clairement : les joueurs originaires du Pacifique représentent une part immense du rugby français professionnel, surtout en Pro D2 et en niveaux inférieurs. Leur puissance physique, leur engagement, leur culture rugby sont des atouts formidables. Mais parfois, le choc culturel est brutal.
Arrivés jeunes, souvent sans parler un mot de français, plongés dans un mode de vie nocturne qu’ils ne connaissaient pas forcément chez eux, avec de l’argent qui tombe rapidement et une célébrité locale… Le cocktail peut être explosif. Certains s’en sortent très bien. D’autres trébuchent lourdement.
Ce n’est pas une question de nationalité, évidemment. Des joueurs français font aussi n’importe quoi. Mais il y a un vrai travail d’accompagnement à faire, et certains clubs – soyons honnêtes – ne sont pas toujours équipés pour ça.
Que dit la loi, exactement ?
Une “main aux fesses” non consentie, surtout décrite comme violente, ça tombe sous le coup de l’agression sexuelle en droit français. Peine maximale : 5 ans de prison et 75 000 € d’amende. En pratique, pour un premier fait de ce type, on est souvent sur du sursis ou une peine aménagée, mais avec inscription au casier judiciaire B2 qui peut poser problème pour un visa de travail ou un futur contrat.
Et puis il y a la victime. Une jeune femme qui, en une seconde, voit sa soirée gâchée et qui doit aller déposer plainte au milieu de la nuit. On n’en parle jamais assez : le traumatisme, même si “c’est juste une main”, existe bel et bien.
Vers une prise de conscience collective ?
Il y a quelques années, ce genre d’histoire aurait peut-être fait sourire dans certains vestiaires. “C’était l’époque”. Aujourd’hui, plus personne n’ose. Le mouvement #MeToo est passé par là, les réseaux sociaux aussi, et les sanctions pleuvent.
Les instances du rugby français – Ligue, Fédération – ont mis en place des chartes, des formations, des numéros d’alerte. Mais force est de constater que le message ne passe pas encore partout. Surtout dans les clubs moins structurés.
Peut-être qu’il faudrait aller plus loin : tests d’alcoolémie aléatoires après les matchs ? Accompagnement obligatoire par des éducateurs spécialisés pour les joueurs étrangers ? Sanctions collectives quand un club accumule les dérives ? Les idées ne manquent pas.
Et maintenant ?
À l’heure où j’écris ces lignes, le joueur est toujours en garde à vue ou vient d’en sortir. Il va être convoqué par ses dirigeants. Une procédure judiciaire est en cours. On saura dans les prochains jours s’il y a classement sans suite, convocation devant un tribunal ou délégation d’enquête.
Ce qui est sûr, c’est que cette affaire va faire jurisprudence dans le microcosme du rugby pro. Parce qu’elle touche tous les sujets brûlants : l’alcool, le respect des femmes, l’image du rugby, la gestion des joueurs étrangers, la responsabilité des clubs.
Personnellement, j’espère que ce sera le énième électrochoc qui fera enfin bouger les lignes. Parce qu’on aime ce sport pour ses valeurs, pas pour ses dérives. Et qu’on veut pouvoir être fier de nos joueurs, sur le terrain… comme en dehors.
À suivre, malheureusement.
