Vous êtes-vous déjà demandé ce que ressent un policier qui doit jongler entre des nuits blanches, des dossiers qui s’empilent, et un sentiment d’injustice face à des collègues mieux lotis à quelques kilomètres de là ? Dans l’Eure, ce n’est pas une simple question rhétorique, mais une réalité quotidienne pour les forces de l’ordre. Confrontée à un sous-effectif chronique, la police locale tire la sonnette d’alarme. Les agents, épuisés, réclament une prime de fidélisation, un dispositif déjà en place dans les départements voisins, pour redonner du souffle à un métier en crise. Alors, comment en est-on arrivé là, et quelles solutions pourraient changer la donne ? Plongeons dans cette problématique qui touche au cœur du service public.
Une Police à Bout de Souffle dans l’Eure
Dans les rues d’Évreux ou du Val-de-Reuil, les sirènes des voitures de police résonnent, mais les équipages, eux, se font rares. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : en 2024, le département a perdu 4 officiers, 12 gardiens de la paix et 14 policiers adjoints. Avec un effectif total de seulement 329 agents, incluant administratifs et scientifiques, la situation est tendue. Les nuits, un seul équipage de police secours couvre parfois une circonscription entière. C’est peu, trop peu, pour répondre aux appels d’urgence et assurer la sécurité des citoyens.
Ce manque d’effectifs ne date pas d’hier. Les syndicats, unanimes, décrivent un cercle vicieux : moins d’agents, plus de pression sur ceux qui restent, et une attractivité du département qui s’effondre. Les postes vacants s’accumulent, certains ouverts depuis deux ans, sans candidats. Pourquoi ? Parce que l’Eure, malgré ses quartiers sensibles, n’est pas classée comme zone prioritaire. Résultat : pas de prime de fidélisation, contrairement à des villes comme Rouen ou Le Havre, où les agents touchent jusqu’à 805 euros annuels après six ans de service.
Quand vous savez que vos collègues à quelques kilomètres gagnent plus pour un travail similaire, ça démotive. On se sent laissés pour compte.
– Un brigadier-chef de l’Eure
Un Manque d’Attractivité Criant
Pourquoi l’Eure peine-t-elle à séduire les forces de l’ordre ? La réponse est multifacette. D’abord, il y a la question géographique. Évreux, chef-lieu du département, n’a pas le même pouvoir d’attraction que des villes comme Caen ou Rennes. Sans prime, difficile de convaincre les agents de s’installer dans une région perçue comme moins dynamique. Ensuite, les conditions de travail pèsent lourd. Les agents doivent souvent revenir sur leurs jours de repos pour sécuriser des événements, comme récemment lors d’une visite médiatisée d’un footballeur célèbre dans la région.
Les risques psycho-sociaux sont une autre réalité alarmante. Avec une charge de travail écrasante, les agents croulent sous les dossiers. Certains, vieux de cinq ans, restent en attente, laissant des victimes sans réponses. Cette situation érode la confiance des citoyens envers la police, mais aussi celle des agents en leur propre métier. « On fait de notre mieux, mais on a l’impression de courir après le vent », confie un policier expérimenté.
- Sous-effectif : Un seul équipage de police secours par circonscription la nuit.
- Charge de travail : Jusqu’à 300 affaires par agent, parfois non traitées pendant des années.
- Manque de reconnaissance : Absence de prime, contrairement aux départements voisins.
La Prime de Fidélisation : Une Solution Miracle ?
Face à cette crise, les syndicats, qu’ils soient majoritaires ou non, convergent vers une solution : instaurer une prime de fidélisation. Ce dispositif, déjà appliqué dans des zones sensibles comme Dreux ou l’Île-de-France, pourrait changer la donne. En plus de l’aspect financier – jusqu’à 805 euros par an – la prime s’accompagne d’une bonification d’ancienneté, un avantage non négligeable pour la carrière des agents. Mais est-ce vraiment la réponse à tout ?
Pour beaucoup, cette prime serait un signal fort. Elle montrerait que l’État reconnaît les difficultés spécifiques de l’Eure, où certains quartiers, comme à Évreux ou Val-de-Reuil, sont aussi exigeants que ceux des zones prioritaires. Pourtant, certains doutent. « Une prime, c’est bien, mais sans effectifs supplémentaires, on risque juste de mettre un pansement sur une plaie béante », nuance un délégué syndical. Selon lui, il faudrait aussi investir dans la formation et le soutien psychologique des agents.
La prime, c’est un premier pas, mais sans moyens humains, on continuera à courir après l’impossible.
