Vous arrive-t-il parfois de regarder votre bulletin de salaire et de vous dire que, franchement, tout ça finira bien par s’arranger ? Que la retraite, ce sera tranquille, avec une pension correcte et des voyages ? Moi aussi. Et pourtant, une voix vient de me faire l’effet d’une douche froide, le genre qui vous réveille à 6h du matin en plein hiver.
Un grand patron, pas n’importe lequel, celui qui dirige la banque publique chargée d’aider les entreprises françaises, a balancé une phrase qui résonne encore dans ma tête : « Toute la société française se ment à elle-même » sur le dossier des retraites. Et quand on lit ses arguments, on se dit qu’il n’a peut-être pas tort.
Le tabou qu’on refuse tous de regarder en face
Le problème n’est pas nouveau, mais il prend des proportions qu’on n’imaginait même pas il y a vingt ans. La France vieillit. Vite. Trop vite. Et personne ne veut vraiment en parler comme il faudrait.
Quand j’ai commencé à travailler, il y avait environ trois actifs pour un retraité. Aujourd’hui, on est plutôt à 1,7. Demain ? On risque de tomber à 1,2 ou 1,3. Faites le calcul vous-même : ça veut dire qu’un seul salarié devra financer la retraite d’une personne presque entière. C’est tenable, ça ? Franchement ?
Et pourtant, à chaque fois qu’un politique ose effleurer le sujet, c’est la bronca. Manifestations, grèves, blocages. On a vu ce que ça a donné avec la dernière réforme. Tout le monde hurle, mais personne ne propose de solution crédible sur le long terme.
Le miroir qu’on refuse de regarder
Ce qui m’a marqué dans les propos de ce dirigeant, c’est cette idée du mensonge collectif. On se raconte tous des histoires. Les jeunes croient qu’ils toucheront quelque chose le jour venu. Les actifs pensent que ça tiendra encore quelques années. Les retraités actuels, eux, estiment avoir cotisé toute leur vie et qu’on n’a pas à y toucher.
Et si tout le monde avait tort en même temps ?
« Il va falloir réexpliquer les tenants et les aboutissants » aux Français, parce que le sujet est devenu tellement explosif que plus personne n’ose le prendre à bras-le-corps.
Cette phrase m’a scotché. Parce qu’elle dit tout. On a laissé la peur l’emporter sur la raison. On préfère se boucher les oreilles plutôt que d’entendre des vérités qui dérangent.
Pourquoi c’est si difficile d’en parler franchement
Il y a plusieurs raisons, et elles sont toutes humaines.
- D’abord, les retraités votent. Beaucoup. Et ils votent souvent pour ceux qui promettent de ne rien toucher à leur pension.
- Ensuite, on a construit tout un récit national autour de la retraite à 60 ans, puis 62, comme si c’était un acquis intouchable gravé dans le marbre.
- Enfin, personne n’a envie d’être celui qui annonce la mauvaise nouvelle. Le politique qui dira la vérité risque de se faire laminer aux élections suivantes.
Résultat ? On bricole. On recule l’âge légal de deux ans, on augmente les cotisations, on crée des régimes spéciaux puis on les supprime à moitié. Mais on ne règle rien sur le fond.
C’est un peu comme si votre maison prenait l’eau de partout et que vous mettiez des seaux sous les fuites au lieu de réparer la toiture.
Les chiffres qui font mal
On peut toujours fermer les yeux, les chiffres, eux, ne mentent pas.
En 2050, un Français sur trois aura plus de 60 ans. Un sur trois ! En 1970, c’était un sur sept. Vous voyez la différence ? Et pendant ce temps, le nombre de naissances stagne, voire baisse certains années.
