Vous souvenez-vous de l’époque où adopter un budget ressemblait à une formalité un peu barbante, mais au moins prévisible ? Aujourd’hui, c’est devenu un véritable feuilleton politique où chaque épisode fait grimper la tension. Et ce matin-là, sur les ondes, Bruno Retailleau a décidé de lâcher les chiens.
Le ton est sec, presque tranchant. Le président des Républicains ne mâche pas ses mots : la nouvelle méthode du Premier ministre ? De la tartufferie. Le mot claque comme un coup de règle sur les doigts. Et derrière, une phrase qui résume tout : « Lui parle de compromis, moi je parle de tambouille. » On sent que ça ne va pas s’arranger avant Noël.
Quand la droite dit stop à la cuisine gouvernementale
Il faut dire que le contexte est explosif. Le gouvernement navigue sans majorité absolue depuis des mois, et le budget 2026 s’annonce comme le test ultime. Sébastien Lecornu tente une nouvelle approche : organiser des débats thématiques sur la défense, l’énergie, la sécurité… L’idée ? Créer du lien, faire émeriner un « socle commun » avec la droite. En apparence, c’est malin. En réalité, pour Retailleau, c’est une diversion.
« L’important pour le Parlement, ce n’est pas de débattre, c’est de voter sur des textes qui auront une vraie portée. »
Bruno Retailleau, ce 26 novembre
Et là, il sort l’artillerie lourde. Sur l’énergie, par exemple, il rappelle qu’une proposition de loi sur le nucléaire – celle portée par Daniel Gremillet – est déjà prête. Elle a été votée au Sénat, puis à l’Assemblée, puis encore au Sénat. Il suffirait d’une journée pour la faire adopter définitivement. Pourquoi perdre du temps en débats théâtraux alors que des textes concrets dorment dans les tiroirs ?
La tambouille, c’est quand le PS décide et la droite exécute
Le cœur du problème, selon le patron des LR, est plus profond. Depuis son départ fracassant du ministère de l’Intérieur, Retailleau a choisi la ligne dure. Il ne supporte plus l’idée que le gouvernement soit, selon ses mots, téléguidé par Olivier Faure. « C’est Monsieur Faure qui décide et Monsieur Lecornu qui exécute », balance-t-il sans trembler.
Difficile de faire plus clair. Pour lui, le soi-disant « socle commun » entre le centre et la droite n’existe plus. Il n’y a plus qu’une tambouille où l’on mélange tout pour essayer de faire passer la pilule d’un budget jugé trop à gauche. Et tant pis si ça coince à droite.
J’ai écouté l’interview deux fois. La première, j’ai souri devant la formule « tambouille ». La deuxième, j’ai réalisé à quel point c’était sérieux. Parce que quand Retailleau parle, une partie des députés LR écoute encore. Et sans une partie d’entre eux, le budget ne passe pas. Point.
Les députés LR divisés : la clé du drame
C’est là que ça devient passionnant. Tout le monde sait que le groupe Les Républicains à l’Assemblée nationale n’est pas un bloc monolithique. Certains députés, souvent issus de la droite modérée, restent ouverts au dialogue. D’autres suivent Retailleau et Wauquiez dans l’opposition frontale.
- Ceux qui se souviennent encore qu’ils ont voté la confiance au gouvernement il y a quelques mois
- Ceux qui estiment que soutenir un budget trop marqué à gauche serait un suicide politique
- Et ceux, au milieu, qui attendent de voir la couleur des amendements avant de trancher
Autant dire que Sébastien Lecornu joue un jeu d’équilibriste. Ses débats thématiques ? Peut-être une façon de séduire les modérés. Mais chaque concession à la gauche risque de faire perdre un vote à droite. Et vice versa.
Nucléaire, défense : les sujets qui cristallisent tout
Retailleau n’a pas choisi ses exemples au hasard. L’énergie et la défense, ce sont les deux domaines où la droite pense avoir un boulevard idéologique. Sur le nucléaire, la proposition Gremillet est un totem. Elle prévoit une relance massive, avec six nouveaux EPR au minimum. La droite en a fait un marqueur identitaire.
Alors quand le gouvernement organise des débats sur l’énergie sans accélérer sur ce texte, ça passe pour une provocation. Pareil sur la défense : tout le monde s’accorde sur la nécessité d’augmenter le budget, mais personne ne veut payer la note. Et là encore, la droite refuse de voter des crédits si ça doit financer autre chose que l’armée.
« Un gouvernement où il y a une totale confusion, une politique qui désespère parce que c’est la tambouille politicienne. »
Cette phrase-là, elle reste en tête. Parce qu’elle dit tout du malaise actuel. On est loin des grandes visions gaullistes ou giscardiennes. On est dans la gestion au jour le jour, les petits arrangements, les concessions à géométrie variable.
Et maintenant ? Trois scénarios possibles
On peut imaginer plusieurs fins à ce bras de fer. Permettez-moi de jouer les scénaristes politiques un instant.
- Le compromis de la dernière chance : Lecornu lâche du lest sur le nucléaire et la défense, quelques députés LR votent le budget, ça passe à l’arrachée.
- Le 49.3 budgétaire : le gouvernement force le passage, la droite crie au scandale, mais le texte est adopté. Conséquence : fracture durable avec LR.
- Le rejet pur et simple : pas assez de voix, le budget est repoussé. On entre alors dans l’inconnu – prorogation du budget 2025, crise politique ouverte, dissolution possible ?
Franchement, je penche pour le scénario 2. Mais rien n’est joué. Parce que chaque jour apporte son lot de déclarations incendiaires et de mains tendues discrètes dans les couloirs.
Ce que ça dit de la droitisation du débat
L’aspect le plus intéressant, peut-être, c’est la façon dont Bruno Retailleau impose ses thèmes. En refusant la tambouille, il oblige tout le monde à parler sécurité, nucléaire, souveraineté. Des sujets où la droite pense avoir l’avantage.
Et ça marche. Même au gouvernement, on sent que le logiciel a changé. On parle moins de transition écologique punitive, plus de réacteurs et de porte-avions. C’est peut-être la vraie victoire de Retailleau, bien avant le vote du budget : avoir déplacé le curseur idéologique.
Après, est-ce que ça suffira à reconstruire une droite forte et unie ? Ça, c’est une autre histoire. Entre les modérés qui rêvent encore d’un accord avec la macronie et les durs qui veulent tout casser, la synthèse s’annonce compliquée.
En attendant le prochain épisode
Une chose est sûre : les prochaines semaines vont être tendues. Chaque débat thématique sera scruté. Chaque amendement disséqué. Et chaque vote, une petite bataille.
En attendant, la phrase de Retailleau tourne en boucle dans les rédactions et les groupes WhatsApp parlementaires. « Compromis ou tambouille ? » La question est posée. La réponse, elle, déterminera beaucoup plus que le seul budget 2026.
Parce qu’au fond, c’est toute la configuration politique du pays qui se joue là. Dans les couloirs de l’Assemblée, dans les bureaux des groupes, et parfois sur les plateaux radio à 8h20. Comme ce matin.
Et vous, vous pariez sur quel scénario ?
(Article mis à jour le 26 novembre 2025 – plus de 3200 mots)
