Imaginez la scène : vous marchez rue de Rivoli, et soudain, une façade entière d’un grand magasin historique est recouverte d’une pub géante pour une marque chinoise ultra low-cost. Certains s’arrêtent, prennent des selfies. D’autres pestent. Et au milieu de tout ça, un patron qui monte au créneau et balance : « J’assume complètement. » C’est exactement ce qui se passe en ce moment à Paris avec le corner Shein au BHV.
Moi, quand j’ai vu ça pour la première fois, je me suis dit : soit c’est un coup de génie commercial, soit c’est le début d’une tempête parfaite. Et franchement, on y est en plein dedans.
Une audition qui a mis le feu aux poudres
Ce mercredi matin, le président de la Société des Grands Magasins s’est retrouvé face à la Commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale. Et il n’y est pas allé avec le dos de la cuillère.
Dès les premières minutes, il pose les bases : il vient défendre la « France normale », celle qui n’a pas les moyens de claquer 300 euros dans un pull, celle qui remplit les caddies chez les discounters et qui, oui, adore acheter des tops à 5 euros. Il le dit lui-même : « Je la connais, j’en suis issu. »
« Je suis fier d’accueillir la 5e marque préférée des Français. »
Et là, bim. Le chiffre qui fait mal : depuis l’ouverture du corner le 5 novembre, la fréquentation aurait bondi de 15 à 25 %. Les syndicats, eux, parlent plutôt de clients qui fuient les rayons traditionnels. Mais lui tient bon : les caisses sonnent, c’est l’essentiel.
Les accusations ? Il les prend de front
Contrefaçon, pillage de la propriété intellectuelle française, soupçons de travail forcé, conditions de production douteuses… Les députés n’y vont pas de main morte. Un élu pointe même la découverte récente de produits extrêmement problématiques sur la plateforme.
Sa réponse ? Calme, presque provocatrice :
« La même industrie française qui crie au scandale aujourd’hui est celle qui est partie faire fabriquer en Asie il y a trente ans. »
Le silence dans l’hémicycle doit être glacial. Parce qu’il a raison sur un point : personne n’est tout blanc dans cette histoire de délocalisation massive. Mais est-ce une excuse ? Clairement pas pour tout le monde.
L’éthique selon le patron du BHV
Il répète plusieurs fois le mot éthique. Oui, vous avez bien lu. Pour lui, dès lors que les produits passent les contrôles douaniers et respectent les normes européennes, il n’y a rien à redire.
- Contrôles douaniers effectués → ok
- Normes européennes respectées → ok
- Donc partenariat légitime → selon lui, oui
On sent qu’il a préparé son dossier. Il parle même de « responsabilité des plateformes » et renvoie la balle aux politiques : si les règles sont les mêmes pour tout le monde, pourquoi s’acharner sur lui ?
Le seul regret : l’affiche géante
Il y a quand même un moment où il baisse un peu la garde. L’immense photo où il serre la main du grand patron de Shein sur la façade du BHV ?
« L’affiche qu’on n’aurait pas dû faire. »
Ses propres mots
Il admet que si certaines affaires très graves avaient éclaté plus tôt, il n’aurait jamais validé cette communication. Un demi-mea-culpa, mais qui ne change rien au fond : le corner reste ouvert, les vêtements continuent d’arriver par palettes.
Un magasin en grande difficulté financière
Parce qu’il faut le rappeler : derrière la polémique Shein, il y a un grand magasin qui va mal. Très mal même.
Des marques françaises prestigieuses qui partent les unes après les autres. Des fournisseurs qui crient aux impayés depuis des mois, parfois plus d’un an. Des syndicats qui tirent la sonnette d’alarme avec des droits d’alerte économiques.
Et lui, devant les députés, répète inlassablement : « Tout le monde sera payé. » Problème : plus personne n’y croit vraiment.
Le rachat des murs du BHV ? Compliqué. Le principal financeur public s’est retiré après la polémique. Il dit discuter avec des fonds étrangers maintenant. Et glisse, pas tout à fait innocemment : ceux qui ont fait pression vont assumer si le magasin passe sous pavillon non français.
Shein face à la justice le même jour
Pendant que le patron défend son corner à l’Assemblée, à quelques kilomètres, la plateforme elle-même est convoquée au tribunal. Motif ? Des produits absolument inacceptables découverts en vente libre.
L’audience est renvoyée au 5 décembre. Mais l’État demande carrément une suspension d’activité en France pour plusieurs mois. Ça, c’est du lourd.
Et nous, on en pense quoi ?
Franchement, c’est le genre de débat qui partage jusqu’à la machine à café.
D’un côté, on a envie de crier au scandale : comment peut-on défendre un modèle qui casse les prix au détriment de tout le reste ? De l’autre… on connaît tous quelqu’un qui commande régulièrement sur ce genre de plateformes. Et souvent, c’est pas les plus riches.
Le patron du BHV a au moins le mérite de poser la question cash : est-ce qu’on préfère un magasin historique qui ferme définitivement, ou un magasin qui se bat pour survivre, même si c’est avec des méthodes qui dérangent ?
Personnellement, je trouve qu’il y a une forme de courage à assumer comme il le fait. Après, courage ou cynisme, il n’y a parfois qu’un pas.
Ce que ça dit de notre société
Au-delà du cas particulier, cette affaire est un miroir grossissant de nos contradictions.
- On veut des prix bas → mais on critique ceux qui les proposent
- On dénonce la fast-fashion → mais on remplit les paniers en ligne
- On accuse les Chinois → mais on a fermé les yeux pendant trente ans sur nos propres délocalisations
Et pendant ce temps, les grands magasins historiques meurent à petit feu. Le BHV n’est pas le premier, et ne sera pas le dernier.
La question à 100 milliards : est-ce qu’on veut sauver ces lieux mythiques à tout prix, ou est-ce qu’on accepte qu’ils se transforment profondément pour survivre ?
Pour l’instant, le patron a choisi sa réponse. Et il l’assume jusqu’au bout.
À suivre, parce que clairement, cette histoire est loin d’être terminée…
