Quand j’ai appris la disparition de Rick Davies, l’un des piliers de Supertramp, un frisson m’a traversé. Pas seulement parce que sa musique a bercé tant de générations, mais parce que son histoire, mêlée de génie et de tensions, incarne l’essence même du rock des années 70. Davies, mort à 81 ans, laisse derrière lui un héritage monumental, mais aussi des questions : pourquoi les deux voix emblématiques du groupe, lui et Roger Hodgson, se sont-elles déchirées au point de marquer à jamais l’histoire de Supertramp ?
Un Géant du Rock Progressif S’Éteint
Le 6 septembre 2025, le monde de la musique a perdu une figure discrète mais essentielle. Rick Davies, cofondateur de Supertramp, s’est éteint à Long Island, après une lutte acharnée contre un myélome multiple, une forme rare de cancer de la moelle osseuse. À 81 ans, il incarnait encore l’âme d’un groupe qui a vendu des millions d’albums et marqué des générations avec des titres comme Breakfast in America ou Goodbye Stranger. Mais au-delà des mélodies entêtantes, c’est l’histoire complexe et parfois douloureuse du groupe qui fascine.
Supertramp, c’est cette alchimie improbable entre des sonorités pop, rock progressif et une touche de jazz, portée par deux voix distinctes : celle, rauque et bluesy, de Davies, et celle, plus aérienne et lyrique, de Roger Hodgson. Ensemble, ils ont créé un son unique, mais leur collaboration n’a pas toujours été un long fleuve tranquille. Alors, qu’est-ce qui a fait basculer leur partenariat en une rivalité légendaire ?
Les Origines de Supertramp : Une Rencontre Explosive
Pour comprendre la guerre entre Davies et Hodgson, il faut remonter aux débuts. Supertramp naît à la fin des années 60, dans un Londres bouillonnant de créativité. Rick Davies, pianiste et organiste talentueux, rencontre Roger Hodgson, guitariste et compositeur à la sensibilité pop. Leur complémentarité est immédiate : Davies apporte une profondeur blues et une rigueur technique, tandis qu’Hodgson insuffle une légèreté mélodique. Ensemble, ils posent les bases d’un groupe qui va redéfinir le rock progressif.
Mais dès le départ, les différences de personnalité s’installent. Davies, plus pragmatique, veut un son ancré, presque cinématographique. Hodgson, lui, vise des chansons universelles, presque spirituelles. Cette tension, au lieu de les freiner, alimente leur créativité. Les albums comme Crime of the Century (1974) ou Even in the Quietest Moments (1977) en sont la preuve : un équilibre parfait entre ambition artistique et succès commercial.
« Supertramp, c’était un mariage improbable entre deux visions. C’est ce qui a fait leur génie, mais aussi leur chute. »
– Un critique musical anonyme
Le Succès de Breakfast in America : Le Début de la Fin
1979 marque un tournant avec Breakfast in America, l’album qui propulse Supertramp au sommet. Vendu à plus de 20 millions d’exemplaires, il contient des hits comme The Logical Song ou Take the Long Way Home. Mais ce triomphe cache une fracture. Les chansons, souvent signées Hodgson, dominent l’album, reléguant Davies à un rôle plus discret. Ce déséquilibre sème les graines du conflit.
J’ai toujours trouvé fascinant comment un album aussi lumineux pouvait naître d’une tension aussi palpable. Selon des proches du groupe, Davies, qui gérait les aspects financiers et logistiques, se sentait parfois éclipsé par l’aura de Hodgson. Ce dernier, de son côté, reprochait à Davies une approche trop rigide. Leur collaboration, autrefois si fluide, commence à craqueler.
- Différences créatives : Hodgson voulait explorer des thèmes spirituels, Davies préférait un son plus brut.
- Rôles dans le groupe : Davies gérait la marque Supertramp, tandis qu’Hodgson attirait les projecteurs.
- Pressions du succès : La célébrité et les tournées interminables amplifient les tensions.
La Rupture : Quand Hodgson Quitte le Navire
En 1983, après l’album Famous Last Words, Roger Hodgson claque la porte. Ce départ, loin d’être anodin, marque la fin d’une ère. Pourquoi ? Les raisons sont multiples, mais la principale semble être un désaccord fondamental sur la direction artistique. Hodgson voulait s’éloigner du son pop pour explorer des horizons plus personnels, tandis que Davies tenait à préserver l’identité de Supertramp.
