Vous souvenez-vous de l’époque où l’OGC Nice, aujourd’hui habitué aux joutes européennes, végétait dans les bas-fonds de la Ligue 2, attirant à peine quelques milliers de spectateurs dans un stade du Ray délabré ? C’était à la fin des années 90, une période où le club azuréen, loin de son lustre actuel, traversait une crise profonde. Mais un événement inattendu allait secouer la Côte d’Azur : l’arrivée d’un magnat italien, déjà à la tête de l’AS Rome, qui voyait en Nice un projet audacieux. Cette histoire, presque oubliée, mêle grands noms, ambitions démesurées et désillusions amères. Accrochez-vous, on vous emmène dans un voyage dans le temps, au cœur d’une saga footballistique aussi fascinante que tumultueuse.
Une Rolls Royce pour un Club en Perdition
Novembre 1998. Une Rolls Royce rutilante s’arrête devant le centre d’entraînement de l’OGC Nice. À son bord, un homme d’affaires italien, Franco Sensi, président de l’AS Rome, club phare de la Serie A. À l’époque, Nice est lanterne rouge de la Deuxième Division française, avec des tribunes clairsemées et un stade du Ray qui semble appartenir à une autre époque. Pourquoi un homme de son envergure s’intéresse-t-il à un club en déroute ? La réponse réside dans une vision alors novatrice : la multipropriété, un concept encore flou à l’époque, mais qui allait façonner le football moderne.
Sensi, décédé en 2008, n’était pas un novice. À Rome, il construisait une équipe qui allait remporter le championnat italien en 2001. Son arrivée à Nice, avec une délégation venue vanter les mérites d’un club au bord du gouffre, intrigue autant qu’elle fascine. J’ai toujours trouvé ce genre de pari audacieux : prendre un club en crise et tenter d’en faire une vitrine. Mais à Nice, les choses ne se passent pas comme prévu.
Il avait une vision unique, une capacité à voir au-delà des résultats immédiats.
– Un ancien dirigeant du club azuréen
Un Projet Visionnaire, mais Mal Compris
L’idée de Sensi était ambitieuse : créer un réseau de clubs interconnectés, un peu comme les empires modernes du football que l’on connaît aujourd’hui. Nice devait être une pièce maîtresse de ce puzzle, aux côtés de Foggia et Palerme, deux autres clubs italiens rachetés par Sensi en Serie C1. L’objectif ? Faire circuler les joueurs, optimiser les ressources et, pourquoi pas, transformer Nice en une passerelle pour des talents étrangers, notamment africains et brésiliens, avant leur intégration à Rome.
Contrairement à ce que certains murmurent à l’époque, Sensi ne voyait pas Nice comme une simple réserve pour l’AS Rome. Il avait des projets bien plus grands : un nouveau stade dans la Plaine du Var, un hôtel, peut-être même un casino. En gros, il voulait faire de Nice un acteur majeur du football méridional, rivalisant avec Marseille et Monaco. Mais, comme souvent dans le football, les rêves se heurtent à la réalité.
- Objectif principal : Redonner à Nice une stature nationale.
- Projets annexes : Développer des infrastructures modernes.
- Stratégie : Utiliser la multipropriété pour maximiser les talents.
Des Recrues Prestigieuses pour un Club en Crise
Pour redonner un souffle à l’OGC Nice, Sensi mise sur des recrues de renom. Dès la première saison sous son égide, le club se renforce avec des joueurs comme Lionel Prat et Pablo Rodriguez. Résultat ? Nice termine 14e sur 20 en Ligue 2, évitant de justesse une relégation en National. Pas de quoi pavoiser, mais un premier pas.
L’été 1999 marque un tournant. Sensi sort le chéquier et fait venir trois joueurs d’expérience : Daniel Bravo, légende de l’OM et ancien du club, Marco Grassi, buteur suisse en provenance de Lyon, et José Cobos, défenseur passé par le PSG et Strasbourg. Ces noms font rêver les supporters, mais les résultats ne suivent pas. Nice stagne, terminant 11e en 2000, et frôle même une rétrogradation administrative par la DNCG, avant d’être sauvé en appel.
On avait des joueurs de qualité, mais il manquait une alchimie. Le club était comme un puzzle mal assemblé.
