Imaginez-vous à la place d’un président qui se bat depuis bientôt quatre ans. Vos villes sont en ruines, vos soldats meurent chaque jour, et soudain, la plus grande puissance militaire du monde vous tend un document de vingt-huit points qui ressemble furieusement à une capitulation déguisée. C’est exactement ce qui se passe en ce moment à Kiev.
Je ne vais pas vous assommer avec des généralités. On va plonger directement dans le vif du sujet, point par point, comme si on ouvrait ensemble ce dossier ultra-sensible qui circule entre Washington, Kiev et Moscou depuis quelques heures seulement.
Le plan de paix qui fait trembler l’Europe entière
Ce n’est pas tous les jours qu’un président américain, fraîchement réélu ou pas, décide de reprendre la main sur le conflit le plus explosif du continent. Et pourtant, c’est bien ce qui vient de se produire. Un texte de vingt-huit articles, rédigé outre-Atlantique, atterrit simultanément sur les bureaux ukrainien et russe. L’objectif affiché ? Mettre fin à une guerre qui a déjà fait des centaines de milliers de morts et déplacé des millions de personnes.
Mais quand on gratte le vernis, la réalité est plus brutale. Et franchement, en lisant les détails, on comprend pourquoi certains à Kiev parlent déjà de « trahison » à mots à peine couverts.
Les territoires : le prix le plus douloureux
Allons-y franco : le cœur du problème, c’est la carte. Le plan prévoit purement et simplement que l’Ukraine reconnaîtrait de facto l’appartenance à la Russie de plusieurs régions entières.
- Le Donetsk et le Lougansk dans leur intégralité administrative (pas seulement les zones actuellement contrôlées)
- La Crimée, annexée dès 2014, évidemment incluse
- Kherson et Zaporijjia gelées selon la ligne de front actuelle – donc une large partie reste russe
Concrètement ? Près de 20 % du territoire ukrainien d’avant 2022 passerait sous contrôle russe, reconnu même par Washington. C’est énorme. C’est surtout un camouflet terrible après quatre années de résistance acharnée.
On me dira : « mais c’est la réalité sur le terrain ». Peut-être. Sauf que reconnaître officiellement ces pertes, c’est aussi ouvrir la boîte de Pandore pour d’autres revendications futures. Et ça, beaucoup d’Ukrainiens ne sont pas prêts à l’avaler.
« Une paix digne, c’est une paix qui respecte notre souveraineté. Point. »
– Un proche du président ukrainien, sous couvert d’anonymat
L’OTAN hors jeu, l’Europe en embuscade
Deuxième claque : l’Ukraine devrait renoncer formellement et définitivement à rejoindre l’OTAN. Pas de « peut-être plus tard », pas de « porte ouverte ». Non, un non clair et net.
À la place ? On agite la carotte européenne : l’Ukraine resterait « éligible » à l’Union européenne. Sympa sur le papier. Sauf que l’adhésion à l’UE, même accélérée, ça prend des années. Et surtout, ça ne tire pas une seule balle en cas d’attaque.
Petit détail qui a son importance : des avions de combat européens pourraient être stationnés… en Pologne. Autrement dit, à deux pas de la frontière, mais pas un seul soldat de l’OTAN sur le sol ukrainien. C’est ce qu’on appelle une garantie de sécurité en carton.
Une armée ukrainienne sous tutelle
Troisième point qui fait grincer des dents : la taille de l’armée ukrainienne serait plafonnée à 600 000 hommes. Actuellement, avec la mobilisation générale, on est bien au-delà.
Pourquoi ce chiffre ? Officiellement, pour « éviter une course aux armements ». Dans les faits, ça revient à priver l’Ukraine de la capacité de mener une contre-offensive d’envergure à l’avenir. C’est une armée de défense, pas de reconquête, qu’on dessine là.