Le système par répartition, qui fonctionne tant qu’il y a plus de cotisants que de bénéficiaires, est en train de vivre ses dernières belles années. Après, ça va être compliqué.
| Année | Ratio cotisants/retraités | Conséquence probable |
| 2000 | 2,5 pour 1 | Système encore confortable |
| 2025 | 1,7 pour 1 | Début des tensions sérieuses |
| 2050 | 1,2 à 1,3 pour 1 | Équilibre impossible sans réformes majeures |
Ce tableau fait peur, je sais. Mais c’est la réalité qu’on nous cache derrière des discours lénifiants.
Et si on arrêtait de se voiler la face ?
La vraie question, celle qu’on n’ose pas poser, c’est : qu’est-ce qu’on est prêts à accepter pour sauver le système ?
Travailler plus longtemps ? Baisser le niveau des pensions ? Augmenter massivement les cotisations ? Faire contribuer les retraités les plus aisés ? Tout ça à la fois ?
Personne n’a envie de choisir. Moi le premier. Mais plus on attend, plus les solutions seront douloureuses.
J’ai discuté avec un ami actuaire l’autre jour. Il m’a dit un truc qui m’a glacé : « Dans vingt ans, soit on aura fait les réformes nécessaires, soit le système aura explosé et on bricolera dans l’urgence avec des pensions de misère pour tout le monde ».
Les solutions qu’on ne veut pas entendre
Il existe pourtant des pistes. Elles ne sont pas agréables, mais elles existent.
- Aligner vraiment l’âge de départ sur l’espérance de vie (qui continue d’augmenter, merci la médecine).
- Encourager massivement l’emploi des seniors (parce qu’aujourd’hui, à 58 ans, vous êtes déjà trop vieux pour beaucoup d’employeurs).
- Mettre en place une dose de capitalisation pour compléter la répartition.
- Faire contribuer les hauts patrimoines des retraités (pas tous, mais ceux qui ont vraiment les moyens).
- Et oui, peut-être accepter qu’on ne partira pas tous à 62 ans avec 80 % de son dernier salaire.
Je sais, ça fait mal. Mais c’est ça ou la catastrophe.
Le courage politique qui manque
Ce qui manque cruellement, c’est un discours de vérité. Pas des petites phrases dans les médias, mais une vraie campagne pédagogique, longue, sérieuse, respectueuse.
Expliquer aux Français pourquoi on en est là. Montrer les chiffres. Comparer avec les autres pays (l’Allemagne, la Suède, les Pays-Bas ont fait des choix difficiles, mais ils ont des systèmes plus solides aujourd’hui).
Et surtout, arrêter de promettre la lune à tout le monde.
Parce que tant qu’on continuera à dire « on ne touchera pas aux retraites » pour gagner des voix, on creusera le trou. Et un jour, il sera trop profond pour en sortir.
Et nous, dans tout ça ?
On n’est pas juste des spectateurs. On est acteurs.
Chaque fois qu’on refuse de parler du sujet, qu’on descend dans la rue pour bloquer une réforme sans proposer d’alternative, qu’on vote pour ceux qui promettent l’impossible, on participe au mensonge collectif.
Moi le premier, je l’avoue. J’ai manifesté contre le report à 64 ans. Sur le moment, ça me semblait injuste. Aujourd’hui, quand je regarde les chiffres, je me demande si je n’ai pas participé à repousser le problème au lieu de le résoudre.
Il est temps qu’on grandisse tous. Collectivement.
La retraite, ce n’est pas un dû intangible. C’est un contrat entre générations. Et ce contrat, on est en train de le rompre.
Alors oui, la phrase était dure. « Toute la société française se ment à elle-même ». Mais parfois, il faut une bonne claque pour se réveiller.
Et vous, vous êtes prêts à regarder la vérité en face ?
Je ne sais pas si cet article vous aura fait changer d’avis. Peut-être que vous êtes en colère en le lisant. Peut-être que vous vous dites que j’exagère. Mais une chose est sûre : le sujet mérite qu’on en parle. Vraiment. Sans tabou. Sans colère. Juste avec lucidité.
Parce que nos enfants, eux, n’auront pas le luxe de se bercer d’illusions.