Ce schisme n’est pas rare dans les groupes de rock. Pensez à Pink Floyd avec Waters et Gilmour, ou aux Eagles. Mais chez Supertramp, il prend une tournure presque tragique. Davies, en tant que détenteur légal du nom Supertramp, continue l’aventure avec de nouveaux musiciens, tandis qu’Hodgson entame une carrière solo. Les fans, eux, sont déchirés : doit-on rester fidèle au groupe ou suivre Hodgson ?
« Perdre Roger, c’était comme perdre une moitié de l’âme de Supertramp. Mais Rick a prouvé qu’il pouvait tenir la barre. »
– Un fan de longue date
Les Tentatives de Réconciliation : Un Échec Amer
Les années 80 et 90 voient plusieurs tentatives de réunion, mais aucune ne porte ses fruits. En 1987, Davies sort un album sous le nom de Supertramp, Free as a Bird, sans Hodgson. Le résultat est mitigé, et les fans regrettent l’absence de la voix emblématique. De son côté, Hodgson peine à retrouver le succès commercial en solo, malgré des albums respectés.
En 2010, une tournée de reformation est organisée pour célébrer les 40 ans du groupe. Les espoirs renaissent, mais les tensions refont surface. Selon des proches, les deux hommes ne partagent plus la même vision. La tournée, bien que réussie, est marquée par une froideur entre les deux leaders. Davies, fidèle à son orgue Würlitzer, semble vouloir prouver que Supertramp peut exister sans Hodgson. Ce dernier, lui, préfère se concentrer sur ses propres projets.
| Période | Événement clé | Impact sur le groupe |
| 1979 | Sortie de Breakfast in America | Succès mondial, mais tensions internes |
| 1983 | Départ de Roger Hodgson | Fin de l’âge d’or de Supertramp |
| 2010 | Tournée de reformation | Retour nostalgique, mais froideur persistante |
L’Héritage de Rick Davies : Un Géant Discret
Avec la mort de Rick Davies, c’est une page de l’histoire du rock qui se tourne. Son style, marqué par cet orgue Würlitzer reconnaissable entre mille, a donné à Supertramp une couleur unique. Mais au-delà de la musique, Davies était aussi un homme d’affaires avisé, gérant la marque Supertramp avec une main de fer. Certains le décrivent comme un leader autoritaire, d’autres comme un visionnaire qui a su maintenir le groupe à flot malgré les tempêtes.
Ce qui me frappe, c’est la discrétion de Davies. Contrairement à Hodgson, qui aimait la lumière, il préférait rester dans l’ombre, derrière son clavier. Pourtant, sans lui, Supertramp n’aurait jamais atteint de tels sommets. Ses compositions, comme Goodbye Stranger, restent des hymnes intemporels, et son influence continue d’inspirer des artistes d’aujourd’hui.
Pourquoi Cette Rivalité Fascine-T-Elle Autant ?
La rivalité entre Davies et Hodgson, c’est plus qu’une simple dispute entre musiciens. Elle incarne une vérité universelle : la création artistique, quand elle atteint des sommets, est souvent le fruit d’un conflit. Leur opposition a donné naissance à des chansons qui parlent à des millions de personnes. Mais elle a aussi brisé une collaboration qui aurait pu durer des décennies.
En repensant à cette histoire, je me demande : et si les deux hommes avaient su mettre leurs ego de côté ? Aurions-nous eu droit à d’autres chefs-d’œuvre ? Ou est-ce justement cette tension qui a rendu Supertramp si unique ? Une chose est sûre : la musique du groupe continue de résonner, portée par la voix rocailleuse de Davies et l’héritage d’une rivalité devenue légende.
- Leçon 1 : Les différences créatives peuvent être une force, mais aussi une bombe à retardement.
- Leçon 2 : Le succès commercial ne garantit pas l’harmonie interne.
- Leçon 3 : L’héritage d’un artiste survit toujours aux conflits.
Et Aujourd’hui ?
La mort de Rick Davies met un point final à l’histoire de Supertramp, du moins dans sa forme originelle. Mais les chansons du groupe, elles, continuent de vivre. Sur les plateformes de streaming, dans les playlists nostalgiques, ou lors des soirées entre amis, Dreamer, School ou Give a Little Bit résonnent encore. Et c’est peut-être là la plus belle victoire de Davies : avoir créé une musique qui transcende le temps et les querelles.
Pour les fans, le débat sur la rivalité Davies-Hodgson restera toujours vif. Était-ce une question d’ego, de vision artistique, ou simplement d’usure ? Une chose est sûre : sans ces deux génies, Supertramp ne serait pas devenu ce qu’il est. Alors, la prochaine fois que vous écouterez Breakfast in America, prenez un moment pour saluer la mémoire de Rick Davies, ce géant discret qui a fait vibrer le monde.
