Vous est-il déjà arrivé de passer devant un restaurant vide alors qu’à cinquante mètres une foule se presse autour d’un food truck qui sent bon les burgers et les frites maison ? Moi, oui. Et franchement, ça fait mal au cœur. Dans le Loiret, cette scène n’a plus rien d’exceptionnel. Elle est même devenue le quotidien de nombreux restaurateurs qui se sentent que le sol se dérobe sous leurs pieds.
Un ras-le-bol qui dure depuis des mois
L’été dernier, les quais de Loire ont vu fleurir les guinguettes comme jamais. Certaines sources parlent de dix-huit structures rien que dans l’agglomération orléanaise. Dix-huit endroits où l’on boit, mange et fait la fête, souvent jusqu’à des heures où les bars classiques doivent déjà baisser le rideau.
Et là, vous vous dites : super, l’animation revient en ville ! Sauf que pour les patrons de restaurants, ce n’est pas de l’animation. C’est une menace directe.
« On n’a rien contre les guinguettes en soi. Mais quand certaines touchent des subventions culturelles, tournent avec des bénévoles et ferment à des horaires impossibles pour nous, ça devient compliqué de rester compétitif. »
– Un président de syndicat hôtelier du département
Le pire ? Ce n’est pas fini. Avec l’arrivée des marchés de Noël et des événements hivernaux, les food trucks reviennent en force. Et cette fois, ils s’installent parfois juste en face des terrasses des restaurants établis depuis vingt ans.
La goutte d’eau : la restauration « parallèle »
Mais le vrai sujet qui met le feu aux poudres, c’est cette nouvelle vague de cuisine faite à la maison vendue en direct. Sur Facebook, Instagram ou Leboncoin, des particuliers proposent des tajines, des pâtisseries orientales, bûches de Noël ou plateaux-repas à des prix défiant toute concurrence.
Je ne jette la pierre à personne. Quand on galère à joindre les deux bouts, préparer des plats pour arrondir les fins de mois, je comprends. Le problème, c’est que ces vendeurs occasionnels ne passent pas par les mêmes contraintes que les professionnels :
- Pas de formation hygiène obligatoire
- Pas de contrôle vétérinaire régulier
- Pas de traçabilité exigée
- Pas de charges sociales ni fiscales au même niveau
- Pas d’horaires d’ouverture encadrés
Résultat ? Un plat qui coûte 18 € au restaurant peut être proposé à 9 € par un particulier. Et le client, lui, il voit surtout le prix.
J’ai discuté avec une restauratrice d’Orléans qui m’a confié, les larmes aux yeux, qu’elle avait perdu 40 % de chiffre d’affaires sur les repas de groupe de fin d’année à cause de ces offres « maison ». Ça fait mal.
La réponse des collectivités : « Ce n’est pas la même chose »
Du côté des mairies et de la métropole, on se veut rassurant. Les guinguettes, nous dit-on, c’est une stratégie ancienne pour redonner vie aux quais. Elles auraient même permis d’éviter certains rassemblements sauvages et de soutenir les artistes locaux.
On ajoute que chaque structure est sélectionnée sur appel d’offres, paye une redevance, respecte des horaires stricts et des niveaux sonores limités. Bref, tout serait sous contrôle.
Quant à la concurrence, la réponse est claire :
« Les guinguettes proposent une offre simple, sans vraie cuisine sur place, très dépendante de la météo. Elles n’ont pas vocation à remplacer les restaurants. »
Sauf que dans les faits, quand un client a le choix entre une bière à 7 € dans un bar avec charges et une pinte à 4 € dans une guinguette subventionnée, il va où, vous pensez ?
Un secteur déjà à genoux
Il faut remettre les choses en perspective. La restauration traditionnelle française souffre depuis plusieurs années. Inflation, hausse des matières premières, explosion de l’énergie, changement des règles sur les tickets-restaurant… Tout y passe.
Ajoutez à cela une baisse du pouvoir d’achat qui pousse les gens à cuisiner plus souvent ou à choisir des solutions moins chères, et vous avez la tempête parfaite.
Dans ce contexte, chaque food truck supplémentaire, chaque guinguette qui prolonge ses horaires, chaque particulier qui vend vingt bûches de Noël sans déclarer, c’est un coup de plus porté à des entreprises déjà fragilisées.
Vers une table ronde en 2026 ?
Les professionnels l’espèrent. Ils demandent simplement des règles du jeu identiques pour tout le monde. Pas de favoritisme, pas d’exceptions, pas de zones grises.
Parce que derrière les belles lumières des guinguettes et l’ambiance conviviale des food trucks, il y a des familles qui risquent de mettre la clé sous la porte. Des salariés qui pourraient se retrouver au chômage. Des savoir-faire qui disparaissent.
Et ça, franchement, ça serait dommage.
Et nous, consommateurs, dans tout ça ?
On adore l’ambiance des quais en été, les food trucks sympas, les plats « comme à la maison » à prix doux. Moi le premier.
Mais à force de toujours choisir le moins cher ou le plus festif, on risque de se retrouver avec des centres-villes remplis de guinguettes éphémères… et plus un seul vrai restaurant où fêter un anniversaire en janvier.
L’équilibre est fragile. Et c’est peut-être le moment de se poser la question : veut-on des villes vivantes toute l’année, ou juste des animations ponctuelles qui font joli sur Instagram ?
Le débat est lancé dans le Loiret. Et quelque part, il nous concerne tous.
Personnellement, j’espère qu’une solution sera trouvée avant l’été prochain. Parce que j’aime trop mes restaurants de quartier pour les voir fermer les uns après les autres.
Et vous, qu’en pensez-vous ?
