Il y a des soirs où même les plus grands semblent tout petits. Samedi soir au Stade de France, Romain Ntamack remettra le maillot numéro 10 des Bleus face à l’Australie. Et franchement, on a tous un peu le cœur serré.
Parce que ces dernières semaines, l’ouvreur star du XV de France et du Stade Toulousain n’a pas été le magicien qu’on connaît. Loin de là. Deux matchs, deux performances qui laissent un goût amer : d’abord contre les Springboks, puis face aux Fidji. Et pourtant, on parle du gamin prodige qui avait ébloui la planète rugby avant sa rupture des ligaments croisés en août 2023.
Un retour attendu comme le Messie… et un peu décevant
Quand il a repris la compétition avec Toulouse au printemps dernier trimestre 2024, on s’est tous dit : « Ça y est, le patron est de retour. » Des matchs de haut vol, des gestes de génie, une finale de Champions Cup remportée… Tout semblait parfait. Forcément, en sélection, on l’attendait au tournant.
Mais voilà, le rugby international, c’est une autre paire de manches. Le rythme est infernal, les impacts plus violents, les défenses plus organisées. Et surtout, il y a cette pression énorme sur les épaules du numéro 10 français. Celui qui doit tout diriger, tout créer, tout assumer.
Contre l’Afrique du Sud, il est entré en cours de jeu. Peu d’occasions de briller, mais déjà une impression de jouer un ton en dessous. Puis contre les Fidji, titulaire dès le coup d’envoi à Bordeaux : l’espoir était immense. Et pourtant…
Ce qu’on a vu (ou plutôt ce qu’on n’a pas vu) contre les Fidji
Une seule action vraiment positive à se mettre sous la dent : ce décalage malin pour Thomas Ramos qui amène l’essai de Nicolas Depoortere. Pour le reste ? Un plaquage manqué sur le deuxième essai fidjien, des choix de jeu parfois douteux, et surtout cette sensation qu’il flottait au-dessus du match sans jamais le dominer.
Pas de grands coups de pied de déplacement, pas de percussions tranchantes, pas de ces offloads dont il a le secret. Juste un Ntamack en mode économie d’énergie. Comme s’il jouait avec le frein à main.
« Je suis revenu, je prends du plaisir, mais je sais que je peux faire beaucoup mieux. »
Romain Ntamack, après France-Fidji
La phrase est honnête. Mais elle fait mal. Parce qu’on a l’habitude de le voir tout casser, pas de l’entendre parler de « travail en cours ».
Les raisons possibles de cette méforme passagère
Alors, qu’est-ce qui coince ? Plusieurs pistes se dessinent, et aucune n’est à exclure totalement.
- Le manque de rythme international. Plus d’un an sans Test-match, c’est énorme. Même les plus grands ont besoin de temps pour retrouver leurs automatismes au plus haut niveau.
- La gestion post-blessure. Une rupture du croisés, ce n’est pas anodin. Même si physiquement il semble au top, le corps peut encore avoir des réflexes de protection inconsciente.
- La concurrence interne. Matthieu Jalibert pousse fort, Antoine Hastoy progresse, Léo Berdeu frappe à la porte… Cette pression peut paradoxalement le paralyser.
- Le rôle dans le système Galthié. Le staff demande aux 10 de beaucoup défendre et de sécuriser le jeu. Est-ce que ça bride son génie naturel ?
Personnellement, je penche pour un mélange des quatre. Et surtout pour un facteur qu’on oublie souvent : la tête.
Quand tu reviens d’une grosse blessure, tu joues parfois avec une petite voix dans la tête qui te dit « attention, ne te fais pas mal à nouveau ». C’est humain. Ça freine les prises d’initiative, ça pousse à privilégier la passe courte plutôt que le coup de génie.
Ce que disent les chiffres (et ils ne sont pas tendres)
Pour ceux qui aiment les stats, voilà quelques chiffres cruels sur les deux derniers matchs de Ntamack avec les Bleus :
| Critère | vs Afrique du Sud | vs Fidji | Moyenne habituelle (2019-2023) |
| Minutes jouées | 26 | 80 | 70-80 |
| Mètres gagnés ballon en main | 4 | 11 | 45+ |
| Défenseurs battus | 0 | 1 | 4,2 |
| Plaquages manqués | 1 | 2 | 0,8 |
| Passes après contact | 0 | 1 | 3,1 |
Les chiffres parlent d’eux-mêmes. On est très loin du Ntamack version 2022-2023 qui martyrisait les défenses.
Et maintenant ? Le match contre l’Australie, tournant ou confirmation ?
Samedi au Stade de France, il sera de nouveau titulaire. Avec un duo Meafou-Flament en deuxième ligne et le retour de Gaël Fickou au centre, l’équipe a fière allure sur le papier. Mais tous les regards seront braqués sur le 10.
L’Australie version 2025 n’est plus l’ogre d’antan, mais reste une équipe capable de punir la moindre erreur. Si Ntamack ne retrouve pas ses sensations, les Wallabies sauront en profiter. Et là, la question deviendra brûlante : faut-il le laisser au repos contre le Japon pour laisser Jalibert prendre le relais ?
Je ne le pense pas encore. Un grand joueur a le droit à un ou deux matchs pour se remettre dans le bain. Mais il n’a plus trop le droit à l’erreur.
Pourquoi je reste (quand même) optimiste
Parce que c’est Romain Ntamack, tout simplement.
Le gamin a 26 ans. Il a déjà connu des passages à vide (rappelez-vous le Tournoi 2021 où il avait été critiqué). Et à chaque fois, il est revenu plus fort. Son talent est indéniable, son intelligence de jeu rare, sa vision exceptionnelle.
Et surtout, il a Antoine Dupont à côté de lui. Le meilleur joueur du monde. Quand ces deux-là se trouvent, c’est magique. Ils ont juste besoin de retrouver leurs repères communs.
Je me souviens d’un entraîneur qui me disait un jour : « Les très grands joueurs ne perdent jamais leur rugby. Ils le mettent parfois en veilleuse, le temps de recharger les batteries. »
Ntamack est en veilleuse. Mais la lumière peut revenir très vite. Peut-être même dès samedi soir.
Alors non, je ne m’inquiète pas encore. Mais je surveille. Comme tout le monde.
Et vous, vous en pensez quoi ? Ntamack va-t-il se réveiller contre l’Australie ou faut-il commencer à envisager un plan B à l’ouverture ? Dites-le moi en commentaire, le débat est ouvert !
