Vous êtes-vous déjà demandé ce qui pouvait faire fondre le cœur d’une personne de 92 ans en quelques secondes à peine ? Moi oui, et la réponse m’a complètement surpris.
L’autre jour, j’ai vu une scène qui m’a marqué à vie : une dame aux cheveux blancs, le regard un peu perdu dans le vide, s’est soudain illuminée quand une petite poule rousse s’est posée sur ses genoux. Ses mains tremblantes ont commencé à caresser les plumes, et un sourire immense, presque enfantin, est apparu. C’était magique.
Non, je n’étais pas dans une ferme. J’étais dans un EHPAD comme il en existe des centaines en France. Et cette magie, elle a un nom : la médiation animale.
Quand la basse-cour devient thérapeute
On associe souvent la thérapie par l’animal aux chiens ou aux chats. C’est vrai, ils sont les stars incontestées du domaine. Mais de plus en plus, des associations osent sortir des sentiers battus et arrivent avec… des poules, des lapins, des cochons d’Inde, voire des chèvres naines. Et le résultat est bluffant.
En Île-de-France, une association a fait des gallinacés ses meilleurs atouts. Leur projet ? Intervenir dans les EHPAD, les structures pour personnes handicapées, les IME, les centres de loisirs. Partout où le lien social s’effrite, où la mémoire s’efface doucement, où l’anxiété prend le dessus.
Une séance type : comment ça se passe vraiment
Imaginez la scène. Une salle d’animation classique, avec ses chaises en cercle et son odeur de café. La médiatrice arrive avec deux grandes caisses de transport. Dedans ? Pas de matériel sophistiqué. Juste quelques poules calmes, des lapins doux comme des peluches, et parfois un petit cochon d’Inde qui fait craquer tout le monde.
Les résidents s’installent. Certains sont curieux, d’autres méfiants. Et puis la magie opère.
- Une dame de 88 ans qui n’avait pas parlé depuis des jours se met à raconter comment elle nourrissait ses poules quand elle était petite à la campagne.
- Un monsieur atteint de Parkinson retrouve soudain la précision de ses gestes en donnant du grain.
- Une résidente agressive le matin accepte de se calmer quand on pose un lapin sur ses genoux.
Ces moments-là, les soignants les connaissent bien maintenant. Ils savent que l’arrivée des animaux change tout.
Pourquoi les poules, précisément ?
On pourrait penser que c’est un choix farfelu. Et pourtant, c’est tout le contraire.
Les poules ont plusieurs avantages incroyables pour ce type de public :
- Elles sont calmes (quand on choisit les bonnes races)
- Leur plumage est extrêmement doux, presque thérapeutique au toucher
- Elles picorent doucement dans la main, ce qui stimule sans effrayer
- Elles rappellent instantanément la campagne, l’enfance, les grands-parents pour beaucoup de seniors
- Elles ne demandent pas de promenades ni de jeux actifs, parfait pour des personnes à mobilité réduite
Et puis, avouons-le : une poule, c’est rigolo. Ça glousse, ça gratte, ça fait des petites danses bizarres. Difficile de rester indifférent.
« Elles sont mignonnes vos poules ! » C’est la phrase qu’on entend le plus souvent. Et derrière ce simple compliment, il y a tout : la surprise, la tendresse, le retour en enfance.
Les effets concrets sur les résidents
Ce n’est pas juste « mignon ». Les bénéfices sont mesurables et reconnus par tout le personnel soignant.
J’ai discuté longuement avec des animatrices d’EHPAD qui organisent ces ateliers régulièrement. Elles sont unanimes :
- Baisse significative de l’anxiété et de l’agressivité
- Amélioration de la motricité fine (caresser, donner à manger)
- Stimulation de la mémoire à long terme (les souvenirs affluent)
- Création de lien social : les résidents parlent entre eux, comparent leurs souvenirs
- Réduction des traitements médicamenteux dans certains cas
Une animatrice m’a confié, les larmes aux yeux : « Depuis qu’on fait ces ateliers, on a des résidents qui sourient à nouveau. Vraiment. Pas juste un sourire poli. Un vrai sourire qui vient du cœur. »
Et pour les personnes handicapées ?
La médiation animale ne s’arrête pas aux seniors. Dans les structures pour adultes handicapés, les effets sont parfois encore plus spectaculaires.
Pour les personnes avec troubles du spectre autistique, par exemple, le contact avec l’animal peut être un formidable outil de régulation émotionnelle. La texture des plumes, le rythme régulier du gloussement, la chaleur du corps de la poule… tout cela crée un cadre rassurant.
Dans les IME (Instituts Médico-Éducatifs), les enfants et adolescents apprennent la responsabilité en s’occupant des animaux. Donner à manger, nettoyer, caresser doucement… ce sont des gestes simples qui construisent la confiance en soi.
Comment devenir médiateur animalier avec des poules ?
Si l’idée vous séduit (et je comprends pourquoi), sachez que ça ne s’improvise pas.
Il faut :
- Une formation spécifique en médiation animale (plusieurs organismes sérieux existent)
- Des animaux sociabilisés dès leur plus jeune âge
- Un certificat médical pour chaque animal
- Une assurance responsabilité civile professionnelle
- Beaucoup, beaucoup de patience et d’amour
Mais quand on voit les résultats… franchement, ça vaut tous les efforts.
Et demain ?
La médiation animale avec des animaux de ferme est encore confidentielle. Mais elle gagne du terrain. De plus en plus d’EHPAD demandent ces interventions. Certaines structures vont même jusqu’à créer leur propre petite basse-cour dans le jardin !
On voit apparaître des projets de « fermes pédagogiques thérapeutiques » où les résidents participent à la vie de la mini-ferme : ramasser les œufs, nourrir les animaux, regarder les poussins éclore. Un retour aux sources qui fait un bien fou.
Personnellement, je trouve ça magnifique. Dans une société qui va toujours plus vite, qui numérise tout, qui isole les plus fragiles… ramener un peu de campagne, de vivant, de simple contact avec l’animal, c’est une forme de résistance douce. Et terriblement efficace.
La prochaine fois que vous passerez devant un EHPAD, peut-être entendrez-vous un gloussement joyeux. Et vous saurez que derrière ces murs, quelque part, une poule est en train de faire le plus beau des miracles : redonner le sourire à quelqu’un qui l’avait perdu depuis longtemps.
Et ça, franchement, ça vaut tous les médicaments du monde.
(Article basé sur des interventions réelles en Île-de-France – environ 3200 mots)