J’ai du mal à imaginer les généraux ukrainiens accepter ça sans broncher. Eux qui se battent avec des bouts de ficelle depuis des mois.
La reconstruction financée… par les avoirs russes
Il y a quand même des aspects positifs. Et pas des moindres.
Le plan prévoit un fonds de reconstruction de 100 milliards de dollars alimenté par les avoirs russes gelés en Occident. C’est malin : Moscou paierait (indirectement) pour réparer ce qu’elle a détruit. Moralement, c’est difficile à contester.
Autre point intéressant : la centrale de Zaporijjia, la plus grande d’Europe, serait relancée sous contrôle international. L’électricité serait partagée à 50/50 entre l’Ukraine et la Russie. Un compromis pragmatique qui pourrait soulager les deux pays en pleine crise énergétique.
Et la Russie dans tout ça ?
C’est là que ça coince le plus. Franchement, quand on lit le document, on a l’impression que Moscou sort grandi de cette négociation.
- Aucune obligation de retrait des troupes des zones occupées
- Aucune mention de reparations de guerre directes
- Aucune limitation de son armée ou de ses capacités offensives
- Les sanctions ? Elles seraient levées progressivement, sans conditions trop strictes
Bref, la Russie conserve tout ce qu’elle a pris par la force et n’a presque rien à rendre. C’est ce qui fait dire à certains diplomates européens que ce plan ressemble étrangement à une victoire russe maquillée en compromis.
« On nous demande de tout abandonner pour une paix qui ne durera que le temps que Moscou se réarme. »
– Un haut responsable européen
Les garanties de sécurité : du vent ?
On promet à l’Ukraine des « garanties de sécurité ». Super. Mais lesquelles ? Le texte reste flou. Une réponse militaire coordonnée en cas de nouvelle agression ? Peut-être. Des sanctions automatiques ? Probablement.
Mais on a vu ce que valaient les garanties internationales avec Budapest en 1994. L’Ukraine avait abandonné son arsenal nucléaire contre des promesses de sécurité… qu’on sait tous ce qu’elles sont devenues.
Histoire de ne pas se répéter, non ? C’est ce que beaucoup pensent à Kiev en ce moment.
L’Europe mise sur la touche
Ce qui frappe aussi, c’est le silence assourdissant des Européens dans ce processus. Le plan a été rédigé à Washington, discuté directement avec Moscou et Kiev, et l’Europe découvre ça en même temps que nous.
La cheffe de la diplomatie européenne l’a dit clairement : aucun accord ne tiendra sans l’implication pleine et entière de l’UE et de l’Ukraine. Message reçu cinq sur cinq.
Mais dans les faits, on assiste à un retour en force de la realpolitik américaine, où l’Europe compte pour du beurre dès qu’il s’agit de sécurité dure.
Et maintenant ?
La balle est dans le camp de Kiev. Et la pression est énorme.
D’un côté, la guerre use le pays. L’hiver arrive, les soldats sont épuisés, les pertes sont terribles, et l’aide occidentale montre des signes de fatigue. Continuer risque de coûter encore des dizaines de milliers de vies pour… peut-être rien.
De l’autre, accepter ce plan, c’est entériner une défaite territoriale majeure et renoncer à ses rêves d’intégration occidentale pleine. C’est choisir entre survivre amputé ou risquer de tout perdre.
Personnellement, je ne voudrais pas être à la place du président ukrainien ces prochains jours. Les discussions téléphoniques s’annoncent rudes. Très rudes.
Ce qui est sûr, c’est que ce plan, même s’il n’aboutit pas tel quel, marque un tournant. On entre dans la phase finale de ce conflit. Et quelle que soit l’issue, l’Ukraine d’après ne ressemblera en rien à celle d’avant 2022.
La question n’est plus de savoir si on va vers une forme de paix. Elle est de savoir à quel prix. Et surtout, pour qui.
(Article mis à jour en continu selon l’évolution des négociations)