– Un observateur du football azuréen
Conflits Politiques et Rêves d’Infrastructures
Si les résultats sur le terrain déçoivent, c’est en coulisses que le projet de Sensi prend l’eau. Son grand rêve, un nouveau stade dans la Plaine du Var, se heurte à des tensions politiques. À Nice, les rivalités entre le maire de l’époque et son adjoint compliquent tout. L’un propose, l’autre s’oppose. Sensi, habitué aux arcanes du pouvoir à Rome, se retrouve désarmé face à ces luttes intestines.
Frustré, il demande des garanties pour ses investissements. La réponse du maire ? Une vague promesse de rénover le vétuste stade du Ray. Furieux, Sensi claque la porte – ou plutôt, il ordonne de vendre les joueurs. Ce moment marque la rupture. À partir de 1999, il ne remettra plus les pieds à Nice, laissant le club en autogestion.
| Projet | Objectif | Résultat |
| Nouveau stade | Moderniser l’infrastructure | Bloqué par des conflits politiques |
| Recrutement | Renforcer l’équipe | Joueurs de qualité, mais résultats décevants |
| Multipropriété | Créer un réseau de clubs | Partiellement réalisé avec Foggia et Palerme |
Une Gestion Chaotique et des Résultats en Dent de Scie
De 1999 à 2002, l’OGC Nice devient un laboratoire d’expérimentations. Les entraîneurs se succèdent : Victor Zvunka, Guy David, puis Sandro Salvioni, un Italien proche de l’éclosion de stars comme Gianluigi Buffon. Chaque intersaison, l’effectif est renouvelé de moitié, une stratégie qui empêche toute stabilité. Les supporters, eux, oscillent entre espoir et désespoir.
En 2001, l’arrivée de joueurs comme Romain Pitau ou Christophe Meslin redonne un peu d’élan. Mais Sensi, lassé, veut vendre. Plusieurs offres émergent, dont une de Waldemar Kita, futur patron du FC Nantes, et une autre portée par Luc Dayan et Charles Biétry, avec des stars brésiliennes comme Leonardo en toile de fond. Finalement, en février 2002, un quatuor d’investisseurs locaux rachète le club pour un montant tenu secret.
Un vendredi soir, on m’a dit : “Sensi a vendu le club.” Tout a changé en une nuit.
– Un ancien entraîneur de l’OGC Nice
Un Héritage Contrasté
Quand Sensi quitte Nice en 2002, le club retrouve la Ligue 1, une ascension presque inespérée. Pourtant, son passage laisse un goût amer. Les 150 millions de francs (environ 35 millions d’euros actuels) investis n’ont pas transformé Nice comme il l’espérait. Les supporters, eux, restent divisés. Certains saluent son rôle dans le maintien et la montée, tandis que d’autres critiquent une gestion jugée erratique.
Ce qui me frappe dans cette histoire, c’est à quel point elle préfigure les débats actuels sur la multipropriété. Aujourd’hui, des groupes comme Ineos, propriétaires de Nice et actionnaires de Manchester United, reprennent le flambeau. Même la famille Friedkin, actuelle propriétaire de l’AS Rome, a investi à Cannes, à 30 km de Nice. L’histoire semble se répéter, mais avec des moyens bien plus colossaux.
Et Si Tout Avait Été Différent ?
Et si les tensions politiques n’avaient pas freiné Sensi ? Et si son projet de stade avait vu le jour dès les années 2000 ? On peut imaginer un OGC Nice transformé, peut-être même un acteur régulier des coupes européennes bien avant l’arrivée d’Ineos. Mais le football, comme la vie, est fait de “et si”. Cette période, malgré ses échecs, a posé les bases d’une résilience qui caractérise encore le club aujourd’hui.
- Leçon 1 : Les ambitions ne suffisent pas sans un soutien local.
- Leçon 2 : La multipropriété, bien que séduisante, est un pari risqué.
- Leçon 3 : Les infrastructures modernes sont essentielles pour rivaliser.
En revisitant cette période, on comprend mieux les défis du football moderne. L’OGC Nice d’aujourd’hui, avec son Allianz Riviera et ses ambitions européennes, doit beaucoup à ces années de galère. Franco Sensi, avec ses rêves trop grands pour l’époque, a peut-être planté une graine. Et vous, que pensez-vous de cette époque ? Le football d’aujourd’hui a-t-il vraiment changé, ou répète-t-on les mêmes erreurs ?
