Imaginez un instant que vous signiez la paix avec quelqu’un qui, par le passé, n’a jamais vraiment respecté sa parole. Vous serrez la main, vous souriez aux caméras… et dans un coin de votre tête, une petite voix vous murmure : « Et s’il revenait ? » C’est exactement le sentiment qui flotte en ce moment dans les chancelleries européennes quand on parle du nouveau plan américain pour l’Ukraine.
Ce week-end, depuis Johannesburg où se tient le G20, le président français a été plus clair que jamais. Et franchement, ça fait froid dans le dos.
La phrase qui change tout
« On sait que s’il n’y a pas des éléments de dissuasion, les Russes reviendront et trahiront leur promesse. »
Cette phrase, lâchée presque calmement devant les journalistes, résume à elle seule le dilemme terrible auquel l’Occident est confronté depuis des mois.
Emmanuel Macron, Johannesburg, 22 novembre 2025
Parce que oui, il y a bien un plan sur la table. Un document de 28 points, élaboré outre-Atlantique, qui circule sous le manteau et qui fait déjà trembler les capitales européennes. Et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il ne fait pas vraiment plaisir à tout le monde.
Ce que contient vraiment le plan américain
Pour faire simple – et c’est là que ça coince –, le texte propose à l’Ukraine d’abandonner officiellement les régions de Donetsk et Lougansk, en plus de la Crimée déjà annexée en 2014. En échange ? Une promesse de cessez-le-feu et… une non-adhésion à l’OTAN. Point final.
Autrement dit : Kiev perd 20 % de son territoire, renonce à ses ambitions euro-atlantiques, et la Russie, elle, n’a quasiment rien à concéder. Même pas un vrai retour aux frontières de 1991. C’est un peu comme si on demandait à une maison cambriolée de donner les clés au voleur pour qu’il promette – la main sur le cœur – de ne plus revenir.
- Cession définitive de la Crimée (déjà actée de facto)
- Cession des oblasts de Donetsk et Lougansk
- Engagement ukrainien de ne jamais intégrer l’OTAN
- Aucune garantie militaire occidentale ferme inscrite dans le texte
- Retrait partiel des sanctions ? La question reste ouverte
Vous voyez le problème ? Moi, très clairement.
Pourquoi Macron parle de « dissuasion »
Quand le président français insiste sur ces « éléments de dissuasion », il ne fait pas de la rhétorique gratuite. Il pense à des choses très concrète : présence de forces armées internationales sur le sol ukrainien après un accord, livraisons massives d’armes longue portée, peut-être même – et le sujet est sur la table depuis des mois – une forme de garantie nucléaire européenne.
Parce que l’histoire est là pour nous rappeler une vérité brutale : chaque fois que l’Occident a cru pouvoir faire confiance à la parole russe sans contrepartie militaire crédible, ça s’est mal terminé.
Petit flashback rapide, si vous permettez.
Les précédents qui font peur
1994. Accord de Budapest. L’Ukraine abandonne le troisième arsenal nucléaire du monde en échange de garanties de sécurité signées par… la Russie, les États-Unis et le Royaume-Uni. Résultat ? Vingt ans plus tard, la Crimée est annexée et le Donbass en feu.
2014-2015. Accords de Minsk. Signés sous pression, jamais vraiment appliqués par Moscou, et qui ont servi de feuille de vigne pendant que les forces séparatistes se réarmaient tranquillement.
On pourrait continuer comme ça longtemps. Le constat est simple : sans capacité réelle de riposte, aucun papier signé à Genève ou ailleurs ne tiendra.
La semaine décisive qui s’annonce
Et maintenant, tout se joue en quelques jours.
Dimanche, une réunion discrète regroupant Ukrainiens, Américains, Français, Allemands et Britanniques est prévue en Suisse. Objectif : poser les bases avant la grande visioconférence de mardi après-midi, où la « Coalition des volontaires » – ces pays qui soutiennent encore activement Kiev – va devoir se mettre d’accord sur une position commune.
Et là, ça va être chaud. Parce que tout le monde n’a pas la même lecture du plan américain.
- Les pays baltes et la Pologne crient déjà à la trahison
- Berlin reste très prudent, comme d’habitude
- Londres pousse pour des garanties de sécurité béton
- Paris, clairement, ne veut pas d’un Munich 2.0
Et pendant ce temps-là, à Kiev, on regarde tout ça avec une angoisse difficile à imaginer.
Et l’Ukraine dans tout ça ?
Officiellement, les autorités ukrainiennes n’ont pas encore réagi au plan dans le détail. Mais entre nous, on sait très bien ce qu’elles en pensent. Accepter de perdre définitivement le Donbass et la Crimée, c’est reconnaître l’échec de trois ans de combat acharné. C’est aussi ouvrir la porte à de nouvelles revendications russes dans cinq ou dix ans – sur Kharkiv, sur Odessa, pourquoi pas.
Mais refuser net, c’est risquer de se retrouver isolé. Surtout si la nouvelle administration américaine décide de couper les robinets d’aide militaire.
C’est un choix cornélien. Presque shakespearien.
Les scénarios possibles (et réalistes)
À ce stade, plusieurs issues se dessinent. Et aucune n’est vraiment joyeuse.
- Le plan américain est adopté tel quel → paix fragile, probablement rompue d’ici cinq ans
- Un compromis européen durcit les garanties de sécurité → présence de casques bleus ou forces NATO sur la ligne de contact
- Rejet total et poursuite des combats → épuisement des deux côtés, risque d’escalade
- Statu quo gelé avec cessez-le-feu informel → solution coréenne, l’Ukraine coupée en deux pour des décennies
Personnellement, je mise plutôt sur un mix entre les options 2 et 4. L’Europe va essayer de sauver la face en imposant des garanties militaires, mais on aboutira probablement à une forme de conflit gelé. C’est triste à dire, mais c’est souvent comme ça que finissent ces histoires.
Et la France dans tout ça ?
Paris joue gros. D’abord parce que la France est l’un des derniers pays à encore livrer des armes lourdes en quantité significative. Les discussions sur la vente de Rafale – oui, vous avez bien lu – sont toujours en cours. Ensuite parce que Macron se positionne clairement comme le leader d’une Europe de la défense qui ne veut pas tout miser sur Washington.
En clair : si les États-Unis lâchent l’Ukraine, la France est prête à prendre le relais. Quitte à froisser quelques alliés.
C’est un pari risqué. Mais c’est aussi, peut-être, le seul moyen d’éviter que l’Europe ne devienne demain le terrain de jeu des grandes puissances qui décident à sa place.
Ce qu’il faut retenir
La semaine qui vient va être déterminante. Peut-être même historique.
On va nous parler de paix, de compromis, de realpolitik. Mais derrière les mots, il y a une question simple et brutale : est-ce qu’on est prêt à accepter qu’un pays soit dépecé parce qu’il a eu le malheur de se trouver entre deux grandes puissances ?
La réponse qu’apportera l’Europe – et particulièrement la France – dans les prochains jours dira beaucoup sur ce que nous sommes devenus.
Et quelque part, j’espère que Macron aura raison de tenir bon sur cette idée de dissuasion. Parce que l’histoire nous a déjà montré où mène l’apaisement sans force.
Wait and see. Mais avec le cœur un peu serré, je l’avoue.