– Un responsable syndical local
Un Défi pour la Sécurité Publique
Le manque d’effectifs et l’absence de prime ont des répercussions concrètes sur la sécurité publique. Les délais de traitement des plaintes s’allongent, et certaines affaires, comme les escroqueries de moins de 5 000 euros, passent carrément à la trappe. Cette situation alimente un sentiment d’impuissance chez les agents et d’abandon chez les citoyens. « Quand une victime attend des années pour une réponse, elle perd foi en la justice », déplore un chef de brigade.
Ce constat est d’autant plus préoccupant que l’Eure n’est pas un cas isolé. Partout en France, les commissariats ruraux ou semi-urbains peinent à recruter. Mais dans l’Eure, l’absence de prime accentue le problème. Un sondage interne récent révèle que 53 % des agents envisagent de quitter le département, souvent pour rejoindre des zones où la prime est en vigueur, tout en continuant à vivre localement. Une aberration qui illustre l’urgence d’agir.
| Problème | Conséquences | Solution envisagée |
| Sous-effectif | Délais longs, burn-out agents | Recrutement et prime |
| Absence de prime | Fuite des agents vers autres départements | Instauration prime fidélisation |
| Charge de travail | Affaires non traitées, méfiance citoyens | Renforts et meilleure gestion |
Les Stagiaires : Une Solution à Double Tranchant
Pour pallier le manque d’effectifs, l’administration envoie des stagiaires tout juste sortis de l’école de police. Si cela permet de boucher temporairement les trous, ce n’est pas sans conséquences. Ces jeunes recrues, souvent inexpérimentées, découvrent un environnement dégradé. « Ils arrivent pleins d’enthousiasme, mais face à la réalité du terrain, beaucoup déchantent », explique un formateur. Résultat : dès qu’ils le peuvent, ils demandent une mutation vers des départements plus attractifs.
Ce turn-over constant aggrave la situation. Former un stagiaire prend du temps et des ressources, deux choses dont les brigades de l’Eure manquent cruellement. « On passe des mois à les former, et dès qu’ils sont opérationnels, ils partent », regrette un officier. Une prime pourrait-elle inverser cette tendance ? C’est ce que beaucoup espèrent, mais le chemin semble encore long.
Un Combat Syndical de Longue Date
Les syndicats ne lâchent rien. Depuis des années, ils militent pour que l’Eure soit reconnue comme zone sensible, ce qui ouvrirait la voie à la prime. « On ne demande pas la lune, juste une reconnaissance des difficultés qu’on rencontre », insiste un délégué. Ce combat, ils le mènent avec détermination, organisant des réunions, des sondages, et des discussions avec les autorités. Mais pour l’instant, les avancées sont minces.
Ce qui frappe, c’est l’unité syndicale sur ce sujet. Qu’ils soient affiliés à des organisations majoritaires ou indépendantes, tous s’accordent sur l’urgence. « On se bat pour nos collègues, mais aussi pour les citoyens. Une police en sous-effectif, c’est une sécurité publique qui vacille », martèle un représentant. Cette mobilisation pourrait-elle enfin porter ses fruits ? L’avenir le dira.
Et Après ? Perspectives pour l’Eure
Alors, que faire pour sortir de cette impasse ? La prime de fidélisation semble être un premier pas incontournable, mais elle ne suffira pas seule. Certains plaident pour des investissements structurels : plus de moyens humains, des formations adaptées, et un meilleur accompagnement psychologique. D’autres insistent sur la nécessité de revaloriser l’image du métier de policier, souvent malmenée dans les médias.
Personnellement, je trouve que l’aspect le plus troublant est ce sentiment d’injustice ressenti par les agents. Travailler dans des conditions aussi difficiles, sans reconnaissance financière ou symbolique, doit être démoralisant. Et si l’Eure devenait un modèle en instaurant des mesures innovantes pour ses forces de l’ordre ? Cela pourrait inspirer d’autres départements en difficulté.
- Instauration de la prime : Reconnaître l’Eure comme zone sensible.
- Recrutement ciblé : Attirer des candidats avec des campagnes incitatives.
- Soutien aux agents : Mettre en place des programmes de bien-être.
En attendant, les policiers de l’Eure continuent de faire leur maximum, souvent au prix de sacrifices personnels. Leur combat pour une meilleure reconnaissance n’est pas seulement une question d’argent, mais une lutte pour la dignité de leur métier et la sécurité des citoyens. La balle est désormais dans le camp des décideurs. Sauront-ils entendre cet appel ?
